257 M€ à payer à Bourgi : ce que dit l’arrêt de la Cour d’appel de Paris

Le Ministère des Finances et du Budget s’est fendu d’un communiqué pour démentir l'information selon laquelle le Sénégal doit payer 257 M€ (168,5 milliards FCFA) à payer à Bibo Bourgi.

Bibo Bourgi

La première chambre civile de la Cour de cassation de Paris vient de condamner l’Etat du Sénégal à verser à Aboukhalil Bourgi alias Bibo Bourgi, environ 168,5 milliards FCFA de dommages et intérêt, suscitant diverses réactions dont certaines teintées de récupération politique, alors que les positionnements en vue de l’élection présidentielle se multiplient.

Ce jugement ne confirme en fait que l’arrêt de la Cour d’appel de Paris rendu en octobre 2021 en faveur de l’homme d’affaires, dont la proximité avec Karim Wade en avait fait l’un des accusés dans l’opération anti-corruption lancée au Sénégal en 2012. Bibo Bourgi avait en effet saisi la justice du pays dont il se prévaut la nationalité pour dénoncer un préjudice qui résulterait de l’exécution d’un arrêt de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) rendu en 2015 à Dakar et le condamnant par contumace après sa fuite au Liban, à une peine de prison de 10 ans, à payer une amende de 138 milliards de francs Cfa.

La Cour avait en outre décidé la confiscation de tous ses biens au Sénégal et à l’étranger, « de quelque nature qu’ils soient, meubles ou immeubles, divis ou indivis, corporels ou incorporels, notamment les actions des sociétés dont ils sont bénéficiaires économiques », comme écrit dans le jugement définitif de la Crei. Cette juridiction avait octroyé en sus à l’Etat sénégalais des dommages et intérêts de 10 milliards de francs Cfa. Après une longue procédure, Bibo Bourgi, se prévalant de sa nationalité française, sur la base du traité bilatéral d’investissement France-Sénégal et du règlement de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (Cnudci), avait porté plainte contre le Sénégal.

Depuis quelques heures, cette affaire est présentée comme la preuve que les condamnés de 2015 par la Crei étaient blancs comme neige. Ce qui trahit plus les premiers jalons d’une opération de blanchiment de réputation qu’autre chose…

Hier, le Ministre des Finances et du Budget est monté au créneau pour souligner que la Cour de Cassation française s’est prononcée dans le sens d’un rejet non spécialement motivé, sans trancher les questions de fond soulevées dans le pourvoi introduit par l’Etat du Sénégal et rendant par conséquent la décision du Tribunal arbitral de Paris effective.

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Il a surtout fait remarquer que l’Etat n’a pas été condamné à un quelconque paiement au profit de Bibo Bourgi, « la sentence précitée ayant simplement alloué à ce dernier l’équivalent de l’amende susdite en plus d’un supposé préjudice financier et moral et exclusivement dans l’hypothèse où l’arrêt de la Crei venait à être effectivement exécuté par l’Etat, afin de prévenir et neutraliser les effets d’un tel recouvrement ».

PARADIS FISCAUX

Il n’est pas superflu de revenir sur les circonstances de la condamnation de Bibo Bourgi. Entre le 12 et le 19 janvier 2012, six sociétés anonymes avaient versées dans le patrimoine des frères Bourgi. Après des investigations menées suite à une commission rogatoire, Blue Horizon Holdings S.A, Blue Infinity Holdings S.A et Cap Ouest S.A étaient apparues comme appartenant à Bibo Bourgi.

La compagnie Menzies Afrique S.A., créée et domiciliée au Luxembourg, spécialisée dans l’exécution et la sous-traitance d’activités aéroportuaires avait été indexé comme une source de financement pour certaines entités de la galaxie Bibo Bourgi et associés. C’est elle qui leur a permis de mettre en place des fondations en zone offshore. C’est ainsi qu’en septembre 2011, des actions de Menzies Afrique S.A. sont été utilisées par les actionnaires pour constituer trois entités : Alteos Foundation (Bibo Bourgi), Alteos One Foundation (Karim Abou Khalil) et Pifor Foundation (Mamadou Pouye), les deux dernières étant au nom respectifs de Karim Abou Khalil (Son frère) et Mamadou Pouye (un ami).

Sur la masse gigantesque de documents révélés par les « Pandora Papers », le consortium ouest-africain de journalisme d’investigation, Cenozo, avait établi en septembre 2021 que les trois fondations, de droit panaméen et d’intérêt privé, ont été créées par le même cabinet panaméen, Alcogal Corporate Services (Aleman, Cordero, Galindo & Lee) qui est également leur agent résident, une sorte de bureau de représentation assurant les services de secrétariat et de toutes autres démarches nécessaires au bon fonctionnement de leurs activités.

Celles-ci ont pu servir à sécuriser les biens et actifs pour lesquels la justice sénégalaise les a jugés coupables d’être des prête-noms pour leur ami d’enfance, Karim Wade, selon la Crei. En janvier 2017, les autorités panaméennes avaient alerté le cabinet d’avocats Alcogal contre « les opérations suspectes » auxquelles se livraient Alteos Foundation, Alteos One Foundation et Pifor Foundation (toutes actionnaires de Menzies). Elles leur reprochaient de n’avoir pas évalué à leur juste mesure les rapports d’opérations suspectes dont les trois fondations ont fait l’objet.

A travers plusieurs documents officiels, Panama faisait référence au jugement de la Crei contre les Bourgi et Pouye pour soupçonner que les trois fondations puissent être des « véhicules » potentiels de transfert frauduleux de fonds et de blanchiment de capitaux. Selon les juges de la Crei, Menzies fait partie des sociétés qui font du transfert frauduleux de fonds en servant de prête-nom.

L’Etat du Sénégal avait pu ainsu obtenir l’administration provisoire de biens et actifs immatriculés au nom de Bibo Bourgi ou liés à lui. Dans cette affaire, il y a lieu de rappeler que le Sénégal est un Etat souverain, bénéficiant d’une immunité d’exécution rendant impossible toute mesure d’exécution forcée sur ses biens. D’ailleurs, à ce stade, aucun bien appartenant au Sénégal n’a fait l’objet de saisie.

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