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Drépanocytose ignorée : pourquoi la douleur des patients noirs est-elle encore sous-estimée ?

La drépanocytose est la maladie génétique la plus fréquente au monde, mais aussi l’une des plus incomprises. Ses crises vaso-occlusives provoquent une douleur parmi les plus intenses en médecine : une sensation de verre brisé dans les veines, décrivent certains patients. Pourtant, la souffrance reste massivement minimisée. Et cette invisibilisation n’est pas qu’un problème médical, elle plonge ses racines dans l’histoire du racisme scientifique, qui continue d’influencer les soins.
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Une maladie qui touche principalement les populations noires

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Si la drépanocytose existe dans plusieurs régions du globe, elle touche majoritairement les populations d’origine africaine, afro-caribéenne ou afro-américaine. En France, plus de 80 % des patients sont issus de ces populations. Aux États-Unis, 1 personne noire sur 365 naît avec la maladie. Cette distribution géographique a eu un effet pervers, la drépanocytose a longtemps été perçue comme une maladie de minorité. Résultat : moins de financements ; moins de formation ; moins de recherche. Cette négligence systémique se répercute sur la manière dont on écoute, ou n’écoute pas, la douleur des malades.

Une douleur souvent banalisée

Les patients rapportent régulièrement qu’on les croit exagérant, habitués à la douleur, ou même en recherche de médicament. Ce manque de crédibilité accordé à leur souffrance n’est pas anodin : il découle d’un mythe raciste vieux de plusieurs siècles. 

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Une croyance historique dangereuse

Dès l’esclavage, les populations noires étaient décrites comme plus résistantes, plus fortes physiquement, supposées supporter la chaleur, l’effort intense… ou la douleur. Ces stéréotypes ont justifié des violences, des travaux forcés et même des expérimentations médicales sans anesthésie. Et le plus grave, ces idées persistent encore dans la médecine moderne. Une étude publiée dans Proceedings of the National Academy of Sciences (2016) montre que près de 40 % des étudiants en médecine américains croyaient à au moins un mythe biologique raciste, dont :“les Noirs ont des nerfs moins sensibles” ;“leur peau est plus épaisse” ;“ils ressentent moins la douleur.” Ces croyances, totalement fausses, influencent encore la prise de décision clinique, les patients noirs reçoivent moins souvent des antalgiques, et en moindre quantité, que les patients blancs pour une douleur équivalente.

Quand la douleur extrême ne suffit pas à convaincre

Les crises vaso-occlusives sont pourtant une urgence absolue, pouvant mener à des lésions d’organes, un syndrome thoracique aigu, ou un AVC. Mais même dans ces situations, certains soignants tardent à administrer des morphiniques, doutent de la sincérité du patient, ou interprètent sa détresse comme de l’agitation. Cette sous-estimation structurelle s’ajoute aux difficultés déjà liées à la maladie : fatigue chronique ; hospitalisations répétées ; stigmatisation ; discrimination.

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Des avancées mais encore insuffisantes...

Depuis 2024, le dépistage néonatal est enfin généralisé en France, marquant une avancée essentielle pour identifier la maladie dès la naissance et réduire les complications. En 2025, l’OMS a également publié pour la première fois des lignes directrices dédiées aux femmes enceintes atteintes de drépanocytose, signe d’une prise de conscience internationale plus large. Les connaissances scientifiques progressent aussi :on comprend mieux les mécanismes inflammatoires ;les greffes deviennent plus sûres ;et la thérapie génique ouvre des perspectives inédites. Pourtant, ces progrès ne suffiront pas si un obstacle majeur persiste, les biais raciaux qui influencent encore la manière dont la douleur des patients noirs est évaluée et traitée. Tant que ces préjugés continueront de façonner la réponse des soignants, aucune avancée biomédicale ne pourra pleinement améliorer la prise en charge.

SOURCE : PasseportSanté

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