A Marrakech où se déroulaient les assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale, et face à des dizaines d’invités, le président de la fondation Mo Ibrahim a tenu une discussion à bâtons rompus avec le patron de la Banque mondiale, Ajay Banga. Dans un échange mouvementé, le milliardaire soudanais a vivement critiqué l’inefficacité des institutions de Bretton Woods et les inégalités dont souffrent les pays pauvres sur la scène financière mondiale.
« Nous sommes perplexes, car votre conseil est composé de nombreux actionnaires, mais vous n’avez aucun administrateur indépendant. D’ailleurs, si votre banque était cotée sur n’importe quelle Bourse, elle aurait été directement retirée de la cotation, car la gouvernance laisse à désirer. » Devant un parterre quelque peu stupéfait d’une centaine de décideurs économiques et financiers du monde entier, le milliardaire anglo-soudanaise Mo Ibrahim n’a pas ménagé son interlocuteur, Ajay Banga, président de la Banque mondiale.
Les deux poids, deux mesures de la gestion de la dette
Dialoguant à l’occasion d’une session des assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI à Marrakech, le chancre de la bonne gouvernance et fondateur de la Fondation Mo Ibrahim a saisi l’occasion d’une discussion « sincère » pour interpeler le dirigeant – sans le viser personnellement – à propos des anomalies qu’il perçoit dans le fonctionnement de l’institution multilatérale.
Ajay Banga sans mots
Pointant du doigt les deux réunions du conseil des gouverneurs chaque semaine, une perte de temps selon lui, Mo Ibrahim a également questionné les coûts de fonctionnements de ce conseil qui s’élèvent à plus de 100 millions de dollars par an. « Votre mission est de lutter contre la pauvreté. Or, ces 100 millions de dollars auraient pu permettre à un million d’enfants en Afrique d’avoir accès à l’éducation chaque année. Voilà ce qu’est le développement », s’est-il exclamé devant un Ajay Banga parfois souriant, parfois de marbre, acquiesçant même quelquefois de la tête aux saillies de son interlocuteur.
Le monologue musclé du philanthrope africain s’est achevé par une remarque cinglante. « Le comble, c’est que ce sont ces mêmes personnes de la Banque mondiale qui viennent en Afrique nous donner des leçons sur la gouvernance », s’est indigné le milliardaire anglo-soudanais. Et de poursuivre : « Excusez-moi. La bonne gouvernance commence chez soi. Merci de transmettre ce message à votre conseil d’administration. » Une conclusion que l’Indo-Américain n’a pas démentie, avant que la discussion ne se conclue par une accolade amicale entre les deux hommes, sous les applaudissements de l’auditoire.