Actes de naissance : Quand la négligence crée des apatrides involontaires !

La non déclaration des enfants à la naissance est une équation qui se pose davantage dans toutes les sphères de la société notamment en milieu scolaire. Une situation qui crée des apatrides involontaires. L’Etat pilote ainsi des programmes pour trouver une solution efficace avec un enrôlement de la grande masse.

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« Je suis venue chercher un extrait de naissance pour pouvoir poursuivre mes études. Avant d’obtenir le papier d’enrôlement, j’ai fait plusieurs aller-retours entre le tribunal et la mairie des Parcelles Assainies. Et c’est épuisant En plus, j’ai été obligée d’arrêter de suivre les cours. D’ailleurs, je n’ai même pas composé ; je n’ai pas également fait plusieurs devoirs. Bref, j’ai raté beaucoup de programmes », explique Oumou Diassé avec tristesse et désolation.

C’est avec un visage meurtri que cette jeune collégienne originaire des Parcelles Assainies de Dakar sort du Tribunal de Dakar. Elève en classe de troisième, elle voit sa candidature au brevet de fin d’études moyennes (BFEM) incertaine « pour non déclaration à la naissance ». En effet, il faut un extrait du registre des actes de naissance conforme à la pièce fournie à l'examen du certificat de fin d'études élémentaires (CFEE) pour être candidat.

Le problème des enfants sans acte de naissance constitue un frein à leur éducation. En effet, l’inscription dans une école s’effectue avec la présentation d’un acte de naissance. Or les enfants non déclarés n’en disposent pas. Ainsi, ces derniers, même s’ils sont acceptés dans l’école sur la base de leur bonne foi, ne pourront pas passer les examens de fin de cycle. De ce fait, les écoles se retrouvent avec beaucoup de candidats à l’examen exclus en raison de l’absence d’une pièce d’identité.

Des actes de naissances fictifs, sources du mal

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Un état de fait que déplore Paul Ndong, Directeur du collège Leopold Sédar Senghor du groupe scolaire Dior. Dans son bureau au troisième niveau du bâtiment scolaire, entre les cris d’élèves du primaire établis au rez-de-chaussée et le calme chez les collégiens ainsi que la pollution sonore du marché Dior qui se trouve à proximité, le doyen reste concentré sur les dossiers. Le chef d’établissement explique que le problème est global mais est plus ressenti au niveau du monde scolaire.

« Le problème des extraits de naissance se pose fondamentalement au niveau de l’école primaire tout simplement parce que quand les élèves candidats au CFEE doivent se présenter à l’examen avec un document d’Etat civil. Au niveau du collège et éventuellement du lycée, le problème se pose sous un autre angle. Le souci est que certains n’ont pas d’extraits valides parce que celui qui leurs aura été remis en classe de CM2 vient d’un agent municipal véreux. Donc, il s’agit d’un extrait fictif qui n’existe nulle part dans le fichier national. Quand le numéro d’extrait est introduit dans les machines au niveau du bac ou du BFEM, l’absence d’archives se pose et le dossier est rejeté. C’est sous ce format que le mal se ressent », avance le Directeur Paul Ndong.

Des apatrides involontaires !

Malheureusement, la jeune Oumou Diassé se trouve dans cette situation. Chose qu’elle n’a pas choisie. Des circonstances de la vie qui ont fait d’elle une victime. En effet, la jeune collégienne indique que son père est atteint d’un AVC depuis plus de 4 ans. Elle est alors « dans l’obligation » de mener des démarches pour enfin avoir un papier d’enrôlement dans les registres d’Etat civil.

« Je suis restée presque quatre mois sans faire cours. Je n’ai jamais eu d’extrait de naissance. Mon père atteint d’un AVC et il a été touché par une paralysie d’une partie de ses membres. Je viens juste d’être déclarée, car j’ai un tonton qui travaille à la mairie des Parcelles Assainies qui me soutient tout au début de mes démarches. On m’a remis (tribunal de Dakar) un papier que je vais montrer au principal pour qu’on puisse me laisser suivre les cours », a-t-elle dit.

La déclaration à la naissance doit être le fait « du père ou de la mère, d’un ascendant ou d’un proche parent, du médecin, de la sage-femme, de la matrone ou de toute autre personne ayant assisté à la naissance ou encore, (…) de la personne chez qui elle a accouché » (Article 51 du Code de la famille sénégalais). La déclaration peut également être effectuée par le délégué de quartier, le chef de village ou le procureur de la République.

L'équation de l'état-civil des enfants reste encore sans solution, notamment en milieu rural. C'est ainsi que beaucoup d'enfants restent sur les quais quand il s'agit de subir les épreuves de l'entrée en sixième. En plus d’être privés de leur droit à une identité civile par le biais de la déclaration à la naissance, ces enfants perdent leur droit à l’éducation et à la formation.

Mbacké: les natifs de 2005 victimes d’un dysfonctionnement du centre d’état civil

Les natifs de 2005 déclarés au centre d’Etat civil de Mbacké risquent d’être sacrifiés, faute d’un dysfonctionnement de cette institution qui semble ne pas se préoccuper de leur situation. Déterminés à rétablir leurs enfants dans leurs droits, les parents annoncent une grande manifestation ce 4 novembre dans les rues de ladite localité. Aucun natif de 2005 ne peut disposer d’un extrait d’acte de naissance au Centre d’état civil de Mbacké. Pour cause, l’incendie qui s’était déclenché au mois d’août dernier a ravagé les registres.

Ainsi, il est quasi impossible pour tous ceux qui sont nés en 2005 et déclarés dans ce Centre d’état civil d’obtenir un extrait de naissance sans faire de jugement. Une situation que les parents ne peuvent cautionner parlant d’un « amateurisme caractérisé » car selon eux ces jugements ne sont pas sans conséquences sur la scolarité de leurs enfants dont la plupart sont en classe de Terminale.

Les données de l’ANSD et le programme Nekkal !

Au niveau statistique : Le Recensement de la Population de 2013 a permis de collecter des informations relatives à la déclaration des faits d’état civil. Les résultats pour la déclaration et possession d’un acte de naissance indiquent :

  • Plus de 6 sénégalais sur dix (63,4%) disposent d’un acte de naissance
  • Près de deux sur dix (16,3%) ont un jugement supplétif
  • Près de deux sur dix (16,6%) ne possèdent pas d’acte de naissance
  • ND/NSP=3,7%

Cette question reste l’un des défis majeurs de l’Etat du Sénégal. Le ministère des collectivités territoriales, de l'aménagement et du développement des territoires, à travers la direction de l'état civil, a mis en œuvre le programme d'appui au renforcement du système d'information de l'état civil dit programme NEKKAL, le jeudi 15 décembre 2022.

Financé par l'Union européenne à hauteur de 18 340 000 000 FCFA, ce programme vise à améliorer le système d'information de l'état civil et la création d’un registre national de l'état civil et la digitalisation des centres d'état civil.

L’objectif général du projet est de contribuer au respect des droits des personnes liés à la reconnaissance de leur identité par la mise en place d’un système d’information de l’état civil efficient et la consolidation d’un fichier national d’identité biométrique sécurisé. Selon le ministre, 15 millions d'actes seront numérisés et 30 millions indexés et chaque Sénégalais pourra se faire établir un acte d'état civil partout où il est.

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