Plus de 80 milliards FCFA non comptabilisés dans les livres du Trésor
Dans le référé de la Cour des comptes, transmis au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Ousmane Diagne, sur l'audit du rapport sur la situation des finances publiques 2019-2024, se cache un énorme scandale. D'après les informations de L'OBS, tout s’est passé au mois de janvier 2022, quand le ministre chargé des Finances signe, au nom de l’État du Sénégal, avec International Business (IB) Bank T et International Business (IB) Bank B, une convention de crédit d’un montant de 91 942 400 000 FCfa, destiné, selon ladite convention, à l’acquisition de matériel par l’État du Sénégal, sans précision sur la nature dudit matériel.
Le montant du crédit, intérêts y compris, est de 105 052 249 080 FCfa, remboursable au plus tard le 31 décembre 2026, suivant des échéances trimestrielles. D’après la convention de crédit, les fonds doivent être mobilisés dans un compte de l’Etat du Sénégal «TG 024-01030-026631500101-17» ouvert dans les livres de IB Bank T. Dans cette opération, l’État a payé diverses commissions d’un montant de 919 424 000 FCfa aux banques à travers le compte de dépôt «CAP Gouvernement».
Pour l’emprunt, la Cour des comptes a constaté l’absence d’informations sur la nature et la destination du matériel à acquérir, la contractualisation d’une dette publique en dehors des procédures prévues par la règlementation, le non-versement du produit de l’emprunt dans les comptes du Trésor public et le remboursement, par le Trésor, du reliquat de l’emprunt d’un montant de 80 041 771 576 FCfa non comptabilisé dans ses livres.
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Des Dat de 141 087 194 249 cassés et non reversés au Trésor public
Les irrégularités n’en finissent pas dans le document transmis au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Ousmane Diagne, sur l'audit du rapport sur la situation des finances publiques 2019-2024. Il a été révélé des Dépôt à terme (Dat) cassés et non reversés d’un montant de 141 087 194 249 FCfa. Le Dépôt à terme est une somme d’argent bloquée dans un compte bancaire et productive d’intérêts au bout de l’échéance fixée dans la convention y relative.
Il a vocation à être restitué au comptable public déposant à l’échéance convenue. Mais, l’examen des pièces justificatives recueillies auprès de la Trésorerie générale et des établissements financiers dépositaires révèle, selon la Cour, que des Dat sont virés à des tiers sur instruction des ministres chargés des Finances ou des ministres délégués chargés du Budget.
Les Certificats nominatifs d’obligations (Cno) évalués à 546,70 milliards de FCfa, dont certains ont été signés après la Présidentielle
Les documents transmis à la Cour révèlent que l’Etat du Sénégal a procèdé, durant la période sous revue, à l’émission de Certificats nominatifs d’obligations (Cno) évalués à 546,70 milliards de FCfa et des intérêts de 58,99 milliards de FCfa. Ce montant inclut les Cno émis au nom de personnes morales et qui ne sont pas adossés à des obligations résultant de conventions de crédit bancaire. Les Cno sont émis dans le cadre d’une conversion ou reconnaissance de dette au profit de personnes morales. L’analyse de la situation des Cno a permis à la Cour de relever que cette pratique est effectuée en dehors des circuits d’exécution budgétaire et occasionne des surcoûts importants supportés par l’Etat. Six (6) Cno émis au nom de BDK et signés le 27 mars 2024 pour titriser un montant de 117,16 milliards de FCfa en paiement à des échéances de prêt 2023 et 2024 ; l’Etat doit supporter le paiement d’un montant de 121,2 milliards de FCfa incluant les intérêts.
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Quatre (04) Cno émis le 29 mars 2024 au nom de LANSAR AUTO SUARL pour un montant de 16,57 milliards de FCfa pour le règlement de factures relatives à la «location de véhicules au profit des services de l'Etat dans le cadre des évènements organisés sur l'ensemble du territoire sénégalais et durant lesquels les autorités doivent être présents ; et du transport des hôtes de l'Etat en mission au Sénégal pour les gestions 2020, 2021, 2022 et 2023 pour une durée maximale de 12 mois». Une partie de cette créance résulte d’un contrat signé le 2 janvier 2023 par le Directeur de l’Administration et du Personnel de la Direction générale du Budget.
Neuf (09) Cno d’un montant total de 100,29 milliards de FCfa émis le 08 septembre 2023 (20 milliards de FCfa), le 28 décembre 2023 (45,10 milliards de FCfa) et le 28 février 2024 (35,19 milliards de FCfa) au profit de Coris Bank et ayant respectivement pour objet le paiement de la dette de l’Etat du Sénégal à l'égard de Sofico, résultant de diverses transactions, le règlement des échéances de crédits juin à décembre 2023 et de la facture relative au marché de fourniture d'équipement de sécurité et de matériel technique au profit du Ministère de l'Environnement et la titrisation de diverses créances dues à CBI. Selon la Cour des comptes, certains Cno ont été signés après la Présidentielle de 2024.
Des comptes bancaires commerciaux mouvementés utilisés pour couvrir des dépenses extrabudgétaires
Dans le document, la Cour précise que les prêts accordés par les banques sont mobilisés dans des comptes bancaires ouverts à cet effet au nom de «l'Etat du Sénégal» et mouvementés sur ordre des ministres chargés des Finances. Des prêts qui sont contractés pour couvrir essentiellement des dépenses extrabudgétaires. II s'agit de dépenses exécutées sans autorisation parlementaire et en dehors des règles de la comptabilité publique. Ces dépenses non retracées dans les documents de reddition ont profité à des tiers dont le lien juridique avec l'Etat n'est pas rapporté. Par conséquent, l'effectivité des travaux ou prestations qui devraient sous-tendre ces dépenses ne peut être attestée par la Cour des Comptes.