Ghana : cinq ans après la triste nuit, Disah et Daboya ont fumé le calumet de la paix

Par Diomma Dramé | Les habitants de Disah ont pardonné leurs voisins de Daboya. Deux localités se situent dans le nord du Ghana, au cœur de la région de la Savane. Preuve de ce sacrifice du pardon, des enfants sont nés d’unions issues de ces deux communautés, qui, il y a cinq ans, s’étaient vus en « ennemies ». Disah et Daboya ont développé une capacité de résilience au point qu’ils n’ont plus qu’une seule envie : c’est de ne plus se souvenir de cette triste nuit.

Disah et Daboya ont

Tout est parti d’une histoire de chefferie en 2018, dans cette région pauvre à majorité musulmane qu’est la Savanah. Les Gonja habitants du village de Daboya ont alors mené une expédition punitive au village de Dissah habité par les Tampulmas. Et depuis, ces derniers avaient tout perdu. Leurs maisons, leurs motos, leur tracteur. Tout a été réduit en cendres. De même qu’un ordinateur et l’installation solaire qui leur procurait l’électricité nécessaire.

Aujourd’hui, il ne leur reste que des souvenirs, qu’ils ne veulent, eux-mêmes, plus se souvenir. Tellement que cette nuit d’un jour de 2018 avait été triste pour ces habitants de Disah. Même si certaines séquelles sont visibles, cinq ans après cette pénombre cauchemardesque, les habitants de Disah semblent refaire leur vie avec leurs ennemis d’antan.

« Cinq ans après cette triste nuit, nous faisons, à présent, des affaires ensemble avec ceux de Daboya. Justement après l’événement, certaines femmes sont venues rendre visite à leurs amies de Disah. Certaines personnes sont mariées à nos parents. Nous avons des relations de business avec Daboya. Nous ne pouvons pas rompre nos relations. Les habitants de Daboya nous ont aidés à aller chez eux pour rétablir ces relations de voisinage, de liens de parenté. Nous avons convaincu beaucoup de nos parents, qui étaient partis vivre à Tamale ou Accra, de revenir. Et ils sont revenus », narre Assafo Babo Salifo, environ 80 ans, bonnet blanc sur la tête. Dans son récit sur cette nuit mouvementée de 2018, il est aidé par un interprète du nom de Mathiew.

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Trois nuits dans la brousse

C’est dans une maisonnée où presque tout le village s’est rassemblé qu’une équipe de journalistes, conduite par Media plateform on environnement and climate change (Mpec), a pu écouter le narratif Assafo Babo Salifo. Le poids de l’âge ne l’a pas empêché de partager avec les acteurs des médias la triste nuit vécue par Disah, ce jour de l’an 2018.

« C’est aux environs de 04 heures du matin que nous, habitants de Disah avons entendu quelqu’un tomber d’une moto. Ensuite, nous sommes sortis de nos cases pour tenter de comprendre ce qu’il se passait. Nous avons été accueillis par des coups de fusil. Ça tirait de partout. Des hommes en motos ont mis le feu à nos maisons. Nous avons commencé à fuir car la peur s’était emparée de nous. Certains d’entre nous ont été atteints par balle. C’est tout ce dont je me souviens », raconte le vieux Assafo Babo Salifo qui ajoute qu’après cet attaque, des habitants du village ont passé trois jours dans la forêt et craignaient de retourner chez eux.

Une erreur aux conséquences terribles

Le plus triste dans cette histoire est que le village de Dissah, selon les explications du chef de village Daboya, n'était pas la cible de leur expédition. C’est un problème d’allégeance, de chefferie traditionnelle entre Daboya et un autre village du nom de Salugu. Leur problème était relatif à la collecte de la redevance acquittée par les Fulanis, nomades.

C’est ainsi que les habitants de Daboya ont entrepris de mener une expédition punitive sur le village de Salugu. En route, à hauteur de Disah, le bruit de leurs motos alerte les habitants qui sortent. Croyant que ces derniers étaient là pour les attaquer et prêter main forte au village voisin, ils ripostent par des coups de feu et brûlent les cases. « C’était vraiment malheureux. C’était un manque de communication. Notre intention, c’était d’aller brûler Salugu » admet Ibrahima, un habitant du village de Daboya.

Puisque les négociations ont failli, poursuit-il, on avait besoin d’utiliser la force. Nous avons pensé que la personne qui était tombée de la moto a été attaquée par les habitants de Disah, que nous soupçonnions d’être des souteneurs de Salugu. C’était une confusion », dit-il.

« Les enfants continuent de parler de l’incident... »

Aujourd’hui, Disah et Daboya ont fumé le calumet de la paix. Avec l’aide des autorités et de bonnes volontés, les habitants de Disah sont parvenus à reconstruire ce qui pouvait être refait. « Suite au calme, la communauté est partie chercher de la paille pour reconstruire les maisons. Cela a pris environ un mois pour reconstruire. Il y avait environ 1000 personnes qui vivaient dans cette communauté. A travers de l’aide d’agences, de bonnes volontés, nous avons pu reconstruire » explique Matthew l’interprète du chef de Dissah.

Selon lui, le gouvernement a fait de son mieux en apportant du riz, des matelas, de la couverture. « Les militaires sont aussi venus nous protéger. Latif (jeune natif du village, Ndlr), nous a apportés de l’assistance». Cinq ans se sont certes écoulés, mais, jusqu’à présent, il y a des personnes qui n’ont pas pu reconstruire leur maison. « Ils n’ont pas les moyens et continuent de vivre de façon rudimentaire », indique Mathiew ayant, lui-même, perdu son ordinateur écran plat, son matériel d’énergie solaire au cours de l’assaut.

Abou Babo, marié, père d’une dizaine d’enfants fait partie des victimes de l’attaque. Il se souvient : « J’ai perdu tout ce que j’avais dans ma maison : motos, vivres, habits. Pire, il a également perdu son petit troupeau de dix vaches. « Je me bats au quotidien pour récupérer tout ce que j’ai perdu », assure-t-il. Et de poursuivre : « J’ai été aidé par Latif (jeune natif du village, Ndlr), les autorités, etc ».

Même si Disah dit pardonner Daboya, il ne semble néanmoins pas prêt à oublier cette triste nuit. La preuve en est que l’événement reste ancré dans l’esprit des tout-petits. « Les enfants continuent de parler de l’incident. Cela leur est resté à l’esprit. Dès qu’ils entendent un coup de fusil, ils paniquent. Et dès qu’ils voient deux, trois motos passer, certains se mettent à pleurer, explique Mathiew. Qui ajoute que les 8bambins ont même créé une chanson en guise de souvenir à cet événement. Depuis lors, l’affaire qui n’a fait aucune perte en vie humaine a été portée devant la justice.

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*Cet article a été rédigé par Diomma Dramé, journaliste reporter et chercheuse pour Africa Check, une organisation non partisane de fact-checking.

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