Souleymane Diallo, Expert Urbaniste : "le littoral doit être différencié du domaine publique maritime"

Le Domaine Public Maritime (DPM) est une zone de protection et de défense qui présente un intérêt économique évident particulièrement dans la Région de Dakar.

Souleymane DIALLO, Expert Urbaniste

Que dit le code de l’urbanisme sur les constructions sur le littoral ?

D’abord avant de pouvoir répondre à cette question, commençons par définir ce qu’est un littoral et, ensuite ce qu’est le littoral sénégalais. Le littoral, selon le dictionnaire de géographie de Pierre George et de Fernand Verger, est un domaine géographique où se déplace la ligne de rivage qui est la ligne de contact instantané entre l’atmosphère, la lithosphère (la terre) et l’hydrosphère (mers et océans). Il désigne également l’espace influencé par les forces marines, comme par exemple les vagues, la houle, les vents marins, etc.) agissant au contact du continent. Il comprend, entre autres, la côte, c’est-à-dire la bande de terre confinant la mer qui, vue du large, présente un certain relief développé horizontalement. Cette bande ne subit qu’indirectement l’influence des actions marines ainsi que la partie de la mer qui subit l’influence directe de la terre ferme : réfraction, diffraction réflexion, apport massif de sédiments.

Le Sénégal est très ouvert sur l’océan atlantique. Ses côtes au Nord et au Sud font plus de 700 Km. Parler du littoral en des termes géographiques revient à distinguer trois régions morphologiquement différents: la Zone des Niayes, la Région de Dakar et de Thiès, les estuaires du Saloum et de la Casamance. (i) La région des Niayes est l’ensemble des dunes littorales subactuelles ou actuelles longeant la grande côte sénégalaise qui vas de Pikine Technopôle à Saint-Louis, qui a déterminé la formation de lacs et lagunes.

Ces dépressions étaient inondées périodiquement par la remontée de la nappe phréatique. La région des Niayes dont la largeur excède rarement quatre kilomètres. L’occupation de cette zone par l’urbanisation est la principale explication du phénomène des inondations à Dakar. (ii) La région de Dakar, très hypertrophiée, a néanmoins un relief varié avec des contrastes altitudinaux assez importantes. Il y a d’abord, notamment sur la Corniche Ouest les édifices volcaniques, le plateau marno-calcaire du Cap Manuel, le plateau calcaire de Bargny et enfin le Massif de Ndiass.

A l’Est, le presqu’île de Dakar est limitée par la falaise de Thiès qui domine de plus de soixante-dix mètres la dépression lacustre du Tanma. C’est les fameuses zones de mangrove qui contrastent avec les « tannes », étendue blanches de sel nues de toute végétation. (iii) Les estuaires du Saloum et de la Casamance sont des pleines très basses recouvertes et découvertes par la mer au rythme des marées. Le littoral est donc très vaste et doit être différencié du domaine publique maritime (DPN), pour dissiper une bonne fois pour toute, les confusions très fréquentes.

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Le domaine public maritime (DPM) est partie intégrante du Domaine Public Naturel (DPN) de l’Etat défini dans le Code du domaine de l’Etat (CDE) en son Article 5 modifié à côté du domaine public fluvial, du sous-sol et de l’espace aérien. Sont considérées comme parties intégrantes du DPM : - la mer territoriale, - le plateau continental, - la mer intérieure, - les rivages de la mer et – la zone des 100 mètres. Cette dernière est une zone de protection et de défense qui présente un intérêt économique évident. Elle sert d’assiette aux réalisations touristiques et hôtelières. Elle est sans doute la principale concernée par ce débat sur l’occupation et la réalisation de constructions sur la zone du littoral.

Le domaine public fait l’objet d’une protection garantis par les principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité. Toutefois, des autorisations d’occuper sont accordées à titre personnel, gracieux et discrétionnaire (Art. 13 du CDE). Les autorisations d’occuper le DPN sont des actes de puissance publique dans lesquels l’administration déclare que l’occupation privative est compatible avec sa destination. Ce qu’ il faut noter c’est que cette autorisation ne fait aucune distinction. Elle s’adresse au DPN d’une manière générale, donc inclus le DPM. Il convient de souligner, que la délivrance de l’autorisation d’occuper le DPN implique les services techniques (cadastre, urbanisme) et les collectivités territoriale en générale. Cependant, en ce qui concerne la délivrance des autorisations d’occuper faite sur le DPM, elle relève de la compétence exclusive du Ministère en charge de l’économie et des finances.

