Pulse logo
Pulse Region

Répression contre les migrants en Turquie : le récit glaçant d'un Sénégalais

France 24 dévoile des vidéos amateurs qui montrent des migrants africains arrêtés par la police turque dans le cadre d'une campagne de répression de l'immigration clandestine. Sur ces images, envoyées par des migrants du Sénégal, du Cameroun, de Guinée et d'Angola, des officiers hurlent sur les migrants et, dans certains cas, les violentent physiquement. Les victimes racontent le calvaire.
Migrants turquie
Migrants turquie

Les autorités turques ont lancé la répression au début du mois de juillet. Dans une interview publiée le 9 juillet, le ministre de l'intérieur, Ali Yerlikaya, a déclaré que la lutte contre l'immigration clandestine était l'une de ses priorités et que la police d'Istanbul et des 81 provinces de Turquie intensifiait ses efforts pour arrêter et détenir les personnes se trouvant illégalement dans le pays.

À Istanbul, la police a ainsi entamé le 4 juillet une série d'opérations de ratissage de soir et de nuit, en se concentrant sur les lieux de sorties et les espaces publics. Elle affirme avoir arrêté 3 535 personnes au cours de la première semaine, soupçonnées d'être entrées illégalement en Turquie, d'avoir travaillé sans autorisation ou d'avoir dépassé la durée de validité de leur visa.

Des vidéos amateurs filmées à Istanbul le 17 juillet 2023 montrent des policiers turcs arrêtant et interrogeant des migrants africains lors d'une opération de répression de l'immigration clandestine. Les vidéos envoyées à la rédaction des Observateurs par des migrants africains vivant en Turquie suggèrent un comportement violent de la part de la police.

Une vidéo envoyée par des migrants du Sénégal et de Guinée montre la police plaquant au sol un homme africain au milieu d'une foule. Les policiers ne portaient pas d'uniforme, mais des menottes. La victime a demandé son téléphone à plusieurs reprises, ce qui a mis en colère le policier qui le maintenait au sol. Le policier lui a crié dessus et l'a ensuite giflé.

Dans cette vidéo, envoyée par des migrants africains aux Observateurs de France 24 via WhatsApp et également postée sur Twitter, on voit le propriétaire d'un salon de coiffure sénégalais se faire gifler par un policier turc après avoir été arrêté pour un contrôle d'immigration. L'homme sénégalais a déclaré aux observateurs de France 24 que son permis de séjour était en cours de renouvellement.

L'incident a eu lieu à Istanbul le mercredi 19 juillet 2023. En utilisant les images disponibles sur Google Maps, notre rédaction a pu déterminer que l'incident s'est produit à l'entrée du centre commercial souterrain AVM. Plusieurs migrants subsahariens vivant à Istanbul ont confirmé l'endroit. Le quartier environnant, Aksaray, regorge de magasins de vêtements et d’alimentaire tenus par des Africains.

"Chaque fois que des policiers me voient, ils me demandent mes papiers"

France 24 a réussi à identifier et à contacter l'homme que l’on voit dans la vidéo : il s'agit de Mohamed Preira, un Sénégalais qui s'est installé en Turquie en 2019 et qui possède un salon de coiffure à Aksaray. Il déclare qu'il se rendait à son salon lorsqu'il a été arrêté par la police et avoir assuré aux agents ne pas avoir de permis de séjour sur lui parce qu'il était en cours de renouvellement.

« Ils ont pris mon téléphone et mon argent. Ils m'ont mis dans une voiture et m'ont conduit à un endroit où ils m'ont laissé partir. Eux-mêmes savent qu'ils n'ont pas le droit de m'arrêter. Mais je ne peux même pas porter plainte contre eux. J'ai déposé mes documents [pour renouveler mon statut de résident] et on m'a donné un reçu. Je suis en train d'obtenir les documents pour avoir le droit de vivre ici.

«Ce n'est pas la première fois qu'on m'arrête. Chaque fois que des policiers me voient, ils me demandent mes papiers. Mais ces policiers étaient tout simplement racistes. Maintenant, tout mon corps me fait mal », a-t-il révélé.

Avant d’ajouter : « J'ai mon propre salon de coiffure à Istanbul. Je paie mon loyer. Mais la situation s'est aggravée, les contrôles sont de plus en plus nombreux. Maintenant, j'envisage de retourner au Sénégal. Vivre dans un autre pays, sans argent, c'est trop dur. » Plusieurs autres migrants africains témoignent : "Nous avons été traités comme des criminels parce que nous n'avons pas les papiers qu'ils refusent de nous donner”

En novembre 2022, un rapport de Human Rights Watch estimait que les migrants détenus en Turquie sans papiers étaient souvent incarcérés dans des centres de détention surpeuplés, sans accès suffisant à une assistance juridique et à leurs familles. "Cédric" (pseudonyme) un Camerounais qui a parlé à France 24 sous couvert d'anonymat, a été arrêté à Istanbul en décembre 2022 alors qu'il attendait une mise à jour de son statut de résident.

« Nous étions 12 à être détenus dans des chambres prévues pour six personnes. Nous étions censés avoir le droit de parler à nos familles, mais ils ont pris nos téléphones. Les conditions étaient horribles. J'ai vu beaucoup de suicides. Nous avons été traités comme des criminels parce que nous n'avions pas les papiers qu'ils refusaient de nous donner. Ils ne nous permettent pas d'avoir nos propres avocats. Ils ne vous laissent voir que leurs avocats. »

“Cédric” raconte qu'il a été autorisé à quitter le centre au bout de deux mois et qu'on lui a remis un document qui l'autorisait uniquement à vivre à Bartin, une petite ville située à 400 km d'Istanbul. Mais il n'est pas resté : "Il n'y avait pas d'opportunités là-bas et les gens étaient racistes, alors je suis retourné à Istanbul” dit-il.

Au cours des deux dernières années, les demandes d'asile n'ont pas été acceptées, que l'on soit un migrant régulier ou irrégulier. Ces dernières années, et pendant les élections [de mai 2023], il y a eu un débat. Le gouvernement actuel et l'opposition affirment qu'ils expulseront tous les réfugiés.  Les migrants de toutes nationalités sont confrontés à de nombreuses violations des droits de l'Homme. Je reçois des plaintes, mais comme ces migrants ne sont pas correctement enregistrés, ils ne sont pas en mesure de déposer des plaintes et de contacter des ONG.

Prochain Article