A son bord : près de 2.000 passagers – des Sénégalais bien sûr, mais aussi d’autres Africains, des Européens, et des Français notamment. Quand le jeudi 26 septembre 2002, le bateau Le Joola quittait le port de Ziguinchor, aucun passager, ni membre de l’équipage à bord, ne pouvait imaginer que c'était le dernier voyage du navire. En effet, dans la nuit du jeudi au vendredi 27 septembre, Le Joola sombrait dans les flots avec plus de 1800 personnes, dont 444 enfants et parmi eux, seulement 64 rescapés. Cela en fait l’une des pires catastrophes de l’histoire de la navigation. Pire que le Titanic même -1.500 morts.
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Que s'est-il passé ?
En quittant Karabane, à quelques encablures de l’embouchure du fleuve Casamance, avec près de 2000 passagers et des tonnes de marchandises à bord, Le Joola se faisait déjà malmener par les vagues et le vent. Arrivé dans les eaux territoriales gambiennes, avec beaucoup de difficultés, selon les témoignages des rescapés, le bateau qui tanguait dangereusement, alors qu’il pleuvait, avait fini par se renverser. L’accident qui est survenu dans la nuit, au moment où il pleuvait, ne donnait aucune chance aux nombreux passagers à bord, coincés au fond de l’eau.
A 22 heures, la vacation radio avec Dakar ne signale rien. Ce sera la dernière. Vers 22 h 30, un grain tropical venant du continent s’abat sur le bateau : pluies violentes et vents pouvant atteindre 35 nœuds (65 km/h). Les passagers exposés des ponts côté tribord se déplacent de l’autre côté pour se mettre à l’abri. Dans le garage, véhicules et cargaison non arrimés ripent également sur bâbord, faisant gîter Le Joola sur son côté gauche. La houle se creuse.
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Incliné sur bâbord, le navire n’arrive pas à retrouver son équilibre. Certains hublots sont restés ouverts et la grande porte arrière du garage n’a pas été complètement fermée. L’angle de gîte s’accentue, l’eau commence à envahir le navire et, en moins de deux minutes, le ferry se couche puis se retourne, quille en l’air, à près de 17 milles nautiques (quelque 30 km) de la pointe de Saniang, enGambie. Il est 22 h 55. Le navire le Joola coule emportant avec lui près de 2000 morts. Mais malgré tout, au moins 64 personnes, dont une seule femme, étaient recensées comme étant les seuls rescapés du drame du bateau Le Joola, le "Titanic africain".
Le naufrage de la justice
Ce drame a endeuillé toute une région, la Casamance, et même tout un pays: Des milliers de familles ont été doublement meurtries : par la perte d’un père, d’une mère, d’un frère ou d’une tante d’abord ; mais aussi, par le déni de justice qui a suivi. Car malgré les innombrables négligences des autorités – de l’armée notamment, qui exploitait le navire -, et en dépit des enquêtes qui les ont mises à jour, il n’y a jamais eu de procès. En 2003, la justice sénégalaise a classé le dossier sans suite en concluant à la seule responsabilité du commandant de bord, disparu dans le naufrage.
Le président Abdoulaye Wade, qui avait promis de faire toute la lumière sur ce drame, a enterré l’affaire. Les espoirs de justice en France ont ensuite été douchés par un non-lieu définitif après des années de procédure. Malgré une enquête aboutie et l'existence de charges suffisantes contre sept responsables sénégalais, les juges ont constaté l'existence d'une "immunité de juridiction" qui leur permettait d'échapper à la compétence des tribunaux français. Un « deuxième naufrage » pour les familles des victimes...
Un Mémorial contre l'oubli
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L'érection d'un mémorial. A Ziguinchor, capitale de la Casamance d'où venait la plupart des victimes est un Musée contre l’oubli. Le Mémorial reste le combat contre l’oubli, la banalisation de ce 26 septembre. Le Mémorial-musée érigé au quartier Ecale sur les berges de Ziguinchor va rappeler aux générations futures. Le musée va garder l’histoire de cette tragédie, la mémoire des disparus, mais aussi les témoignages des rescapés du naufrage. Ses travaux avaient été lancés par les autorités sénégalaises en décembre 2019. 6 ans après, le Musée-mémorial Le Joola est devenu une réalité. L’infrastructure a été inaugurée le 17 janvier 2024 par le Premier ministre de l’époque, Amadou Ba, en présence du ministre de la Culture, Aliou Sow. Son objectif est de lutter contre l’oubli, mais aussi un hommage aux morts de douze nationalités différentes.