Culture : le rap, pierre angulaire des luttes politiques et sociales

L'histoire sociopolitique sénégalaise est parsemée d'épisodes de mobilisation des jeunes à travers le rap. Ces contestations visent généralement une amélioration des conditions sociales et la préservation des valeurs démocratiques.

Des membres de Y'en a marre

Les musiques Hip hop ne sont pas politiques par essence. Elles s’organisent au sein de scènes musicales extrêmement vastes et diverses et ne poursuivent pas un but commun et unifié. Alors qu’une partie des artistes Hip hop s’attachent à adopter une posture distante et éloignée de tout engagement politique, quelques-uns mettent en musique une parole politique et d’autres encore choisissent d’intervenir plus directement au sein de mobilisations ou de mouvements sociaux.

Comme beaucoup d’autres avant eux, ces artistes interviennent donc en politique avec des ressources spécifiques liées à leur notoriété ou leurs compétences artistiques. Ils et elles se font tantôt les moteurs des mobilisations, comme les actrices et acteurs du mouvement Y’en a Marre au Sénégal. L'histoire socio-politique du Sénégal est ponctuée d'épisodes d'engagement des jeunes au cours desquels ils se sont exprimés à travers des formes violentes, utilisant des arts ou des formes de discours de défi, de protestation et de dissidence vis-à-vis du pouvoir politique.

  • Y’en a marre, fer de lance de la lutte politique…

Les rappeurs de Y’en a marre se sont révélés comme un des fers de lance de l’insurrection démocratique qui a conduit à la deuxième alternance de l’histoire politique du Sénégal en 2012. Le rap sénégalais développait un discours revendicatif et contestataire, mais les conditions de l’histoire ne se décrètent pas ; il lui fallait une occasion, un événement, une crise pour que s’exprime sa puissance de frappe. Un très fort potentiel protestataire sommeillait en cette jeunesse sénégalaise confite dans le chômage, excédée par les incessantes coupures d’électricité et laminée par des crises tous azimuts.

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Une indignation, prête à passer à l’acte, bouillonnait sous la marmite. Mais il fallait une étincelle. Le vote, prévu le 23 juin 2011 par la chambre législative, d’un projet de loi modifiant le scrutin présidentiel, signe le départ du mouvement de protestation.

Face à ce qui apparaît comme un risque avéré de régression démocratique (dérive monarchique et hyper-patrimonialisation du pouvoir), le groupe Y’en a marre qui cultive l’indépendance politique et prône un nouveau type de Sénégalais (NTS), a réussi, en jonction avec les organisations de la société civile et les partis politiques d’opposition, à mettre en branle un puissant mouvement, une vraie lame de fond, pour faire barrage.

La date du 23 juin apparaît rétrospectivement comme le catalyseur de l’union sacrée contre la « dé-démocratisation », une fronde qui va mettre le pays en ébullition. Le retrait du projet de loi, sous la pression de la rue, loin de briser l’élan protestataire, creuse la brèche dans laquelle vont s’engouffrer les opposants.

  • Rétroviseur sur le mouvement « Bul faale »

C'est le même cas du phénomène « Bul faale » (signifiant en wolof, « ne t'en fais pas ») dans les années 90 où la jeunesse urbaine exécutait des actes de dissidence politique et sociale à travers le puissant outil de dénonciation socio-politique qu'est la musique rap. Il affiche en même temps une volonté de rupture et une capacité d'innovation, qui repose sur des processus de reformulation des identités, à l'interface des dynamiques du dedans et du dehors.

Les figures emblématiques du mouvement (les chanteurs de rap, Mohammed Ndao Tyson le lutteur) fonctionnent comme des modèles d'identification ; le mouvement lui-même est porteur d'un véritable 'ethos' qui valorise la réussite par l'effort et le travail et traduit un indéniable processus d'individualisation.

Les jeunes se sont reconnus dans cette volonté d'émancipation et d'affirmation par la différentiation, qui s'exprime notamment dans des pratiques corporelles, spirituelles et culturelles, comportant une reformulation du rapport à l'africanité. L'impact de ce mouvement générationnel est considérable, tant du point de vue social que politique.

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