L’étude qui fait l’objet de ce présent rapport a mobilisé une équipe pluridisciplinaire de chercheurs spécialisés en droit de la santé, en épidémiologie, en économie et en socio-anthropologie. Avec l’aide d’un statisticien et d’une quarantaine d’enquêteurs, l’équipe a pu, en six mois de travail séquencé de recherche documentaire, d’analyses des principales décisions officielles, de recueils de données de terrains sur un échantillon de plus de 1 200 personnes enquêtées dans trois localités différentes (Touba, Guédiawaye, Dakar), produire un rapport d’évaluation et un rapport de perception.
L’ONG LEGS-Africa établit un bulletin de notes de la gestion du Covid au Sénégal.
« Gestion des données limitée et peu transparente »
Les différentes analyses font ressortir que la gestion des données est limitée et peu transparente pour mieux apprécier l’évolution épidémiologique.
Depuis le début de l’épidémie au Sénégal, pour en observer l'évolution, le Ministère de la Santé et de l’Action sociale (MSAS) publie des données collectées, notamment dans les hôpitaux et laboratoires de tests, et établit différents indicateurs chiffrés tels que le taux d'incidence, le nombre de cas positifs et le taux de reproduction du virus.
A la date du 31 mars 2021, le pays a connu deux vagues épidémiques, avec le premier pic au mois de juillet 2020, et le deuxième pic épidémique au mois de janvier 2021.
A travers une enquête portant sur 1200 ménages sénégalais, LEGS-Africa a mesuré l'efficacité perçue de différentes mesures de santé publique spécifiques prises par l’État du Sénégal (couvre-feu, fermeture des lieux de culte, régulation des transports en commun, port du masque obligatoire dans les lieux publics, interdiction des rassemblements, annulation des événements culturels / sportifs, fermeture des écoles et universités , interdiction de voyage inter-régional pendant un à deux mois, mise en quarantaine des cas contacts).
Avec l’avènement de la pandémie, les mesures prises par l'État ont eu des répercussions socio-économiques désastreuses, selon l’étude.
Avant la crise de la pandémie à Covid-19, l’économie sénégalaise était au bord du gouffre sur tous les plans, les signaux étaient au rouge. Certains investissements faits durant la période pré-électorale de 2019 n’ont pas aidé au remboursement de la dette très élevée (presque 9173 milliards de FCFA) et les mesures d’état d’urgence, de couvre-feu, de restrictions des déplacements ont affecté négativement le portefeuille des ménages et des caisses du gouvernement.
Face à un problème sanitaire, économique, social, politique…, l’État a apporté une première réponse purement sanitaire, oubliant la portion congrue que représente le secteur formel, avec moins de 3 % des entreprises et un nombre de salariés, estimé à environ 400.000 personnes.
En moins de 10 jours (23 mars - 03 avril 2020), l’économie était presque à genoux. Les restrictions commençaient à impacter négativement l’activité économique, surtout le secteur informel.
Toutefois, se réjouit l’étude, les mesures du Plan de Résilience Économique et social (PRES) qui s’en suivirent sont pertinentes pour soutenir l’économie formelle mais seulement dans le très court terme (maximum 40 jours).
Sur les 1000 milliards, aucun filet pour sécuriser le secteur informel. Le manque d’inclusivité du plan de soutien à l’économie a démontré ses limites. A l’exception des médecins, pharmaciens, agents médicaux, militaires et agents de sécurité qui étaient à la première ligne de la riposte, tous les autres corps ont vu leur charge de travail se réduire drastiquement, particulièrement les commerçants, vendeurs, restaurateurs, mécaniciens, ouvriers, femmes au foyer… qui ont plus subi les effets négatifs de la Covid-19, du fait des mesures de confinement. Ce qui a provoqué des répercussions en chaine sur la production, le pouvoir d’achat des populations, jusqu’aux recettes de l’État dont les besoins en nouvelles dépenses sanitaires s’accentuent.
L’aide alimentaire dévoyée
L’aide alimentaire destinée aux populations vulnérables a été a été dévoyée à cause notamment de la polémique autour de l'attribution du marché de denrées, soustraits du code des marchés par décret et dont l'exécution a été aux antipodes des principes de bonne gouvernance. La stratégie de distribution des aides alimentaires est tout aussi problématique. Les mêmes inquiétudes ont été également perçues dans la gestion du FORCE Covid-19, notamment au niveau des différents ministères impliqués et aussi des fonds destinés au renforcement du système de santé, particulièrement l’utilisation des équipements et des intrants acquis dans le cadre de la riposte au moment où de nouvelles carences sont observées dans la prise en charge des malades de la troisième vague.