Les chiffres de la protection sociale au Sénégal

Le Consortium CICODEV Afrique, le Laboratoire de recherche sur les transformations économiques et Sociales (LARTES/IFAN), et d'autres partenaires ont mené une étude sur l'identification et l'évaluation des nouveaux modes de financement des programmes non contributifs de la Protection Sociale (PS) au Sénégal. Cette étude a fait des conclusions et recommandations.

protection sociale

Au cours des deux dernières décennies, le Sénégal a enregistré des avancées majeures dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités. Sur la base du seuil national, le taux de pauvreté monétaire est passé de 55,2% en 2001/2002 à 47,6% en 2011 pour atteindre 37,8% en 2018/2019 (ANSD, 2013 et 2020).

Face à une croissance économique importante (taux de croissance du PIB estimé à 6,4% en 2018 et 7,4% en 2017 par l'ANSD en 2020), la population sénégalaise croit à un rythme soutenu (elle s'est accrue d'environ 3% entre 2017 et 2018 soit un taux inférieur à celui de la croissance macroéconomique, selon les prévisions de l'ANSD (2020).

Cette double dynamique démo économique peut conduire à un changement majeur et rapide si des politiques pertinentes sont mises en place. Afin de maximiser la portée de cette dynamique, le défi social consiste, de manière qualitative et quantitative, à ne laisser personne en rade.

Toutefois, selon les données du LARTES, collectées auprès de 16 020 ménages à une échelle représentative de tous les 45 départements d'alors du pays, le taux de couverture de la protection sociale est approximé à 17%.

En outre, de la même étude, il ressort que bien que 62.4% des ménages perçoivent la "bourse de sécurité familiale", parmi les ménages disposant d'une protection sociale (PS), seuls 20,7% bénéficient d'une Couverture Maladie Universelle (CMU). Autrement dit, la CMU ne concerne qu'environ que 3,5% des ménages.

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Le taux de couverture de la protection sociale est approximé à 17%.

Ces données selon l'étude montrent le besoin pour le Sénégal de mettre en œuvre des politiques efficaces de soutien durable de sa population, particulièrement celle qui ne bénéficie d'aucune protection sociale. Le défi est ainsi tant dans la conception de cette politique de protection sociale (PS) que dans la mobilisation des ressources financières qui permettraient de lui garantir le succès et la pérennité attendus

Cette étude, s'inscrit dans ce cadre en analysant le financement de la protection sociale, en investiguant les espaces budgétaires mobilisables et les autres solutions de financement innovantes envisageables à l'échelle nationale pour une extension de la PS à l'horizon 2035.

Elle vise plus spécifiquement à estimer les coûts des programmes ciblés ainsi que leur extension, évalue la contribution des bénéficiaires au financement de chaque programme cible, identifier des modes de financement pour couvrir les coûts supplémentaires, estimer le volume de financement supplémentaire mobilisable de la protection sociale.

Elle s'intéresse au système non contributif et plus spécifiquement aux sept programmes suivants : le Programme National de Bourse de Sécurité Familiale (PNBSF), la Gratuité des soins des enfants de 0 à 5 ans, la Gratuité de la césarienne, la Gratuité de l'hémodialyse, la Carte d'Égalité des Chances (CEC), le Plan Sésame et les cantines scolaires.

Les 3 scénarii de l'étude

La collecte de données selon le document s'est réalisée sur chacun des sept programmes notamment le nombre de bénéficiaires et les coûts sur la période de 2013 à 2020. La recherche documentaire quant à elle, a porté sur d'autres études prospectives.

Dans ce sillage, l'estimation de l'évolution de la demande future s'organise suivant trois scénarii: scénario 1: l'élargissement de la couverture tout en gardant les mêmes bénéfices de prestation scénario 2: l'amélioration du bénéfice offert de 50% en maintenant le nombre constant de bénéficiaires, scénario 3: l'amélioration du bénéfice offert de 50% tout en augmentant le nombre de bénéficiaires. "De même, la simulation des prélèvements indolores s'est opérée sur une multitude de lignes budgétaires pour dégager les ressources suffisantes et couvrir les besoins annuels de protection sociale. Le principe consiste à faire des prélèvements tellement faibles que le consommateur peut les tolérer, leur cumul présente un avantage certain pour le soutien nécessaire face aux chocs divers.

La taxation supplémentaire cible principalement les produits de luxe, les importations et les exportations de certains produits alimentaires, les alcools, la cigarette, les jeux de hasard, le pétrole et le gaz, etc. Par ailleurs, la conception d'un fichier Excel a permis de faire une exploration et des simulations portant sur la demande (évolution du nombre de bénéficiaires) et sur le financement mobilisable (la combinaison par type de produit)" lit-on dans le rapport.

En outre, dans le cadre de cette étude, plusieurs types d'informations et de bases de données sont mobilisés Une revue documentaire qui consiste à exploiter la documentation scientifique (travaux et articles).

Une exploitation des données administratives (rapports, documents de programmes, coûts et dépenses des programmes ciblés, nombre de bénéficiaires, contribution des bénéficiaires, manuels de procédures, rapports d'activités, cadre logique, etc.).

Les contraintes

L'accès aux données a été la plus grande contrainte pour la réalisation de cette étude. Les données financières ont été particulièrement difficiles d'accès en particulier les coûts de gestion Par ailleurs, la principale difficulté rencontrée est l'anomalie des données collectées au niveau des programmes de la CMU.

