UEMOA : 8 coups d'État réussis, 10 tentatives échouées en 2022

Le département Bloomfield Intelligence de l’agence de notation africaine qui produit des informations nécessaires à la prise de décision d’investissement sur le continent, a mesuré les effets de la récurrence des coups d'État dans la zone du franc CFA à travers une étude d’impact des coups d’État dans l’UEMOA.

Ibrahima Traoré

Huit coups d'État réussis, 10 tentatives échouées. En 2022, ce sont 18 sources d’instabilité potentielle qui ont déstabilisé la région ouest-africaine, avec leurs impacts économiques et conséquences sociales. En déterminant les causes, tout en formulant des recommandations pour y remédier, l’agence de notation africaine Bloomfield a produit une ‘’étude d’impact des coups d’État dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA)’’.

L'étude, dont l’objectif principal est d'analyser les conséquences de ces putschs sur la période 2000-2022, est ‘’une évaluation des risques liés à la persistance des coups d'État dans la zone UEMOA à travers notamment l'analyse approfondie de leur impact sur la stabilité politique, économique et sociale de la région, ainsi que des facteurs déclencheurs et des tendances historiques associées à ces événements déstabilisateurs’’.

Rien qu’entre 2020 et 2023, le Mali, le Burkina Faso (deux fois) et le Niger ont connu des coups d’État. Trois pays sur les huit que compte l’UEMOA (avec le Bénin, la Côte d'Ivoire, la Guinée-Bissau, le Sénégal et le Togo). Sur la période 2000-2023, la zone comptabilise huit coups d'État militaires réussis, à raison de deux coups dans chacun des quatre pays concernés, à savoir le Burkina Faso, la Guinée-Bissau, le Mali et le Niger.

Cette fréquence des coups de force fait dire à l’agence de notation que ‘’le phénomène des coups d'État au sein de la communauté ouest-africaine s'est transformé en une approche perçue comme des remèdes universels et des solutions radicales en réponse aux mécontentements liés à la gouvernance et à la rupture du dialogue social’’.

Et pour cause. Les maux dont souffrent les États ouest-africains, principalement ceux de la zone CFA, sont nombreux. Bien que les origines des coups d'État puissent être attribuées à une combinaison complexe de facteurs politiques, socioéconomiques historiques et propres à chaque pays, certains ont été identifiés par Bloomfield comme ceux tendant à expliquer la fréquence des coups de force dans la zone.

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Il s’agit, entre autres, de l’instabilité politique, de la concentration du pouvoir, des problèmes socioéconomiques, de la faible consolidation démocratique et des interférences externes, entre autres.

La prévalence de l'instabilité politique et de la mauvaise gouvernance dans certains pays de I'UEMOA a pu créer un climat propice aux tentatives de renversement des gouvernements en place, indique l'étude parcouru par Enquête. Dans le contexte politique de plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest, des coups d'État ont été influencés par des allégations de corruption et de mauvaise gestion.

Le président Robert Guéï en Côte d'Ivoire, le président Blaise Compaoré au Burkina Faso, le président Amadou Toumani Touré au Mali et le président Mamadou Tandja au Niger ont tous fait face à des accusations de corruption et de gestion déficiente qui ont contribué à l'instabilité politique et aux soulèvements populaires.

La gourmandise et les excès de la gestion des affaires publiques

La concentration excessive du pouvoir entre les mains d'un petit groupe ou d'un individu peut susciter des mécontentements au sein de la population et pousser certains groupes, y compris les militaires, à envisager des alternatives radicales pour un changement de leadership. Cette situation a été observée sous la présidence de Blaise Compaoré, renversé en 2014, avec l'étendue d'une ère de règne marquée par une concentration significative de pouvoir.

Ayant dirigé le Burkina Faso depuis 1987, Compaoré altéra la Constitution pour étendre son mandat, ce qui teinta son régime d'un contrôle rigide de l'appareil gouvernemental et d'une influence prédominante sur les institutions.

