Au nom du Droit violé et de la Paix [Contribution]

Une contribution de Amsata Diouf, Docteur en Droit public.

Manifestations au Sénégal pour la libération de Ousmane Sonko, mars 2021.

Ce qui me pèse : « Il n’y a point de cruelle tyrannie que celle que l’on exerce à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice. » Montesquieu.

À l’heure où ces lignes sont écrites, une peur et une terreur sans nom s’emparent de tous les citoyens hautement conscients de la sérieuse menace qui plane sur notre cher pays. L’affaire dite « Sweet Beauty » en est la cause principale. Point n’est besoin de revenir sur les faits. Tant ce dossier étrange a été l’horizon indépassable de notre débat politico-juridique, phagocytant dès lors tous les autres sujets, fussent-ils cruciaux. Cette affaire, qui a tenu en haleine le Sénégal sans trêve depuis près de deux ans, aurait dû être traitée comme toutes les autres, c’est-à-dire avec toute la sérénité requise et en toute légalité, gage sûr de toute justice pure.

Hélas ! comme nombre d’observateurs avertis et foncièrement objectifs, je ne suis point du tout convaincu que le droit ait irrigué la procédure jusqu’alors suivie. En effet, le procès-verbal de l’enquête de la Gendarmerie a excipé d’un festival de contradictions, d’incohérences, d’approximatifs de la part de la plaignante, le tout enrobé par un manque de sérénité ostensible ayant même étonné l’officier de police judiciaire ayant en charge de l’enquête.

Ensuite, le certificat médical, pièce maîtresse en matière de viol, a établi, sans équivoque, l’inexistence d’une conjonction sexuelle récente, mais plutôt d’une défloraison qui daterait de l’époque médiévale. Sur ces preuves tangibles et irréfutables qui devraient faire taire les accusations, se greffe une série de témoignages à la décharge de l’accusé.

En clair, ce faisceau d’indices et de témoignages concordants aurait largement suffi pour mettre un terme à ce dossier de viol imaginaire qui, à la vérité, repose, sans brin d’exagération, sur un tissu de mensonges mal ficelé.

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En outre, le procès-verbal de la gendarmerie ne vaut qu’à titre de simples renseignements. Tel a été le langage claironné des souteneurs opportunistes de la pauvre plaignante ; et si ces paroles ne sortent pas précisément de leur bouche, elles sont gravées dans leur cœur avec le burin de l’opportunisme trempé du fiel de l’envie. Il me semble que l’on a abusé étrangement de la vérité de ce principe sus évoqué. Voilà une batterie de canons qui tire sans cesse à nos oreilles. Il y a là une confusion terrible si facile à débrouiller pour celui qui est pénétré d’une science autre que celle de la partisanerie professionnalisée.

Curieusement, l’accusé fut inculpé et placé sous contrôle judiciaire à la suite d’une audition fort trouble à l’occasion de laquelle le Sénégal aura inscrit, non sans tristesse, les pages les plus sombres de son histoire. Instruire étonnamment une telle affaire ci-dessus décrite aura été une erreur stratégico-politique manifeste, constituant, par là même, un attentat violent au droit.

Sans surprise, la confrontation tant attendue entre l’accusatrice et l’accusé n’a fait qu’accréditer la thèse de l’inexistence du viol, d’autant plus que la plaignante n’a apporté la moindre preuve de ces accusations gravissimes. Bien au contraire, l’accusé, à qui n’incombe pas la charge de la preuve, a pourtant brandi des preuves établissant la thèse du complot dont il serait l’objet, notamment le rapport interne accablant et décapant de la Gendarmerie y afférent.

Au terme d’une instruction tristement auréolée d’une absence incroyable de preuves de la part de la plaignante et d’une série de témoignages concordants à la décharge de l’accusé, nous n’avions point besoin d’élever notre esprit jusqu’à la vérité ; car elle est descendue jusqu’à nous.

Ce serait vraiment renoncer au sens commun que de réfuter la vérité évidente et éclatante dans cette affaire ; et puis, jamais on n’a disputé s’il fait jour à midi, selon la belle formule de Voltaire. Alors, juger cette affaire est littéralement aisé pour tout esprit raisonnable, impartial, savant d’une science qui n’est pas celle des mots ; esprit dégagé des préjugés et amateur de la vérité et de la justice.

Contre toute attente, le juge d’instruction a rendu une ordonnance de renvoi devant la Chambre criminelle, déroutant ainsi toutes les âmes éprises de justice. En effet, des considérations métajuridiques empreintes d’opportunité voire de politique semblent avoir présidé à la prise de cette ordonnance non exempte de critiques saines.

Le renvoi en jugement de cette affaire, énième coup porté au droit, dénoterait à suffisance que le loup qui rôdait à côté du Palais de justice a fini par y entrer par effraction pour finalement imposer sa volonté. Ce qui scellerait définitivement l’instrumentalisation larvée de l’appareil judiciaire de notre pays qui, dans un Etat dit de droit, devrait être le dernier rempart contre l’arbitraire.

Devant le refus rédhibitoire de l’accusé d’aller au procès à travers un discours scandé et constellé de menaces empreintes d’appel à une résistance populaire, la tension est aujourd’hui vive et les populations profondément angoissées. Peut-être, viendra-t-il le moment de situer les responsabilités dans cette affaire, qui a été délicatement couvée et savamment entretenue par une horde de personnes mal intentionnées si bien que le point de non-retour semble être atteint.

L’impératif est plutôt de trouver des voies et moyens pour sortir de cette impasse. Quand la maison brûle, en effet, il faut d’abord éteindre le feu avant d’arrêter celui qui a voulu démeubler.

Au nom du Droit violé, des recettes politico-juridiques pourraient être trouvées pour éviter à notre cher pays un chaos dont personne ne pourra imaginer les conséquences néfastes. Ce qui induit de ne prêter qu’une oreille distraite aux sirènes de tout discours porteur de germes de destruction ; du genre, il faut appliquer la loi dans toute sa vigueur, nul n’est au-dessus de la loi ou force reste à la loi. Les partisans de ce procès hautement risqué, ceux-là qui s’engoncent opportunément dans un juridisme ambiant, saisonnier et pur étaient pourtant témoins de la violation de ce même droit et ce, tout au long de la procédure. Toute tentative désespérée de sacralisation opportuniste du droit et des institutions ne serait pas de nature à sortir le pays de ce dédale.

Au nom du Droit violé, il est possible de trouver une issue pacifique à cette affaire dont les ramifications de tous ordres auront terriblement secoué, notamment le socle même de notre cohésion sociale.

Au nom du Droit violé et de la paix, le président de la République, en tant que garant de la stabilité du pays et de la cohésion nationale, se doit de tout mettre en œuvre pour stopper sans délai la procédure souillée dans cette affaire. La paix, jusqu’alors notre principal veau d’or, en vaut le prix.

Cette démarche salutaire hautement républicaine ne traduira, de sa part, ni une faiblesse encore moins une incongruité, d’autant plus que des dossiers moins sensibles sont déjà sous son coude au nom de la stabilité du pays.

Alors, qu’il fasse place sous son coude salvateur en l’espèce pour enterrer ce dossier qui, en dernière analyse, se révèle comme un véritable ferment d’instabilité pour notre cher Sénégal.

Si l’on n’éteint pas le bûcher par l’encre et la salive, on finira par le faire désespérément par les larmes.

Vive la paix !

Vive le Sénégal !

Amsata DIOUF,

Docteur en Droit public

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