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Ce qui n'a jamais été révélé sur le Mahdi

La communauté layène célèbre ce jeudi 30 janvier et vendredi 31 janvier 2025 le 145e appel de Seydina Limamou Laye, présenté comme "la réincarnation du Prophète Mouhamed (Psl)".

L'appel du Mahdi et les soupçons du colon sur l'existence d'une nouvelle secte religieuse

Dans son article intitulé l’histoire des Layènes au Sénégal publié dans le journal le Soleil en 1976, le défunt Assane Sylla, docteur en Lettres et professeur à l’Ecole normale supérieure à l’époque, a retracé les rapports entre Baye Laye et les colons. Dès l’appel de Mahdi qui avait éveillé dans tout le pays un grand remous, rapporte L'OBS, qui a repris l'article, les colons ont commencé les hostilités contre le fondateur de la confrérie Layène. Pour cause, le nombre des musulmans ayant répondu à son appel, les autorités coloniales en ont fait un sujet d’inquiétude. Dans sa lettre du 17 décembre 1886,Quintrie, directeur de l'Intérieur à Saint-Louis demandait à Baginski, délégué de l'Intérieur à Dakar, de surveiller Seydina Limamou :

«Il semble résulter de certains renseignements dont je n'ai pas lieu de suspecter l'origine qu'une nouvelle secte religieuse se serait formée dans le deuxième arrondissement. Le chef qui se dit ressuscité habiterait, paraît-il, le village de Yoff et se promènerait un peu partout en vue d'accroître le nombre de ses prosélytes dont le chiffre s'élève déjà à près de 300. La présence de cet homme dans la localité pouvant constituer un danger grave et nous susciter à un moment donné, de sérieux embarras. J’ai l'honneur de vous prier de surveiller et de faire surveiller ses allures par le commissaire de police», avait-il écrit.

5000 indigènes de la Presqu'île adhèrent aux doctrines du Mahdi

Moins d'un an après, Cléret, nouveau délégué de l'Intérieur, écrivait dans sa lettre N° 760 du 4 septembre 1987 adressée à Quintrie que déjà plus de 5000 indigènes de la Presqu'île ont adhéré à ses doctrines. Les colons vont donc déclencher contre Seydina Limamou toutes sortes de persécutions pour étouffer son œuvre. Mais en vain. Puisque quelques années plus tard, Patterson, administrateur principal des cercles de Dakar et Thiès, avait écrit, dans sa lettre du 25 juillet 1890 adressée au directeur des Affaires politiques à Saint-Louis, qu’un examen superficiel ne permettrait évidemment de ne voir dans les actes ordinaires de Limamou qu'un travailleur influent près duquel s'agite un certain nombre de croyants attirés par sa grande réputation de sainteté.

Mais en se rendant compte de son influence religieuse et de l'adoration réelle dont il est l'objet, poursuivait Patterson, on peut dire d'ores et déjà qu'il est extrêmement dangereux pour l'influence française; que la «secte» dont il a le patronage ira grandissante et que le nombre de ses prosélytes augmente de jour en jour.

Le Mahdi étend ses tentacule à Nianing, en Gambie...

Malheureusement pour le colon, l’action de Mahdi ne s'étend pas seulement à Yoff. Un noyau de ses adeptes se forme dans les environs de Nianing, de Saint-Louis et en Gambie. Ce qui pousse Patterson à ajouter dans son rapport que Seydina Limamou, par son influence, attire près de lui tout ce que Dakar, Rufisque et la banlieue comptent de fils de famille. Loin de lâcher prise, le colon avait envoyé l’agent de police Mbaye auprès de Mahdi pour l’espionner. Mbaye s’est rendu auprès de l’érudit et s’est fait passer pour un converti. Demeurant quelque temps auprès de lui, il a rédigé un rapport pour charger Baye Laye. Et pour répondre à ses allégations, Seydina Limamou, très fidèle à la religion de Mouhamed, disait ceci : «Si vous voyez en moi des paroles ou actes qui s'écartent de ce que disait ou faisait le prophète Mouhamed, vous en déduirez que je ne suis pas le vrai Mahdi».

La première tentative d'arrestation du Mahdi le 7 septembre 1887…

Seydina Limamou a accompli sa mission religieuse dans des conditions extrêmement difficiles. Certains individus mal intentionnés à son égard avaient dressé les Français contre lui. En leur faisant savoir que Seydina Limamou avait acheté des armes, préparait une guerre sainte contre eux et était même prêt à marcher sur Dakar. Les Français voulaient alors l'arrêter. La première tentative d'arrestation échoue le 7 septembre 1887, ils préparent alors une véritable expédition militaire contre lui. Et Cléret avait révélé l'ampleur de cette expédition dans son rapport du 19 septembre 1887 où il écrivait : «Monsieur Bert formait une véritable colonne composée de cavalerie infanterie et artillerie».

Cette colonne est arrivée à Yoff dans la nuit du samedi 10 au dimanche 11 septembre 1887. Mais grande fut la déception de ces militaires qui voulaient surprendre l’érudit, car la veille, il avait quitté son village natal. Limamou avait réuni ses disciples le 10 septembre au soir pour leur dire que «Tout envoyé de Dieu a dû subir un exil». Puis, après avoir longuement prêché, il leur a demandé de se disperser momentanément après la prière du crépuscule. Et il a quitté Yoff, accompagné de ses deux plus proches disciples, Abdoulaye Diallo et Thierno Sarr. Des groupes d'hommes organisés par les colons ont sillonné toute la presqu'île à la recherche de Baye. C’est après trois jours, le 14 septembre I887 qu'il est sorti du buisson touffu où il s'était retiré avec ses compagnons, derrière le village de Malika et se manifestait à un groupe d'hommes qui participaient à la recherche.

Son arrestation et son jugement

Arrêté, il fut interné durant trois mois à l'île de Gorée avant d'être jugé. Malgré l'acquittement de Seydina Limamou prononcé par le juge Gilbert Desvallons qui a proclamé son innocence et sa droiture morale au cours du procès qui a eu lieu vers janvier I888, les autorités coloniales s'inquiétaient de nouveau, vers juillet 1890, devant les progrès que faisait la confrérie Layène. Mais cette fois, la protection divine semblait intervenir fermement en faveur de Seydina Limamou. Car tous ceux qui cherchaient à déclencher de nouvelles persécutions contre lui et ses adeptes voyaient leurs machinations se retourner contre eux. Finalement, Limamou Laye a pu continuer ses prédications et son enseignement religieux jusqu'à sa mort en 1909.

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