Pourtant, Senghor demeure une icône. Dans un "Poème liminaire à Léon Gontran Damas", écrit en 1940, Léopold Sédar Senghor s'adressant aux Tirailleurs sénégalais, promet de déchirer « les rires banania sur tous les murs de France ». « Vous n’êtes pas des pauvres aux poches vides sans honneur », insiste-t-il. Illustration de son engagement à défendre les siens jusqu'au bout, il poursuit : « Je ne laisserai pas la parole aux ministres, et pas aux généraux. Je ne laisserai pas — non ! — les louanges de mépris vous enterrer furtivement. »
Dans la même époque, le même contexte, il écrit : « On nous enseignait que les Noirs n'ont rien apporté à la civilisation, je protestais ». Une vive protestation contre les négationnistes même s'il tient à souligner : « Ah ! ne dites pas que je n’aime pas la France » tout en mettant en exergue les vertus des Français : « Je sais que ce peuple de feu, chaque fois qu’il a libéré ses mains a écrit la fraternité sur la première page de ses monuments ».
Un des précurseurs de la Négritude, il a beaucoup lutté pour le respect du peuple noir. On lui a reproché sa proximité avec la France. On l'a qualifié de "complexé" alors qu'à y regarder de près, il est juste un homme complexe très ancré dans sa culture Sérère, attaché à Joal et à Djilor ses terres ancestrales. Le président-académicien est à l'origine d'une administration organisée et d'une conception valorisante de la République. Avant de passer le pouvoir dans des "conditions douces", avec un procédé peu démocratique certes mais c’était le moindre mal au moment où en Afrique, les coups de force étaient de mise. Il a un actif et un passif. Saluons son actif qui mérite plus d'être célébré, vingt-un ans après sa mort.