Embargo et crise au Mali : Des responsabilités à tous les niveaux

Deux coups d'Etat en deux années, trois coups d'Etat en moins de 10 ans, pour finir 4 présidents renversés… c'est le triste bilan de la République du Mali. Aujourd'hui, le pays traverse un moment très compliqué. Retour sur la situation du Mali.

La Cédéao adopte des sanctions -très dures- contre la junte au pouvoir au Mali

.

Gel des avoirs maliens ; aides financières coupées ; fermeture des frontières entre les États membres et le Mali ; suspension des transactions avec Bamako, à l'exception des produits médicaux et de première nécessité, des produits pétroliers et de l'électricité etc. Tant de mesures prises par la CEDEAO à l'encontre du Mali. Des décisions jugées sévères par la junte malienne…

UNE HISTOIRE DE TRANSITION

Comme un symbole, cette crise au Mali voit le jour à la veille de la 59e année du premier coup d'Etat en Afrique noire. Le 13 Janvier 1963, Sylvanus Olympio perdait la vie au Togo dans le coup d'Etat qui renversait son régime. Depuis lors, le phénomène du coup d'Etat s'est développé un peu partout en Afrique. Des transitions ont aussi eu lieu…

La situation du Mali actuellement est le résultat d'un chaos. Un coup d'Etat dans un coup d'Etat. Après la révolution populaire qui a préparé le terrain, les militaires prenaient le pouvoir en 2020. En Mai 2021, un nouveau coup d'Etat se produit, cette fois ci au niveau de la junte.

ADVERTISEMENT

Ce deuxième coup d'Etat réinitialisait les données. La transition qui à la base devait durer 18 mois est revue par les nouveaux leaders du Mali. Dans leur communication vis à vis de la CEDEAO, la junte demandait 5 années pour mener à bien la transition tout en évoquant la complexité du Mali. Une proposition loin d'être logique quand on revoie le déroulement des transitions les plus réussies en Afrique de l'Ouest.

Le Mali lui même est le premier exemple s'agissant de transition. Après 20 années de pouvoir, le régime de Moussa Traoré est renversé en 1991 par des militaires suite à une révolte populaire.

Il a fallu une année et deux mois à Amadou Toumani Touré pour mener la transition qui allait porter l'Historien Alpha Oumar Konaré au pouvoir en 1992. Le règne de Konaré est le plus prolifique et pacifique au Mali, l'organisation de la Can 2002 en est le résultat.

Je rappelle que le Mali sortait de 20 années de dictature. Nous pouvons aussi évoquer le cas John Jerry Rawlings au Ghana. Lors de son coup d'Etat en 1979, il lui a fallu 3 mois pour mener la transition, un civil arrive au pouvoir (Limann). Ce même Jerry Rawlings devait reprendre le pouvoir des années plus tard avant de le légitimer par les urnes.

LA JUNTE MALIENNE AU POUVOIR, QUELS LENDEMAINS ?

La junte malienne a t-elle réellement envisagé de laisser le pouvoir très vite ? La question demeure. Déjà nous pouvons retenir un cas récurrent au niveau des régimes militaires : la puissance d'un homme. Très souvent, même après l'installation d'un nouveau gouvernement après un coup d'Etat, l'auteur du putsch, l'homme fort a tendance à revenir au pouvoir : Eyadema en 1963 et 1967, Christophe Soglo en 1965 et en 1967, Jerry Rawlings en 1979 et en 1981 etc.

Le renversement de Bah Ndaw est un énième élément qui s'ajoute. Le bicéphalisme ne peut pas exister dans une junte. Lors de ce coup d'Etat en 2021, la nature revenait au galop. Si Assimi Goïta a réellement l'intention d'amener le Mali dans une nouvelle ère, il doit légitimer son pouvoir via les urnes. Jerry Rawlings est la référence absolue dans ce sillage.

L'Histoire a montré que l'installation d'une junte au pouvoir durant des années de transition a tendance à inscrire le pays dans un cycle infernal : le règne successif de militaire dans lequel les civils ont peu de place. Dans l'histoire, nous avons plusieurs exemples au Benin, au Togo, au Ghana, au Burkina etc. C'est en ce sens que devient dangereux la longue période demandée par la junte malienne pour mener la transition.

La CEDEAO, UNE ENTITE INDÉPENDANTE ?

En octroyant l'indépendance à ses anciennes colonies, les puissances colonisatrices ont eu l'idée de les regrouper dans des ensembles. Dans le giron britannique nous avons le commonwealth, dans la sphère française il y a une multitude d'organisation : de l'Ocam à l'UEMOA.

Déjà en Afrique de l'Ouest nous avons la dualité entre l'UEMOA et la CEDEAO dans certaines prises de décision, la France tient a avoir son emprise sur la zone franc. Il est clair que les puissances étrangères sont liées à l'embargo sur le Mali. Ils privilégient leurs intérêts. Avant que la décision ne soit prise dimanche au Ghana, l'UEMOA l'avait déjà actée. Cela en dit long.

Maintenant la décision peut paraître extraordinaire surtout quand on voit l'adhésion d'un pays comme le Sénégal qui tire de grands revenus dans le commerce avec le Mali. En participant à l'embargo, le Sénégal se tire une balle dans le pied comme l'illustre l'économiste Ndongo Samba Sylla. La Guinée qui a une junte à la tête de l'Etat est la seule qui prend part pour le Mali, solidarité entre juntes…

L'autre fait considérable à ne pas négliger : la monnaie. Aujourd'hui les fonds du Mali ont été gelés au niveau de la BCEAO. Revient encore la question de l'autonomie monétaire s'agissant des Etats Africains. La monnaie est devenue une arme. A travers le CFA, la France étend son emprise sur ses ex colonies. Aucun pays n'est à l'abri.

Aujourd'hui, la junte malienne tend à rompre la soumission du Mali vis à vis de la France. Une situation très délicate quand on voit la menace islamiste. Des alliés se présenteront ( Russie ou Chine ) mais il demeure toujours que la Junte malienne doit organiser la transition dans de brefs délais pour que le peuple ne souffre pas des décisions de se leaders.

Actuellement, le régime, tenu par l'orgueil, verse dans la réciprocité ( rappel des ambassades, suspension des liaisons etc. ) Sans grand soutien, ce combat est perdu d'avance. Aucun pays ne peut vivre en autarcie, surtout un pays pauvre comme le Mali. Sans aide venant de la Chine, de la Russie ou d'autres pays, le Mali risque de sombrer.

Je pense que Assimi Goïta a bien compris cela raison pour laquelle il est toujours ouvert a la discussion. Probablement, la junte va revoir ses propositions s'agissant de la transition en définissant un délai raisonnable.

ADVERTISEMENT

Témoin d'un événement? Contactez-nous directement sur nos réseaux sociaux ou via:

Email: temoin@pulse.sn

ADVERTISEMENT