Quand Thomas Sankara et Léopold Sédar Senghor s’affrontaient…

En 1984, le charismatique dirigeant du Burkina Faso, Thomas Sankara, prit une décision audacieuse : changer le nom de son pays de la « Haute Volta » à « Burkina Faso » qui se traduit par « pays des hommes intègres » en français.

Senghor et Sankara

Le changement de nom devait symboliser la volonté du pays d'écrire sa propre histoire. Cependant, cette initiative suscita un débat inattendu, notamment dans le monde francophone, et attira l'attention de Léopold Sédar Senghor, ancien président du Sénégal, poète de renommé mondiale et un ardent défenseur de la langue française.

Le débat tourna autour de la manière de désigner les citoyens de ce nouveau pays. Léopold Sédar Senghor, bien que félicitant Sankara pour sa vision audacieuse, mit en avant ce qu'il considérait comme « une faute de français ». Selon les règles de la francité (ensemble des caractères propres à la culture française et à la communauté de langue française), Senghor soutenait que le terme approprié pour désigner les citoyens du Burkina Faso ne devrait pas être « burkinabè », tel que proposé par Sankara, mais plutôt « burkinois » ou « burkinais ».

Léopold Sédar Senghor percevait cette désignation comme un écart linguistique problématique, voire une méconnaissance des règles grammaticales françaises de la part du capitaine Sankara.

La réaction de Thomas Sankara et de son gouvernement ne tarda pas. Ils affirmèrent avec conviction leur souveraineté et refusèrent de se plier à des directives venues de Paris. Pour eux, il était clair : le Burkina Faso ne cherchait pas à maîtriser la langue française mieux que les Français eux-mêmes ni à suivre des règles qui ne faisaient pas sens pour leur peuple.

Ainsi, Thomas Sankara déclara que : « Nous ne prenons pas d'ordre à Paris et nous ne sommes pas des Français ! Nous ne cherchons pas à parler la langue de Molière mieux que Molière lui-même. Nous avons décidé que c’est un mot invariable, le citoyen de notre pays s’appelle Burkinabè... femme, homme, enfant : même chose ».

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Cette controverse révèle non seulement la complexité des enjeux linguistiques dans un monde multiculturel et multilingue, mais également la volonté de Thomas Sankara de revendiquer une identité nationale distincte et de rompre avec les stéréotypes néocoloniaux. Cette décision audacieuse reste ancrée dans l'histoire du Burkina Faso, symbolisant le désir du pays de forger son propre chemin, y compris en matière linguistique.

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