L’Indice africain du crime organisé 2025, produit par le projet ENACT, financé par l’Union européenne et mis en œuvre par l’Institute for Security Studies (ISS), INTERPOL et le Global Initiative Against Transnational Organized Crime (GI-TOC), dresse un état complet du crime organisé sur le continent pour la période 2019-2025. Le rapport de 124 pages s’appuie sur les contributions de plus de 120 experts, et combine données qualitatives et quantitatives, couvrant les marchés criminels, les acteurs et la résilience des 54 pays africains, en intégrant les tendances historiques, présentes et futures.
L’indice attribue à l’Afrique une note moyenne de 5,34/10 en matière de criminalité.
L’Afrique se retrouve, une fois encore, confrontée à une dure réalité : le crime organisé progresse plus vite que les capacités des États à y répondre. La dernière édition de l’Indice africain du crime organisé, publiée en 2025, enfonce le clou avec une précision statistique qui ne laisse aucune place au doute. Huit années de données révèlent une criminalité toujours plus enracinée, diversifiée, sophistiquée, alors que la résilience institutionnelle stagne ou s’effrite. L’indice attribue à l’Afrique une note moyenne de 5,34/10 en matière de criminalité. En parallèle, la résilience plafonne à 3,79/10, confirmant que les États peinent à répondre à des organisations criminelles plus rapides, plus inventives et de mieux en mieux connectées. Les réformes existent, mais elles se heurtent souvent à l’absence de moyens, à la fragmentation administrative ou à une application approximative des textes adoptés.
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Les acteurs étatiques infiltrés, premiers moteurs du crime organisé en Afrique
Le rapport met en avant une conclusion dérangeante, mais désormais récurrente : les acteurs étatiques infiltrés constituent les premiers moteurs du crime organisé en Afrique, loin devant les mafias traditionnelles ou les réseaux étrangers. Fonctionnaires, responsables administratifs ou segments politiques facilitent les fraudes, protègent des trafics ou profitent d’un enrichissement clandestin. Dans plusieurs pays, cette infiltration dépasse même l’influence des organisations criminelles transnationales. Au sommet des marchés illicites les plus dynamiques figurent les crimes financiers, désormais premier marché criminel du continent. L’explosion des transferts informels, la sophistication des fraudes numériques, l’usage de sociétés-écrans ou de plateformes opaques ont métamorphosé les économies criminelles en écosystèmes transfrontaliers.
L’Afrique de l’Ouest, zone de transit et de tensions criminelles
Dans cette géographie du crime transnational, l’Afrique de l’Ouest occupe une place singulière. Région sous pression, marquée par des tensions politiques et des vulnérabilités frontalières, elle est devenue l’un des corridors les plus empruntés par les réseaux criminels. Le commerce de la cocaïne y atteint un niveau record avec un score de 6,67/10, conséquence directe de l’intégration de la région aux routes transatlantiques reliant les cartels sud-américains aux marchés européens.
Depuis le début des années 2000, les ports de la façade atlantique sont devenus des plateformes logistiques recherchées par les trafiquants. La cocaïne ne transite plus seulement par des voies discrètes : elle passe aujourd’hui par des circuits commerciaux, des conteneurs, des cargaisons mixtes, des plateformes aériennes. Les ports, malgré les progrès réalisés, peinent à faire face à l’ampleur des flux, entre millions de tonnes de marchandises légales et quelques kilogrammes de poudre habilement dissimulés.
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Vocii la région la plus touchée
De la Mauritanie à la Gambie en passant par le Sénégal, la route atlantique vers les Canaries reste l’une des plus périlleuses au monde. Les réseaux de passeurs y exploitent l’urgence sociale, la détresse économique et le manque de perspectives, utilisant la mer comme espace clandestin où le contrôle étatique demeure limité. Les ressources naturelles, quant à elles, continuent de faire l’objet d’un pillage systématique. Qu’il s’agisse de minerais extraits illégalement dans les zones frontalières, de bois convoyé clandestinement vers les pays voisins ou de produits agricoles détournés, l’Afrique de l’Ouest constitue un territoire où les ressources circulent souvent en dehors de tout contrôle administratif.
Le Sénégal, une cible privilégiée pour les réseaux régionaux
Dans ce paysage, le Sénégal occupe une place stratégique. Le pays n’est pas l’un des plus criminogènes du continent, mais il est placé au cœur des routes qui le traversent. Sa position géographique, son statut de plateforme économique, la vigueur de son port et la modernité de certaines infrastructures font de lui une cible privilégiée pour les réseaux régionaux. Les saisies récentes de cocaïne dans le port de Dakar ont confirmé ce rôle central : même si le Sénégal n’est pas un lieu de production, il est clairement un espace de transit. Les trafiquants profitent de l’importance du commerce maritime, de la densité des flux logistiques et de l’existence d’entreprises d’import-export où les marchandises illicites peuvent se fondre dans le commerce légal. La proximité avec la Guinée-Bissau, la Gambie ou la Guinée renforce cette dynamique.
Le pays est également exposé à la montée des crimes financiers observée sur le continent. Dakar est une capitale administrative et économique où circulent des flux importants, parfois difficiles à tracer, entre entreprises de construction, sociétés de transport, plateformes numériques et circuits informels.
Le Sénégal pas toujours armé pour détecter des transactions illicites bien dissimulées
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Les mécanismes de fraude peuvent être sophistiqués : faux contrats, transferts successifs, microstructures éphémères, détournements organisés. Pour les réseaux criminels, le Sénégal offre un environnement bancaire relativement structuré mais pas toujours armé pour détecter des transactions illicites bien dissimulées. La route migratoire vers les Canaries touche aussi le Sénégal, dont certaines zones côtières deviennent des points de départ. Les réseaux de passeurs s’appuient sur la connaissance des marées, des points sensibles et des failles dans le contrôle. Ils recrutent au sein des communautés locales et s’insèrent dans les tensions économiques qui frappent certaines régions littorales. Enfin, la question des ressources naturelles reste un défi. Le trafic de bois en Casamance, bien documenté depuis des années, continue d’alimenter des réseaux transnationaux dont les ramifications dépassent largement les frontières sénégalaises. Dans le Sénégal oriental, l’orpaillage informel n’atteint pas l’ampleur observée au Mali ou au Burkina Faso, mais il s’inscrit dans une logique régionale où la circulation de l’or se fait souvent hors des circuits officiels.


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