El Hadji Babacar Dioum l’homme de 38 ans, plus connu sous le pseudonyme de «Kocc Barma», est soupçonné d’être l’architecte d’un réseau numérique d’une ampleur inédite, avec plus de 5 000 victimes identifiées à ce jour. Derrière le masque de Guy Fawkes, emblème des hackers Anonymous, ne se trouvait pas un justicier anonyme, mais un manipulateur méthodique. Avatar, sweat à capuche grise, fond sombre, posture figée : tout dans son apparence publique était savamment orchestré pour construire un mythe. Une esthétique anxiogène, une véritable signature visuelle conçue pour intimider, imposer. Jusqu’à son arrestation, aucun visage, aucune faille n’étaient visibles.
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Narcissisme, contrôle et absence d’empathie
Qui est réellement El Hadji Babacar Dioum, alias «Kocc Barma» ? Pour tenter de percer les strates psychologiques de cette figure trouble, Khalifa Mouhamed Traoré, coach en développement personnel, certifié en psychologie clinique, interrogé par L'OBS, dresse le profil psychologique de Kocc. Première constante dans ce profil : un narcissisme pathologique. Une soif irrépressible de dominer, d’écraser, de réduire l’autre à un simple objet. Le témoignage de Khalifa Traoré est sans équivoque : «Il y a chez lui un besoin manifeste de manipulation, une jouissance froide à faire souffrir.» Le fait même de monétiser l’humiliation, en classant les victimes dans un dossier «Paid Not to Publish», démontre, selon lui, «une logique de chasseur sadique».
La présence de contenus pédopornographiques dans son arsenal numérique trahit une absence totale d’empathie. L’autre — femme, mineure, épouse, étudiante — n’existe que comme pion, comme vecteur de gratification égotique. Il instrumentalise la peur et théâtralise la honte. «Kocc Barma» ne se contentait pas de diffuser. Il annonçait ses publications avec des comptes à rebours, orchestrait l’attente, cultivait le suspense. Tels un metteur en scène du désastre intime, il maîtrisait le tempo, l’angoisse, l’exposition. Ce rituel digital souligne des traits de cruauté affirmée, une jubilation à voir ses cibles se débattre, supplier, payer. «On est dans une jouissance presque rituelle de l’humiliation. C’est un théâtre du contrôle», commente notre spécialiste.
La revanche d’un homme blessé ?
Cette quête effrénée de domination pourrait masquer un passé d’humiliations et de rejets, notamment lié à la figure féminine. Khalifa Traoré évoque l’hypothèse d’une fixation sur les femmes, née d’un sentiment d’abandon ou d’une insécurité maternelle précoce. Il décrit un enfant ayant grandi dans une famille aisée, mais émotionnellement carencée : un père autoritaire, une mère distante et une richesse anesthésiante, déconnectée de toute exigence affective. Ce type de configuration, selon lui, favorise l’émergence de profils à haut potentiel destructeur. «Quand un garçon est élevé dans une bulle de privilèges, sans apprendre la frustration ni la redevabilité, il peut développer une posture de toute-puissance.» L’enfant-roi, devenu adulte, aurait alors perverti le modèle paternel de réussite en une entreprise criminelle d’envergure, où l’humiliation d’autrui devient levier d’ascension symbolique.
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Issu, selon certaines sources, d’un milieu fortuné, Dioum aurait grandi dans un univers où richesse et pouvoir tenaient lieu de légitimation. Ne suivant pas les voies classiques du succès, il aurait transfiguré son ambition en un projet déviant : bâtir un empire numérique fondé sur la peur, le silence et l’humiliation. «S’il se sent inférieur à un père modèle, il cherche à le dépasser. Pas par le mérite, mais par la perversion», explique Traoré. Une sorte de parricide symbolique, où l’entrepreneuriat est vidé de toute éthique.
Paranoïa, manipulation et blanchiment
Les éléments matériels saisis lors de son arrestation viennent étayer cette analyse : brouilleur de signal dans son restaurant, faux carnets de vaccination, plaque policière falsifiée et des dizaines de millions de FCfa blanchis via des sociétés-écrans. À cela, s’ajoute une forme de paranoïa manifeste, perceptible dans son besoin de disparaître des radars, de brouiller les pistes, de contrôler jusqu’à son effacement. Une entreprise à laquelle les forces de l’ordre ont mis fin la semaine dernière, après 6 années de terreur. L’homme qui régnait derrière un écran sur les corps, les vies et les silences, se retrouve aujourd’hui nu, confronté à la justice, aux regards et, surtout, à lui-même.