Corée du Sud : Le pouvoir embarrassé par les abus sexuels commis au sein de l’armée

Dans ce pays toujours officiellement en guerre avec son voisin du Nord, le service militaire est obligatoire et il est fréquent que les cas de harcèlement ou de bizutage défraient la chronique. Mais cette fois, c’est une affaire d’agression sexuelle qui fait grandir les demandes de réformes.

Militaires sud-coréens lors d'une cérémonie de mise en service militaire à Gyeryongdae, le principal complexe militaire de la Corée du Sud, le 4 mars 2016 à Gyeryong (photo d'illustration) 路透社

Il s’agit de l’histoire tragique d’une sergente de l’armée de l’air qui a mis fin à ses jours après avoir subi des attouchements sexuels de la part d’un soldat du même rang qu’elle. Début mars, son collègue l’aurait contraint a passé une nuit arrosée avec lui et c’est là que les faits se sont déroulés. Elle alerte immédiatement ses supérieurs hiérarchiques, mais face au manque de réactivité de l’institution, elle change de base militaire avant de finalement se donner la mort le 22 mai. L’attentisme de l’armée de l’air et pour certains la volonté même de couvrir volontairement l’affaire choque l’opinion publique. L’enquête n’a débuté que deux semaines après le premier signalement de la victime.

Cette affaire, malheureusement loin d’être isolée, entraîne une forte réaction dans l’opinion publique comme dans les sphères politiques. Une pétition réunissant déjà 350 000 signatures à l’initiative de la famille de la victime demande que la lumière soit faite sur les raisons qu’ils l’ont poussées à commettre son suicide. Au-delà d’une enquête digne de ce nom, les signataires réclament une gestion appropriée des affaires de violences sexuelles dans l’armée. L’enjeu politique est très important pour le président sud-coréen, Moon Jae-In, dont le parti a été marqué par plusieurs scandales de violences sexuelles.

Hier, lors d’une commémoration des sacrifices des vétérans de la guerre de Corée, il a réagi en promettant de se débarrasser de la « culture rétrograde de l’armée » en estimant que le « patriotisme impliquait de protéger les droits de ceux qui protégeaient la nation. »

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Dans l’immédiat, c'est surtout les responsables au sein de l’institution qui ont été visés, le chef d’État-major de l’armée de l’air a démissionné tandis que le militaire accusé des faits a été arrêté. Mais c’est un changement de culture au sein de « la grande muette » qui est appelé par les associations des droits de l’homme. Ce lundi 7 juin, Moon Jae-In a demandé la mise en place d’un groupe de travail avec pour mission de proposer des mesures fortes changeant drastiquement la gestion des violences sexuelles et de la mixité au sein de l’armée.

En 2017, déjà le suicide d’une officière de la marine après avoir accusé de viol un supérieur hiérarchique avait suscité des vagues d’indignation. En mars dernier, une militaire transgenre a mis fin à ses jours après avoir été limogé de l’armée suite à son changement de genre, une affaire qui a créé de nouvelles polémiques sur la misogynie au sein de l’armée.

Cette prise de conscience intervient alors qu’un candidat aux élections présidentielles de mars prochain a évoqué l’idée d’une conscription obligatoire également pour les femmes. Une idée qui séduirait environ la moitié de la population, les chiffres officiels, en janvier 2020 les femmes ne représentaient que 6,8% de la totalité du personnel des forces armées sud-coréennes.

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