L’aspirine, un vieux médicament aux promesses inattendues
Connue depuis plus d’un siècle pour ses effets antidouleur et antiplaquettaire, l’aspirine avait déjà été soupçonnée de protéger contre certains cancers. Des études observationnelles suggéraient un rôle dans la prévention du cancer colorectal, mais les résultats restaient contradictoires. Il manquait un essai clinique robuste pour confirmer son efficacité en situation réelle.
Une étude clinique décisive
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L’essai ALASCCA, conduit dans 33 hôpitaux de Suède, Norvège, Danemark et Finlande, a suivi plus de 3 500 patients opérés d’un cancer du côlon ou du rectum. Parmi eux, environ 40 % portaient une mutation de la voie génétique PI3K, cible biologique de l’aspirine. Ces patients ont reçu soit 160 mg d’aspirine, soit un placebo chaque jour, pendant trois ans.Résultats : le risque de récidive est passé de 14 à 7,7 %, soit une réduction de 55 % (HR 0,49–0,42 selon les sous-groupes). La survie sans progression à 3 ans atteignait 88–89 % sous aspirine, contre 78–81 % avec placebo. La Pr Anna Martling (Karolinska Institutet) souligne : « C’est un exemple clair de médecine de précision, où l’information génétique permet de personnaliser le traitement tout en réduisant coûts et souffrances ».
Dans la vie réelle, un espoir concret
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Imaginons Paul, 62 ans, opéré d’un cancer du côlon et porteur d’une mutation PI3K. Sans traitement additionnel, son risque de rechute en trois ans avoisine 15 %. Avec une simple pilule d’aspirine quotidienne, ce risque tombe autour de 8 %. Un traitement accessible, peu coûteux (˜ 10 centimes le comprimé), mais qui pourrait lui éviter une nouvelle chimiothérapie lourde.
Le cancer colorectal, rappel utile
Ce cancer se développe à partir de polypes de la muqueuse intestinale. Les symptômes incluent saignements digestifs, troubles du transit, douleurs abdominales ou fatigue inexpliquée. Les facteurs de risque sont l’âge (>50 ans), les antécédents familiaux, une alimentation riche en viandes rouges et charcuteries, le tabac et l’alcool. Dépisté tôt (test immunologique ou coloscopie), il se guérit dans 9 cas sur 10.
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Quelles implications pour demain ?
Si les résultats sont prometteurs, les experts appellent à la prudence. L’aspirine n’est bénéfique que pour les patients porteurs des mutations PI3K environ un tiers des cancers colorectaux. Son usage généralisé exposerait inutilement à des effets secondaires (saignements digestifs, hémorragies cérébrales), relevés chez 16,8 % des patients sous aspirine contre 11,6 % avec placebo. Les prochaines étapes incluent un accès plus large au dépistage génétique et une éventuelle révision des recommandations internationales. L’aspirine pourrait ainsi devenir le premier traitement de précision réellement démocratisé. Principalement des saignements digestifs ou cérébraux. Elle est déconseillée aux patients avec ulcère, troubles de coagulation ou allergies.S
SOURCE : PasseportSanté