Pour répondre maintenant à votre question, après ce long détours, retenons que le code de l’urbanisme ne dispose pas particulièrement en matière de construction sur le littoral. Les plans directeurs obligatoirement assortis de règlements d’urbanismes déterminent pour chaque zone couverte les types d’aménagement et de construction autorisées. Cette même assertion est valable pour le DPM. Les règlements de zone définissent les types de construction qui peuvent être autorisées.

Il faut insister qu’en matière de construction, la demande d’autorisation de construire est obligatoire même pour l’Etat. Laquelle demande est instruite par les services pour vérifier la conformité avec les prescriptions légales en matière de propriété foncière, d’urbanisme, d’architecture et de construction afin de décider d’autoriser ou non une quelconque construction. Le littoral sénégalais est densément construit parce que légalement rien ne s’y oppose. Elle est une zone à haute potentialité économique.

Les nouvelles autorités peuvent-elles procéder à la destruction des constructions sur le littoral ?

L’Etat peut, après contrôle sur le droit de propriété ou le titre d’occupation, statut du juridique du site, respect des prescriptions d’urbanisme et des normes de construction, en cas de non-conformité aux Lois et règlements en vigueur, sanctionner négativement les contrevenants. Oui l’Etat peut bel et bien démolir mais seulement après que le juge s’est prononcé à cet effet.

Comment sauver le littoral sénégalais ?

Posée ainsi, votre question suggère que les zones du littoral sénégalais seraient en danger et seraient menacées. En danger contre qui et contre qui. Si on prend a question sous l’angle environnemental et des conséquences des changements climatiques la réponse est assez évidente. Beaucoup d’établissements situés le long de nos côtes subissent de plein fouet les effets négatifs des changements climatiques. Nous pouvons, pèle mêle citer Saint-Louis, Rufisque, ainsi que toute la zone touristique au niveau de la petite côte. Le Gouvernement a mis en œuvre divers programmes de protection des côtes et d’adaptation qui ont tous pour objectif d’atténuer les effets néfastes des changements climatiques. Sur un autre registre, il y a certaines activités anthropiques qui menacent l’intégrité des écosystèmes côtiers et qui ont fait l’objets de mesures de la part de l’Etat. L’exemple que nous en donnons est l’extraction abusive de sable marin pour la construction.

Pour revernir à vos préoccupations relative à l’occupation du DPN, il convient de le souligner fortement, c’est à l’Etat qu’il revient la prérogative de définir la politique les concernant. Les enjeux économiques y afférents sont à apprécier en fonction de la vision économique du Chef de l’Etat mise en œuvre par son gouvernement. Maintenant, il y a un certain nombre de points d’attention relatifs au respect des principes de bonne gouvernance, de l’équité sociale et de sauvegarde l’intérêt général. Ces préoccupations ne sont pas seulement celles de mouvements politiques, d’activiste et de certains militants des droits. Ils sont la raison d’être de l’Etat qui a mis en place des outils pour les prendre en charge. L’Etat a suffisamment mis en place des mécanismes pour la bonne administration du DPM. Évidemment, ces derniers peuvent et doivent faire l’objet de réformes aux fins de mieux les adapter aux enjeux politiques , économiques, sociaux et environnementaux du moment.

Donc pour apporter des solutions durables à tous ces problèmes il conviendrait mieux d’alerter et de laisser à l’Etat le soin d’agir sereinement. L’arrêté primatial du n°006632 du 13 mais 2024 portant création une Commission ad hoc chargée du contrôle et de la vérification des titres sur les anciennes et nouvelles dépendances du domaines Public Maritime (DPM) dans la Région de Dakar une mesure une excellente en soit. Les résultats attendus du travail de cette Commission Ad hoc devront permettre aux autorités de dresser une situation de référence des titres et occupations sur le DPM dans la région de Dakar et partant, de définir une politique à la mesure des enjeux et opportunités économiques de cette zone de la capitale. Toutefois, il est aussi essentiel de ne pas émettre des signaux rouges à l’endroit des investisseurs et des opérateurs économiques majeurs. Le Sénégal a toujours misé sur sa stabilité politique et sur la solidité de son cadre juridique et de ses institutions pour attirer les investissements étrangers.

Qui accorde les autorisations de construire sur le littoral ?

Les autorisations de construire sont délivré par les services de l’Urbanisme aux niveaux des collectivités territoriales et les services centraux. Selon leur niveau d’importance elles sont approuvées par le Directeur Général de l’urbanisme ou par le Ministre en charge de l’Urbanisme. Ce qu’il convient de souligner c’est qu’en la matière, le principe est l’autorisation. Tout rejet est nécessairement motivé et les raisons dûment notifiées au demandeur. Si une est conforme aux prescriptions légales et règlementaires (codes, règlement d’urbanisme, autre dispositions express), elle est autorisée.

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