Les données sujettes aux anomalies sont celles sur le nombre de bénéficiaires des programmes de gratuité de la césarienne et de l'hémodialyse et les coûts de prise en charge. En effet, le montant moyen de la gratuité de la césarienne varie énormément allant de 78 964 FCFA en 2019 à 149 863 FCFA en 2020.

Pour la gratuité de l'hémodialyse, selon la même source, Il est noté une incohérence sur le coût moyen d'une séance de dialyse : de 9 747 FCFA en 2018 à 56 217 FCFA en 2020. En prenant un coût moyen d'une séance d'hémodialyse à 40 000 FCFA (factures reçues des structures de santé) et le coût moyen annuel de la prise en charge d'un hémodialysé en 2020 (8 769 811 FCFA), an obtient 219 séances pour un hémodialysé en 2020. Ce qui est largement supérieur aux 156 séances qu'un hemodialysé peut avoir au maximum dans l'année.

Dans les départements, les données disponibles n'ont pu être détaillées dans la mesure où elles sont parcellaires et non harmonisées.

Les conclusions de l'étude

L'extension de la PS est en adéquation avec le potentiel de ressources souveraines. La situation de la pauvreté au Sénégal affiche une dualité: si la prévalence de la pauvreté connait une baisse continue, le nombre de personnes vulnérables ne cesse d'accroître. En outre, des travaux récents ont montré un niveau important d'atteinte de solutions de solidarité verticale, c'est-à-dire de l'État vers les citoyens. C'est dans ce contexte que cette analyse cherche à identifier les espaces budgétaires mobilisables et les autres solutions de financement innovantes envisageables à l'échelle nationale pour le développement de la protection sociale.

Après avoir montré une hausse des dépenses globales de protection sociale mais une tendance à la baisse de leur part dans le budget national, l'étude se base sur une approche mettant face à face le besoin annuel de financement des sept programmes de PS entre 2023 et 2035 et les ressources annuelles mobilisables. "Il ressort que l'État sénégalais dispose de potentiels de mobilisation de ressources internes et pérennes permettant le développement et le financement de la protection sociale. A titre illustratif, en considerant le scénario le plus ambitieux (hausse du niveau de couverture et amélioration de la qualité des prestations offertes), les prévisions révèlent que le besoin de financement des six programmes de protection sociale est estimé à 146.95 milliards de FCFA en 2035 contre 90,52 milliards de FCFA en 2023 soit une progression de 62,3%. Concernant les cantines scolaires, la demande (nombre d'élèves couverts) est projetée à 1008 809 élèves en 2035 contre 469 354 en 2023 avec un taux de couverture allant de 20% en 2023 à 35% à l'horizon 2035. Le besoin de financement est estimé à 90.07 milliards de FCFA à l'horizon 2035 contre 33,12 milliards de FCFA en 2023. Au total, le besoin de financement des sept programmes est estimé à 237,02 milliards de FCFA en 2035 contre 121,1 milliards de FCA en 2023, soit un quasi doublement en treize ans" a renseigné le document.

S'agissant du financement de cette extension des programmes rendue nécessaires par l'évolution économico-démographique, les autorités disposent de possibilités de prélèvement indolores qui permettront de mobiliser un volume de ressources suffisant pour couvrir la demande. Ces niches que le pouvoir public peut mettre à contribution sans obérer le pouvoir d'achat des consommateurs sont : les ressources naturelles (pétrolières et gazières), les machines et équipement, le logement et les habitations, le transport et le tourisme, les télécommunications, les services financiers et Jeux de hasard, les administrations publiques, les produits cosmétiques et certains produits alimentaires.

Les postes permettant de dégager les ressources financières les plus importantes sont les ressources naturelles (pétrolières et gazières), les machines et équipement et certains produits alimentaires.

Ce que recommande l’étude

À l'endroit des autorités en charge de la protection sociale, l'étude recommande pour le volet stratégie de mettre en place un fond national de financement de la protection sociale avec un ancrage institutionnel très élevé (Présidence ou Primature), sensibiliser les décideurs au plus haut niveau sur le faible volume de ressources financières nécessaires pour accroître la couverture et/ou le bénéfice des initiatives de protection sociale, de développer des stratégies de plaidoyer pour que les ressources consacrées à la protection sociales oient perçues non pas comme une "dépense" mais "un investissement".

Sur le volet ingénierie de la PS, l'étude souhaite de créer et/ou renforcer le dispositif de collecte de données financières et de suivi/évaluation au sein de chaque programme de PS, mettre en place un dispositif de partage des données financières et sur les caractéristiques des bénéficiaires(anonymisées), désagrégées (localisation, milieu de résidence, type de prestation, etc.) et actualisées, créer plus de synergie entre les dépenses de protection sociale réalisées par les différentes institutions et ministères.

Sur la systématisation des connaissances, la même source voudrait documenter et supporter les initiatives de protection sociale conçues et mises en œuvre par les autorités locales, soutenir la recherche en matière de stratégie d'extension de la protection sociale et d'évaluation d'impact pour une meilleure efficacité des interventions.

À l'endroit de la Société civile elle veut sur le volet stratégie et politique, d'appuyer les collectivités territoriales à formuler leur politique locale de protection sociale et à identifier et sécuriser leur financement, de développer un plaidoyer pour sensibiliser les autorités sur l'existence de potentialités pour le financement de la nécessaire extension de la protection sociale.

Sur le volet systématisation des connaissances, l’étude recommande de mettre en place une plateforme web pour la simulation de la demande et du besoin de financement de la protection sociale au Sénégal, mettre en place un observatoire permanent et indépendant sur le financement de la protection sociale.

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