Après l’emprisonnement de Sonko : Une semaine en enfer !

Il y a tellement d’événements qui se sont produits au Sénégal, une semaine après l’emprisonnement d’Ousmane Sonko. Des morts. Le bilan est lourd. Au moins 6 personnes tuées. Des morts dans des conditions souvent ombrageuses. S'il est clairement établi que les trois morts de Ziguinchor, le jeune tué à Pikine en banlieue dakaroise sont liés aux manifestations, il y a beaucoup de zones d'ombre pour le reste. Le ministre de l’Intérieur même entretient le flou.

Le chef de l’opposition sénégalaise, Ousmane Sonko, sur le toit d’une voiture après son audience au tribunal à Dakar, le 16 février 2023. © ZOHRA BENSEMRA/REUTERS

Le mercredi 03 août 2023, Antoine Félix Dione a annoncé de manière catégorique un « accident impliquant une moto de type scooter non immatriculée qui a entraîné un décès et un blessé, respectivement le conducteur et le passager ». Une version battue en brèche par les témoignages des parents de la victime qui indexent les gendarmes sur les lieux du drame, d’être à l’origine de la mort de leur « fils ». D’ailleurs le coordonnateur du Forum civil est dans ce sillage :

« Monsieur le Ministre de l'intérieur le communiqué que vous avez fait publier suite à la mort d´un jeune conducteur de "scooter" semble ne relater qu´une version des faits. Au delà des circonstances présentées, il est nécessaire d´ouvrir une enquête », a pesté Birahime Seck. Il a tout à fait raison. Seule une enquête indépendante et sérieuse pourrait nous édifier avec exactitude sur les circonstances de la mort de Serigne Saliou Mbacké Touré . Hélas, il est peu probable que ça se passe ainsi. Les drames se répètent et se ressemblent sans qu’il n’y ait de suite. De mars 2021 à août 2022, que de victimes sans coupables. L’ attaque du bus à Yarakh qualifiée « d'attentat terroriste » par le « premier flic du pays », fait toujours des vagues. Des informations vagues et des noms peu communs.

L’identité des bandits pas connue. Aucun groupe terroriste n’a, pour le moment, rien revendiqué. Tout cela est peu ordinaire pour un drame d’une telle envergure. L’État a été même obligé de multiplier les sorties pour donner des preuves d’une grave situation. La raison à tout cela est sans nul doute cette crise de confiance qu’arrosent les faits et gestes de gouvernants qui ne sont pas toujours en parfaite harmonie avec la vérité. L’histoire des vidéos projetées par la Police pour expliquer la présence de nervis qui feraient partie des manifestants, a fini de dévaloriser davantage la parole publique. Le fact-checking fait par les internautes quelques minutes après la conférence de presse, a été approfondi par des médias professionnels comme France 24 et Le monde Afrique. Ce qui a abîmé la version officielle et a rendu plus grand le fossé qui sépare gouvernants et gouvernés dans un contexte explosif.

Les interrogations, les remises en cause de la thèse officielle tirent donc leur origine de certaines attitudes, de certains actes posés. Beaucoup de nos concitoyens dans le monde virtuel notamment, se montrent prudents et prennent les informations officielles avec des pincettes. Et la mort dans l’âme, le pouvoir peine à convaincre. Une constance : les morts sont devenus quotidiens. Ils se comptent depuis l’arrestation du maire de Ziguinchor. Un décompte macabre qui était malheureusement prévu. Ce qui rend plus inquiet, plus anxieux, plus triste c’est le raidissement des positions. L’opposant numéro 1 du régime n’a pas abandonné sa logique radicale. En entamant une grève de la faim aux premières heures de son interpellation, il compte mettre la pression sur des adversaires qui ont réussi à le mettre en prison après une longue « chasse ». Le voilà aux urgences, nous apprend-on. Il y rejoint Pape Alé Niang lui aussi arrêté encore une fois pour « appel à l’insurrection », Cheikh Bara Ndiaye prêcheur et… chroniqueur à Walf Tv.

Mises en garde

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Les dirigeants d'Amnesty International du monde entier, réunis dans le cadre de l'Assemblée Mondiale de l'organisation à Bruxelles , ont demandé le 6 août, à l’État du Sénégal de le libérer, nous apprend Seydi Gassama. Ils ont également invité l’État du Sénégal « de cesser les attaques contre la liberté de la presse » arguant qu’il n' y a ni démocratie, ni bonne gouvernance économique et financière là où la liberté de la presse n'est pas respectée et protégée. Juan Blanco l’avocat français de Sonko entré clandestinement dans le territoire national, est appréhendé en Mauritanie et incarcéré à Rebeuss. Le Bâtonnat de France s’insurge et se braque. Un autre avocat Me Babacar Ndiaye est lui aussi entre les mains de la Justice. Il a été violemment interpellé. L'Ordre des Avocats du Sénégal qui dénonce une dérive, réclame « la cessation immédiate des poursuites initiées contre Maître Babacar Ndiaye et exige sa libération sans délai ».

Une semaine après, les choses se compliquent. Les arrestations se poursuivent. Les manifestations aussi même si elles sont loin d’être massives. C’est vrai que la suspension des données mobiles ont beaucoup aidé à freiner la mobilisation toutefois, il est difficile de connaître les réactions dans le long terme de ces jeunes déterminés. Pour le moment, la tension est là, plus que vive. Elle est permanente. Dakar la capitale notamment, est dans l’expectative. La notification de la dissolution du Pastef remise à l’administrateur Biram Soulèye Diop, est un acte qui ne signifie rien en réalité si l’on sait qu’il est difficile de dissoudre quelque chose d’insaisissable. Cette dérive anachronique du pouvoir ne fait qu’enlaidir un État déjà moche. Et un président sur le départ qui peine à choisir un candidat capable de lui succéder.

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