À cela s'ajoutent les inégalités économiques, la faible consolidation démocratique notée dans plusieurs pays de la sous-région. Lorsque la démocratie est encore récente ou fragile, les dispositifs pour la résolution non violente des conflits peuvent ne pas être solidement établis. Les tensions politiques risquent alors de dégénérer en tentatives de renversement du gouvernement.

Ceci fait que les désaccords résultant de l'implication des institutions chargées de superviser les élections présidentielles dans les décisions des autorités au pouvoir entraînent des pertes de confiance et des contestations des résultats électoraux. Les dirigeants des commissions nationales chargées des élections dans la plupart des pays sont désignés par le président de la République et leurs membres sont majoritairement issus de partis politiques, en général.

En Guinée-Bissau, les élections présidentielles et législatives fréquemment contestées, marquées par des accusations de fraudes ont instauré un climat d'instabilité politique, entravant la capacité à former des gouvernements stables et favorisant des coups d'État.

Il y a certains pays où les militaires ont joué un rôle politique significatif par le passé. Et cela peut contribuer à une culture où les tentatives de coups d'État sont considérées comme des moyens acceptables pour accéder au pouvoir, explique l’agence. Les structures militaires peuvent être plus enclines à prendre des mesures décisives pour influencer la politique.

Il faut aussi noter que le chômage élevé, la pauvreté et les problèmes économiques peuvent engendrer des frustrations parmi la population. Lorsque les citoyens perçoivent que le gouvernement n'est pas en mesure de répondre à leurs besoins fondamentaux, ils pourraient soutenir ou tolérer des actions radicales pour provoquer un changement.

Une fois perpétrés, les coups d'État créent un climat d'instabilité politique et d'incertitude. Les maux qu’ils étaient censés combattre ont tendance à empirer puisque, note Bloomfield, les changements brusques de gouvernement perturbent la continuité de la direction des politiques de développement. Après le coup d'État manqué en 2002 en Côte d'Ivoire, le pays a sombré dans une décennie de conflit et d'instabilité. Divisée en deux parties, avec un Nord sous le contrôle des rebelles et un Sud gouvernemental, cette division a nourri une instabilité politique tenace, des affrontements armés et des tensions ethniques. Les élections contestées de 2010 ont ensuite accentué la crise politique majeure et les violences intensifiant l'instabilité.

Des coups d’État facteurs d’insécurité récurrente

Aussi, explique l’agence de notation, les défis sécuritaires dans la zone alimentent les conséquences des coups d'État des pays membres. Le rapport de l'Indice mondial du terrorisme publié en mars 2022 révèle que parmi les quatre nations connaissant la plus forte augmentation du nombre de décès liés au terrorisme, trois sont situées dans la zone UEMOA : le Niger, le Burkina Faso et le Mali.

Au plan économique, les coups d'État entraînent souvent des perturbations, notamment la baisse des investissements étrangers, la stagnation des projets de développement et l'effondrement des activités commerciales.

Cependant, les effets peuvent varier en fonction de nombreux facteurs, y compris la durée de l'instabilité, la capacité des gouvernements à maintenir la stabilité économique et les conditions économiques mondiales. Sans oublier que ces périodes tumultueuses entraînent souvent des atteintes fondamentales des citoyens.

En Côte d'Ivoire, rappelle la note, la crise politique qui a suivi l’élection présidentielle de 2010 a donné lieu à des violences postélectorales, marquées par plus de 3 000 violations graves des Droits de l'homme, d'après Freedom House. Ces abus incluent environ 500 meurtres, dont un charnier découvert à Yopougon, où 57 personnes ont été exhumées ainsi que 800 cas de viols et plus de 1 200 enlèvements. Les régions intérieures du pays n'ont pas été épargnées, subissant des massacres et des charniers, notamment à Duékoué, où la perte de vie d'au moins 800 civils a été enregistré

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