Mère divorcée de quatre enfants, comptable de formation
A 49 ans, Mane Faye a obtenu son baccalauréat en candidate libre, près de deux décennies après avoir quitté les bancs de l’école. Mère divorcée de quatre enfants, comptable de formation et employée dans le secteur privé, elle a mené ce combat en solitaire, portée par une détermination intime et tenace. Elle a abandonné l’enseignement général pour s’orienter vers une formation professionnelle. Ce choix, elle le fait en observant autour d’elle la précarité qui frappe plusieurs de ses oncles, pourtant diplômés d’université, mais privés de débouchés satisfaisants.
)
«Je voyais mes oncles revenir de l’université, beaucoup sont devenus enseignants ou ont échoué à trouver leur voie. J’ai décidé d’opter pour une formation professionnelle», confie-t-elle, dans des propos repris par L'OBS. Cette décision, elle la porte avec courage, malgré les désaccords qu’elle suscite au sein de sa famille, notamment avec son père. « Si c’est pour passer toutes ces années à étudier pour finir par chercher autre chose, autant aller directement vers le concret», tranche-t-elle, avec détermination. Mane Faye réussit alors un concours en comptabilité, obtient son Diplôme d’Études Techniques (Det), finance elle-même ses études, et entame une carrière dans le secteur privé.
Sa fille, l’élément déclencheur de son retour aux études
Mariée en 2005 et mère dès 2006, elle met peu à peu de côté ses ambitions scolaires, accaparée par les responsabilités familiales. Son rêve d’éducation est suspendu, mais jamais abandonné. Pourtant, un vide persiste : celui de l’enseignement général qu’elle a quitté prématurément, et qui reste une page inachevée de son histoire. L’élément déclencheur de ce retour aux études porte un nom : sa fille, Bigué Ndong. C’est en accompagnant cette dernière, élève en série Sciences et Technologies de l’Économie et de la Gestion (Steg), ex-série G, que le vieux rêve de Mane Faye renaît. «Je l’accompagnais pour ses cours de renforcement afin de suivre ses progrès. Un jour, j’ai confié à son professeur mon envie de passer le Bac. Il m’a encouragée», se souvient-elle.
)
Lire plus : https://www.pulse.sn/articles/news/a-49-ans-elle-obtient-son-bac-avec-sa-fille-2025070612192914229
Dès lors, dans le plus grand secret, seule sa fille était au courant, ses proches doutant de sa capacité à réussir, Mane Faye reprend les cahiers. Les révisions s’étalent en soirées, dans le calme de son domicile à Dakar, et le week-end, dans l’intimité du foyer familial à Mbacké. Au travail, elle dissimule ses manuels pour éviter les regards curieux de ses collègues. Entre responsabilités familiales et pressions professionnelles, elle mène ce combat avec une discrétion et une détermination exemplaires.
Les révisions s’organisent au rythme d’un emploi du temps serré : travail la semaine à Dakar, cours de soutien avec sa fille les week-ends à Mbacké, et sessions solitaires la nuit ou à l’abri des regards indiscrets. Chaque détail est planifié avec minutie : congés posés discrètement, organisation logistique à Mbacké où, faute d’un centre d’examen pour la série Steg, elle doit chaque jour rallier Diourbel. «Je passais mes journées sous les arbres, attendant les épreuves», raconte-t-elle avec un sourire mêlé de résilience. Malgré ces conditions précaires, Mane tient bon, portée par une foi inébranlable en elle-même, le soutien indéfectible de sa fille, et une motivation sans faille.
Le baccalauréat, en série Sciences et Technologies de l’Économie et de la Gestion (Steg), s’étale sur une semaine intense. Éreintée mais déterminée, Mane traverse l’épreuve sans jamais fléchir. Avec sa fille, elles partagent leurs impressions, s’encouragent mutuellement. «Je lui disais qu’elle aurait 25/20 !», plaisante-t-elle. Après avoir terminé les examens un samedi matin, elle rentre se reposer, puis prend la route vers Dakar le dimanche soir pour reprendre son travail. Le jour de la proclamation des résultats, elle est absente. C’est sa fille qui l’appelle, en larmes, pour lui annoncer qu’elle est admise au second tour. Quelques jours plus tard, le verdict tombe : le Bac est décroché.