L’affaire concerne une erreur dans l’état signalétique de M. D. A., indiquant à tort qu’il avait embarqué à Morlaix sur le navire Circassia le 1er novembre 1944, alors que les faits établissent la date du 4 novembre 1944. M. D. A., né en 1913 à Diakhao (Sénégal), avait servi dans le 6ème régiment d’artillerie coloniale, a été fait prisonnier pendant la Seconde Guerre mondiale, puis libéré avant son rapatriement vers Dakar. Il trouva la mort le 1er décembre 1944 au camp de Thiaroye, victime d’une répression menée par l’armée française contre des tirailleurs sénégalais réclamant leurs soldes, relate Les Echos.
)
En 2021, M. C. A. avait sollicité la ministre des Armées pour corriger cette date erronée. Face au refus implicite, suivi d’une décision explicite le 22 décembre 2021, il avait saisi le tribunal administratif de Paris, qui avait rejeté sa demande en 2023, estimant que le refus ne constituait pas une décision attaquable. M. A. a alors fait appel.
La Cour administrative d’appel a infirmé le jugement de première instance, jugeant que le refus de modifier un état signalétique entaché d’erreur fait grief et peut être contesté en justice. Elle a également annulé la décision ministérielle, estimant que rien dans le code du patrimoine, invoqué par la ministre, n’interdit la correction d’une erreur matérielle dans un tel document. La Cour a relevé que l’état signalétique n’avait pas le statut de trésor national, rendant le refus de modification injustifié.
Dans son arrêt, la Cour ordonne au ministre des Armées de rectifier l’état signalétique pour faire apparaître la date correcte du 4 novembre 1944, dans un délai de trois mois. Elle a également condamné l’État à verser 1500 euros à M. A. pour couvrir ses frais de justice. Cette décision dépasse le cadre administratif. Elle s’inscrit dans une démarche de reconnaissance des contributions et des souffrances des tirailleurs sénégalais, dont l’histoire reste marquée par les injustices, notamment les événements de Thiaroye. En rectifiant une date, la Cour contribue à rétablir la vérité sur le parcours de M. D. A. et, plus largement, sur celui des soldats coloniaux. Pour les historiens et les associations de mémoire, cet arrêt pourrait ouvrir la voie à d’autres rectifications d’archives militaires, renforçant la justiciabilité des erreurs administratives affectant la mémoire collective.
)
Sur le plan juridique, la décision précise qu’un refus de corriger un état signalétique est susceptible de recours en excès de pouvoir, même sans impact financier, dès lors qu’il porte atteinte à un intérêt direct, comme celui des ayants droit. Elle clarifie également l’interprétation du code du patrimoine, écartant son utilisation comme obstacle à la correction d’erreurs matérielles.