Le bureau du département d’État américain chargé de la surveillance et de la lutte contre le trafic de personnes a rendu public un rapport évaluant les mesures prises par les autorités pour contrer le phénomène. « Le gouvernement ne remplit pas totalement les standards minimaux en matière d’éradication du trafic », établit le document, qui évoque néanmoins « les efforts significatifs » faits par le Sénégal.
La majeure partie des cas recensés correspondent en réalité à l’exploitation des jeunes dans de prétendus daaras, où les enfants et jeunes hommes sont maltraités et forcés à mendier, sans recevoir une formation et instruction religieuse suffisante. Un problème adressé depuis 2005 par une loi qui peine encore à être appliquée, et par un programme national visant à retirer les jeunes des rues, dont la phase trois a été déployée en 2020.
UNE LOI PEU APPLIQUEE
Le département d’État enjoint toutefois Dakar de renforcer le cadre juridique et de réguler les daaras. « Le gouvernement n’a pas enquêté ou poursuivi les trafiquants qui forcent les enfants à mendier, en dépit de la loi de 2005, et n’a pas pris d’actions contre les autorités qui ont refusé de mener l’enquête sur ces cas », déplore le rapport, qui évoque de « faibles efforts pour identifier les responsables d’abus ».
La loi de 2005 prévoit pourtant 5 à 10 ans de prison et une amende pour le trafic sexuel et le trafic d’êtres humains, et des peines de 2 à 5 ans pour les crimes de mendicité forcée, avec des amendes maximales de 500 000 F CFA.
Au cours de l’année, le gouvernement a rapporté au moins 14 enquêtes liées à des trafics, a poursuivi 19 trafiquants présumés, 12 personnes ont été condamnées, mais aucune pour mendicité forcée.
Dans une enquête conjointe de 2019 des organisations Plateforme pour la promotion et la protection des droits humains et Human rights watch, des chercheurs évaluaient pourtant à 16 le nombre d’enfants talibés morts entre 2017 et 2018 « des suites de passages à tabac, d’actes de négligence ou d’une mise en danger par certains maîtres coraniques dans leurs écoles ».
«Quand les autorités ont identifié des cas potentiels de mendicité forcée, ils ont souvent édicté des amendes administratives contre les suspects, au lieu de mener des enquêtes criminelles et de poursuivre les personnes mises en cause, en partie à cause de la pression publique, liée à l’influence des maîtres coraniques dans la société », fait valoir le rapport.
TRAFIC SEXUEL
Un autre aspect du rapport concerne le trafic d’être humains et l’exploitation domestique et sexuelle. Selon le département d’État, un grand nombre des victimes sont exploitées dans la région de Kédougou, au sud-est du pays.
Le rapport indexe également plusieurs agents économiques étrangers. Les entreprises nord-coréennes qui travaillent « dans la construction et d’autres secteurs » violeraient possiblement les résolutions des Nations unies, en ayant recours au travail forcé de leurs compatriotes.
Mais ce sont les crimes liés à l’exploitation sexuelle qui ont généré le plus de réactions. Ainsi, selon le rapport, « les autorités ont identifié en 2018 l’exploitation de femmes chinoises et ukrainiennes dans des bars et des boîtes de nuit »rappelant que des femmes et des enfants originaires d’Afrique de l’Ouest sont victimes d’un système de tourisme sexuel pour des étrangers européens, notamment Belges, Français et Allemands.
Les victimes mineures seraient plus nombreuses à Dakar et à Saint-Louis, mais aussi à Cap Skirring (Casamance) et sur la Petite-Côte, à la sortie de Dakar. Le phénomène serait de plus en plus important dans des « résidences privées », en plus des zones touristiques habituelles. Le document indique que des diplomates saoudiens seraient coupables d’avoir recruté et exploité des femmes sénégalaises pour les forcer à travailler en Arabie Saoudite, sans toutefois donner plus de détails.