Utilisation des fonds "GAR-SI" au Sénégal : le Parlement européen enquête

Le Comité des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen a demandé à la Commission européenne d’ouvrir une enquête sur la mauvaise gestion des fonds de l’Union européenne au Sénégal.

Parlement européen

Le programme GAR-SI SAHEL (Groupes d’Action Rapides – Surveillance et Intervention au Sahel) est un projet financé par le Fonds fiduciaire d'urgence européen pour l'Afrique. Le projet participe à la mise en œuvre du Plan d'action de La Valette de novembre 2015 et du Plan d'action régional 2015-2020 de la stratégie de l’Union européenne pour la région du Sahel. Quid de son utilisation au Sénégal ? Dans un article publié ce mardi 9 avril 2024 par le site Al Jazeera, le Parlement européen a demandé l'ouverture d'une enquête sur la mauvaise gestion desdits fonds de l’Union européenne au Sénégal.

Cette demande fait suite à une enquête conjointe menée par Al Jazeera et la Fondation porCausa, qui a révélé l’utilisation d’une unité de lutte contre la criminalité transfrontalière financée par l’UE pour réprimer les manifestations pro-démocratie dans le pays ouest-africain. Juan Fernando Lopez Aguilar, président du comité LIBE, a adressé une lettre à Ylva Johansson, commissaire européenne aux affaires intérieures, et à Juta Urpilainen, commissaire aux partenariats internationaux, le 25 mars, leur demandant de « faire tous les efforts nécessaires » pour que ces allégations soient « enquêtées et que la pleine clarté soit faite sur l’utilisation des fonds de l’UE ».

L’enquête publiée en février s’est concentrée sur le Groupe d’Action Rapide de Surveillance et d’Intervention, connu sous le nom de GAR-SI. Il s’agit d’un projet financé à hauteur de 74 millions d’euros par le Fonds d’urgence de l’UE pour l’Afrique (EUTF), mis en œuvre par l’agence espagnole de coopération au développement, FIIAPP, entre 2017 et 2023. L’objectif déclaré du projet était de créer et d’équiper une unité d’intervention spéciale dans la zone frontalière entre le Mali et le Sénégal pour lutter contre les groupes armés, la contrebande, le trafic et d’autres crimes transfrontaliers.

Cependant, l’enquête a trouvé des preuves visuelles, des contrats du gouvernement espagnol, un rapport d’évaluation confidentiel et trois sources proches du projet confirmant que l’unité GAR-SI a été utilisée par le gouvernement de l’ancien président Macky Sall pour réprimer les manifestants au Sénégal lors de manifestations entre 2021 et 2023. Amnesty International estime qu’au moins 60 personnes sont mortes pendant les protestations, sans qu’aucune poursuite n’ait été engagée à ce jour.

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La répression a également coïncidé avec une forte augmentation de la migration vers l’Espagne. « La répression a poussé de nombreux jeunes à migrer vers les îles Canaries, la route migratoire la plus dangereuse », a déclaré Aguilar, ajoutant que « l’instabilité et la répression affectent les pics migratoires ». Il a ajouté que, pendant les manifestations, la police sénégalaise a relâché la surveillance des frontières pour se concentrer sur la répression des manifestations.

L’évidence de l’enquête a également été discutée au Parlement espagnol en mars, lorsque la députée Ines Granollers a demandé au gouvernement s’il suspendrait la fourniture de matériel antiémeute autorisée en 2023 au Sénégal et s’il enquêterait sur les allégations de mauvaise utilisation des fonds de l’UE.

Amnesty International a exigé que le gouvernement espagnol ouvre une enquête indépendante sur l’utilisation illégitime du matériel exporté de l’Espagne vers le Sénégal. Le groupe de droits a recommandé que le gouvernement révoque les licences pour l’équipement s’il était découvert qu’il avait été mal utilisé, et de ne pas autoriser de nouveaux transferts jusqu’à ce que les autorités responsables des violations des droits humains au Sénégal soient enquêtées et poursuivies.

A propos du fonds GAR-SI

Au Sénégal, GAR-SI a contribué à la sécurité des populations et à la stabilisation des zones isolées/reculées et transfrontalières, comme condition pour leur développement socio-économique durable. Financé par le Fonds Fiduciaire d’Urgence pour l’Afrique de l’UE, à hauteur de 4,7 milliards F CFA (7,2 millions d’euros), le projet avait débuté en mars 2018, pour une durée totale de 40 mois. Sa mise en œuvre a été assurée par la Fondation internationale et ibéroaméricaine pour l'administration et les politiques publiques en Espagne (FIIAPP) en partenariat avec l'opérateur de coopération technique internationale du ministère de l'Intérieur de la France (CIVIPOL).

Le projet a ainsi contribué à la mise en place d’une unité spéciale de surveillance et intervention de 200 gendarmes, actuellement déployée à Kidira, ville frontalière avec le Mali. Cette Unité a bénéficié de la fourniture de l’équipement et des véhicules nécessaires pour assurer le bon fonctionnement et la durabilité des capacités de l’unité GARSI, notamment 40 véhicules (y inclus un autobus et une ambulance), un bateau zodiac, 4 drones, des équipements de subsistance et un campement pour l’unité ; des uniformes et des équipements de protection individuelle ; des matériels sanitaires et des équipements opérationnels de télécommunication, d’intervention policière, d’observation et de contrôle routier.

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