Les déboires s’accumulent pour le numéro un mondial de l’alimentation. Après les scandales des laits en poudre « tueurs de bébés » et du sucre ajouté, une nouvelle affaire éclabousse Nestlé. En effet, la multinationale suisse tromperait ses consommateurs depuis plus de quinze ans. Dans un rapport d’enquête sur le traitement frauduleux des eaux minérales par Nestlé, qu’a pu consulter Médiapart, le géant suisse a eu recours à des traitements interdits pour ses eaux minérales depuis plus de 15 ans, une fraude qui s’élèverait à plus de 3 milliards d’euros.
- Des traitements interdits depuis 2005, voire 1993
Le rapport d’enquête, émanant de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), se focalise ainsi sur les eaux Contrex, Hépar et Vittel pour lesquelles Nestlé "a recours à des traitements interdits depuis au moins 2005, voire 1993 pour certaines, et cela de façon permanente", écrivent nos confrères. Cela en raison de contaminations bactériennes fréquentes.
Pour autant, ces "process ne sont pas conformes avec la réglementation française", signale une note interne à l’entreprise et certains de ces traitements ne répondraient nullement à des "besoins de sécurité sanitaire", selon l’enquête.
Le rapport évoque notamment l’achat en 2005 d’appareils à UV et relève "une utilisation de filtres non autorisés depuis au moins 2010". Cette pratique a pu permettre à l’entreprise d’amasser plus de 3 milliards d’euros : "La différence de chiffre d’affaires réalisée en vendant ces produits en eau minérale naturelle au lieu d’eau rendue potable par traitement est estimée à 3 132 463 297,00 € pour les différentes marques et périodes infractionnelles correspondantes", selon les enquêteurs.
- Des pathogènes et des bactéries au-dessus de la limite légale
Si Nestlé a contacté en 2021 les autorités afin de régulariser la situation, et a déclaré avoir "retiré les traitements en question" depuis, leurs résultats de contrôles, effectués de janvier 2020 à mars 2022, montrent que plusieurs sources d’eau sont contaminées "de pathogènes et de bactéries hétérotropes au-dessus de la limite légale", parfois même jusqu’à 85 % supérieurs, indique Médiapart.
Et le problème ne date pas d’hier, puis l’ancien directeur de l’usine Nestlé dans les Vosges (en poste de 2019 à 2023) explique que ces appareils étaient utilisés "sur des captages qui avaient des dérives microbiologiques".
Pour justifier ses pratiques, la multinationale a imputé la présence de ces dérives bactériennes "au changement climatique", à l’origine de la diminution des nappes d’eau et favorisant les contaminations des sols versants.