Tendance : quand les TikTokeuses mangent du Kew (kaolin)

Ces derniers temps, de plus en plus de TikTokeuses se filment en train de manger des blocs de kaolin, appelé Kew en wolof. Cette pratique peut toutefois être nuisible à la santé, comme le prouve les alertes émises par les spécialistes de la santé.

Kaolin

Le Kew est une argile blanche, composée principalement de silicates d'aluminium. En médecine, on appelle le fait de manger de la terre : la géophagie. C'est une pratique répandue dans certains pays d'Afrique comme le Sénégal et d'Amérique du Sud.

Cette pratique s'est développée ces derniers mois surtout sur TikTok.

Selon le spécialiste Stanislas Agbo, cité par le site 20 Minutes, « Les consommatrices – puisque ce sont habituellement des femmes –, disent qu’elles en consomment pour gérer le stress, pour calmer les maux d’estomac, contre les nausées, les vomissements (surtout chez les femmes enceintes) et parfois pour le plaisir ou comme un trompe-la-faim ».

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On voit alors que les adeptes de cette pratique invoquent ses vertus médicinales, voire thérapeutiques.

Cette thèse est confirmée par Olivier Spatzierer, chef de l’unité gastro-entérologie de l’Hôpital américain de Paris.

Cette argile a été découverte à l'origine en Chine et est utilisée pour la fabrication de porcelaine, mais aussi dans l'industrie du papier, du verre, de la cosmétique et de la médecine, comme l’indique le site Le Progrès.

Olivier Spatzierer remonte même à l’Antiquité pour prouver que la consommation du kaolin n’est pas récente que certains le croient.

Cette pratique est également très prisée en Afrique, selon le spécialiste.

« C’est une pratique très connue en médecine traditionnelle africaine. D’abord parce que manger de la terre, c’est symboliquement absorber l’énergie de cette terre. Mais ça a aussi des propriétés thérapeutiques plus évidentes qui concernent la cicatrisation, le plan digestif ou le plan cutané », confie-t-il.

Interrogée par Jeune Afrique, Aïda Sylla, Professeur Titulaire des Universités en Psychiatrie d’Adultes à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, estime que « si ces femmes sénégalaises – souvent issues de milieux ruraux et défavorisés – consomment du kaolin, c’est d’abord pour ‘combler leur ennui’. Beaucoup d’entre elles s’y mettent en période de grossesse. La pierre, qui n’a pas de saveur, apporte à une femme enceinte, dont le goût est perverti, une sensation recherchée de sable dans la bouche ».

Il est important de noter que manger du Kew peut être dangereux pour la santé.

« Ingérer du kaolin fait beaucoup plus de mal que de bien, alerte Stanislas Agbo. Une consommation excessive est dangereuse parce qu’elle peut entraîner une dépendance. (…) Quand on en prend trop, ça peut entraîner de véritables bouchons sur le plan digestif, entraîner des syndromes occlusifs et sous occlusifs ou des anémies relativement profondes », a indiqué Olivier Spatzierer.

Selon le Professeur Aïda Sylla, « Chez les autres, il peut y avoir une sorte de mimétisme avec l’enfance. (…) Beaucoup d’enfants mangent du sable. (…) Le kaolin agit à la manière d’une drogue, d’un point de vue psychologique ». Dans le jargon médical, on parle de syndrome de Pica. Il s’agit d’un trouble comportemental qui implique la consommation de substances non nutritives comme la terre, le papier ou l’argile.

En 2013 déjà, Jeune Afrique tirait la sonnette d’alarme dans un article intitulé Sénégal : le kaolin, une drogue de femmes.

Selon le média, au cours des dernières décennies, le marché du kaolin au Sénégal s’est développé grâce à l’entremise des grossistes du Mali.

« Je m’approvisionne au Marché malien situé à proximité de la gare routière. J’en vends des kilos par jour. À tel point que je me retrouve parfois en rupture de stock », indique Sira, vendeuse au marché Tilène, dans le quartier de la Médina à Dakar.

Elle affirme également qu’« au Sénégal, les femmes mangent plus de Kew que de riz ». Si Sira semble verser dans l’hyperbole, les faits édifiants.

À l’époque, elle vendait les deux kilos et demi à 250 francs CFA.

S’agissant des chiffres, en raison du tabou qui entoure la consommation du kaolin, l’obtention de données sur le nombre de femmes concernées reste difficile.

« C’est un phénomène culturel et très informel dont l’ampleur est difficile à chiffrer. Sans compter que certains hommes mangent également du kaolin », avance-t-on à l’Agence nationale de la statistique et de la démographie du pays (ANSD).

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