Décrit comme un « guerrier, législateur, chef providentiel, martyr » par Sudhir Hazareesingh, dans sa biographie parue en 2020, il passera en un demi-siècle du statut d’esclave à celui de maître et libérateur de la colonie, vainqueur des Espagnols et des Britanniques.
Le 7 avril 1803, au Fort de Joux dans le Doubs en France, décède celui qui a guidé Saint-Domingue vers la liberté, un an avant que la colonie ne devienne indépendante sous le nom de Haïti.
Il nait dans l’esclavage le 20 mai 1743 à la plantation de Bréda près de Cap-Français (aujourd’hui Cap-Haïtien). Ses ancêtres étaient originaires du Bénin. Il est affranchi en 1776, et s’élève dans la société : en 1789, il sait lire et écrire, il s’est enrichi et possède même quelques esclaves.
Alors que les échos de la Révolution française de l’autre côté de l’Atlantique ébranlent le système esclavagiste de Saint-Domingue, il se rallie en 1791 à l’insurrection des esclaves déclenchée à la suite de la cérémonie vaudou de Bois-Caïman dans la nuit du 14 au 15 août 1791. Bientôt surnommé « Louverture » en référence à sa bravoure et la manière dont il enfonce les brèches à la tête de ses troupes, il se relève être un grand stratège militaire aux côtés des premiers chefs de l’insurrection Jean-François et Georges Biassou.
Désireux d’affaiblir la France révolutionnaire dans sa colonie la plus riche et la plus peuplée, le royaume d’Espagne, qui occupe la partie est de l’île d’Hispaniola (Santo Domingo) et est alors en guerre contre la République française, décide en 1793 d’apporter leur soutien aux rebelles. Toussaint Louverture est alors nommé lieutenant général.
Le 4 février 1794, l’assemblée de la Convention vote le décret d’abolition de l’esclavage, quelque mois après la proclamation de la liberté générale à Saint-Domingue. Toussaint décide de rejoindre le camp français avec ses 4000 soldats. L’Espagne capitule l’année suivante. Après avoir combattu pour le général Lavaux, gouverneur de la colonie, il est nommé lieutenant-gouverneur de Saint-Domingue en 1796 puis commandant en chef de l’armée en 1797, statut avec lequel il combattra les Britanniques et obtiendra leur capitulation.
Fort de ses succès, il est nommé général de Saint-Domingue en 1801. Il décide alors d’élaborer une constitution pour affirmer l’autonomie de la colonie et s’auto-proclamer gouverneur à vie le 8 juillet 1801. Il administre désormais l’île en maître absolu, il encourage les planteurs à revenir et oblige ses frères de couleur à travailler dans les plantations. A l’extérieur, il passe des accords de commerce avec les États-Unis et la Grande-Bretagne.
Mécontent de voir la colonie échapper au contrôle de la métropole et désireux de réaffirmer son pouvoir alors que, après avoir récupéré la Louisiane, il affiche de grandes ambitions coloniales aux Amériques, le Premier consul Napoléon Bonaparte envoie une armée de 25 000 hommes commandée par son beau-frère le général Leclerc pour déposer Toussaint et y restaurer l’ordre ancien. Après une résistance de plusieurs mois, Toussaint, abandonné par ses officiers comme Jean-Jacques Dessalines, dépose les armes en mai 1802. Un mois plus tard, le 7 juin 1802, il est trahi par Leclerc qui l’arrête et le déporte vers la France.
Il est alors séparé de sa famille et emprisonné sans jugement au fort de Joux dans le Doubs, l’un des endroits les plus froids de France. Ses nombreuses lettres à Bonaparte resteront toutes sans réponse. Au bout de quelques mois, il tombe malade et meurt, seul, dans sa cellule, le 7 avril 1803.
La nouvelle du rétablissement de l’esclavage en Guadeloupe privera le corps expéditionnaire à Saint-Domingue du soutien des soldats noirs et métis, qui s’allient pour chasser les Français. Après une sanglante guerre civile, la colonie déclare son indépendance le 1er janvier 1804 et devient Haïti.
Même si Toussaint Louverture lui-même affirmera toujours son attachement à la France, il reste l’un des héros de la révolution de Saint-Domingue, et l’un des symboles de l’abolition de l’esclavage, célébré par des personnages aussi divers que Victor Schoelcher, Alphonse de Lamartine ou Aimé Césaire. Une inscription l'honore au Panthéon depuis 1998.