Le Sénégal traverse une zone de turbulences économiques majeures. Les marchés internationaux ont réagi violemment ces derniers jours, faisant chuter les obligations du pays à des niveaux jamais enregistrés. La prime de risque souverain sur les obligations sénégalaises par rapport aux bons du Trésor américain s'est élargie à 1 077 points de base mercredi, un record absolu selon les données de JPMorgan Chase & Co, révèle l'agence de presse financière dans un article signé Ray Ndlovu.
Ce niveau place le Sénégal dans le groupe restreint des émetteurs africains dont la dette se négocie au niveau ou près du seuil des 1 000 points de base, largement considéré comme un marqueur de détresse financière. Le pays rejoint ainsi le Mozambique, dont l'écart est à 965 points de base, et le Gabon, qui a dépassé ce seuil début novembre, formant un trio africain au bord du gouffre financier, selon Bloomberg.
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L'effondrement des obligations sénégalaises s'est accéléré cette semaine après que le Fonds monétaire international a quitté Dakar sans accord sur un nouveau programme de financement, et que le gouvernement a signalé son opposition ferme à toute restructuration de la dette, indique l'article de Bloomberg. Le rendement des obligations 2031 du Sénégal a bondi de 122 points de base mercredi pour atteindre 16,87% à midi à Londres, rapporte l'agence. Le taux a ainsi augmenté de près de 300 points de base depuis le 7 novembre, illustrant l'ampleur de la défiance des investisseurs.
Cette dégringolade fait suite au gel l'année dernière du précédent programme du FMI de 1,8 milliard de dollars, après que le gouvernement a révélé des dettes cachées estimées à 7 milliards de dollars, rappelle Bloomberg.
"Le Sénégal ne peut plus accéder au marché des euro-obligations"
Pour les analystes financiers, le verdict est sans appel. "Il est clair qu'une probabilité significative d'une restructuration de la dette est intégrée dans les prix des obligations sénégalaises et que celle-ci a encore augmenté après la déclaration du FMI du 6 novembre", affirme Mark Bohlund, analyste crédit senior chez REDD Intelligence, cité par Bloomberg. "Cela signifie que le Sénégal ne peut pas accéder au marché des euro-obligations à l'heure actuelle."
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La situation s'est encore détériorée après les déclarations du Premier ministre Ousmane Sonko qui a catégoriquement exclu toute restructuration de la dette pour traiter les emprunts non divulgués, selon l'article. Cette position a déclenché une vente massive de la dette en dollars du Sénégal lundi, qui s'est poursuivie mercredi.
Les obligations sénégalaises se négocient désormais à "des niveaux de stress", selon Maciej Woznica, gestionnaire de portefeuille obligataire chez Coeli Frontier Markets, une division de Coeli Asset Management qui gère environ 4,8 milliards de dollars, cité par Bloomberg mardi. L'analyste avertit qu'il existe un risque de "potentiellement plus de douleur dans les obligations à court terme".
Le FMI a précisé mardi qu'il avait exploré plusieurs options avec le Sénégal, et qu'il revenait désormais au gouvernement de décider comment faire face à "des vulnérabilités importantes de la dette", rapporte l'agence de presse. Malgré la gravité de la situation sénégalaise, certains investisseurs étrangers cherchent à rassurer sur l'absence d'effet de contagion. "Le Sénégal n'est pas un problème systémique", affirme Anthony Simond, directeur des investissements pour la dette des marchés émergents chez Abrdn Investments Ltd à Londres, cité par Bloomberg. "La plupart des pays d'Afrique se portent bien : perspectives de croissance décentes, finances publiques solides, niveaux d'endettement réduits et réserves en augmentation."
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Simond indique que les investisseurs étrangers souhaitent idéalement voir un nouveau programme du FMI pour le Sénégal, mais avec "des objectifs et des paramètres réalistes", selon Bloomberg. La prime supplémentaire que les investisseurs exigent pour détenir de la dette africaine par rapport aux bons du Trésor américain de durée similaire a baissé ces dernières années, alors que des nations allant du Ghana à la Zambie ont poursuivi des réformes économiques, note l'article. Près d'une douzaine de pays ont sollicité le FMI depuis 2020 pour 69 milliards de dollars de financement.
Cette dynamique positive rend d'autant plus spectaculaire la chute du Sénégal, longtemps considéré comme l'un des pays les plus stables d'Afrique de l'Ouest. L'impasse actuelle avec le FMI et le rejet de toute restructuration placent désormais Dakar dans une situation financière périlleuse, avec un accès aux marchés internationaux désormais verrouillé et des obligations qui se négocient à des niveaux comparables à ceux de pays en défaut de paiement.


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