Excision : 'J’ai la trace de la barbarie sur mon corps et je vais mourir avec' - Hamalita Fofana

L'écrivain sénégalaise Hamalita Fofana, victime de mutilations génitales à l'âge de 5 ans, revient sur son excision.

Halima fofana

Sa souffrance est perceptible, ses mots difficiles à entendre. Victime d'une excision lors d’un voyage en Afrique, Halimata Fofana a été amputée d’une partie d’elle-même à l’âge de 5 ans. Choquée et écœurée par cette pratique "barbare", elle souhaite désormais briser le silence et faire bouger les lignes. L’autrice du livre "À l'ombre de la cité Rimbaud", s’est livrée dans "Trauma", sur ce rituel, revenant notamment sur la manière dont elle a fait face à ce traumatisme.

Comme elle l’explique, ses premières vacances au Sénégal lui ont laissé un goût amer. Sur place, la jeune Halimata l’ignore mais s’apprête à subir une excision. Sa tante l’emmène dans une maison où elle voit "une petite fille allongée sur le sol, les jambes écartées". Elle ne comprend pas ce qu'il se passe et obéit lorsqu’une femme lui demande, à son tour, de s’allonger. "Ma tante est présente. C’est une femme que j’aime beaucoup donc je lui fais confiance". Seulement voilà : lorsqu’elle sort le couteau, la jeune fille comprend rapidement être "en danger". Là, le cauchemar commence. Ses bras et ses jambes sont tenus, de sorte qu’elle ne puisse pas se débattre.

L’exciseuse commence à lui couper le clitoris. La douleur est atroce. Elle crie, pleure, appelle à l’aide mais personne ne vient. "Ça gicle, il y a du sang", se souvient-elle avec difficulté. Lorsqu’elle pose le couteau, la jeune fille pense en avoir terminé. Mais elle se trompe. "Elle prend un petit flacon et me jette le contenu sur le sexe. C’était de l’alcool à 90 degrés", explique-t-elle, tentant de faire partager sa douleur. "Une brûlure intense m’a envahie. Je n’ai pas de mot pour décrire ce que j’ai ressenti à ce moment". Le calvaire n’en finit plus, l’exciseuse reprend le couteau et continue de couper. La jeune femme, dont le traumatisme est toujours bien présent, explique avoir, à un moment, arrêté de crier. "J’abandonne, je pense que c’est fini pour moi, que je vais mourir".

Marquée par cette atteinte à son intimité, qu’elle considère comme un "viol", Halimata Fofana doit ensuite continuer de grandir avec ce lourd tribut. Une période compliquée, ponctuée de hauts et de bas, qu’elle traverse non sans mal. "J’avais renoncé à mon corps. J’avais l’impression qu’il était sale, j’en avais terriblement honte", explique-t-elle, tout en confiant n’en avoir parlé à personne de peur de provoquer du "dégoût".

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Sans grande surprise, ce traumatisme engendre bien d’autres problèmes chez Halimata, comme l’anorexie. "Je cherchais une certaine perfection de mon corps. Je voulais être une femme à part entière. Après l’excision, j’ai toujours eu ce sentiment d’être à moitié femme, à moitié quelque chose".

Heureusement, la jeune femme, née à Longjumeau dans la banlieue parisienne, se réfugie dans le travail. "Si mon corps leur appartenait, je ne voulais pas qu’ils aient ma tête. Personne ne devait pouvoir l’atteindre". Elle décide donc de faire des études et de s’instruire. Elle lit énormément et s’élève psychologiquement. "Lorsque vous subissez une violence comme celle-ci, un détachement se fait entre le corps et la tête, c’est l’instinct de survie", rappelle-t-elle.

Étudiante, Halimata entend parler de chirurgie réparatrice à l’âge de 23 ans et entrevoit enfin l’espoir de devenir la femme qu’elle n’a jamais été. Elle se lance donc dans un processus de réparation physique et se fait opérer. Seulement voilà : la période post-opératoire ne se passe pas comme prévu. "J’avais des douleurs monstrueuses au point où je devais m’allonger par terre sur le sol à Paris", se rappelle-t-elle, expliquant avoir vécu une grosse désillusion. "J’étais convaincue que cette opération allait être magique mais ça n’a pas été le cas. J’ai dû faire un très gros travail psychologique".

Désormais, Halimata veut lever le tabou sur cette pratique qu’elle juge "barbare" et briser le silence. "Dans notre fratrie, toutes les filles ont subi l’excision. C’est un rituel qui se fait de génération en génération", rappelle-t-elle expliquant n’avoir jamais digéré la "trahison" de sa mère et de sa tante. "Je ne pouvais pas leur faire confiance, ce sont elles qui m’ont amenée à l’échafaud". Par conséquent, elle explique avoir mis en place, très jeune, un mécanisme de défense. "J’ai appris à faire sans elles, c’était une question de survie. J’étais convaincue d’être tout le temps en danger, j’étais sur le qui-vive".

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