Ce lundi 1er mai 2023, est fêtée la Journée Internationale des Travailleurs dans de nombreux pays du monde y compris au Sénégal où le chômage étreint dangereusement une grande partie de la population. Trouver un emploi digne et subvenir à ses besoins, c’est le rêve de tous les jeunes. L’une des principales faiblesses du Sénégal reste donc l’emploi et plus précisément celui de cette frange de la population. Dans son plan de développement national, le gouvernement du Sénégal s’est engagé à créer chaque année 100.000 à 150.000 emplois décents, productifs et rémunérateurs à travers la promotion des investissements publics à haute intensité de main-d'œuvre et l’amélioration du suivi du marché du travail selon un rapport publié par l’ONG d’Afrobarometer (République du Sénégal, 2014).
Le problème des capacités d’employabilité des jeunes sénégalais reste un problème majeur dans la bonne marche de l’économie du Sénégal. Le faible niveau des formations a en effet un impact direct sur les chiffres du chômage, et plus encore sur la compétitivité des entreprises qui n’arrivent pas à avoir une ressource humaine qualifiée. L’insertion et l’emploi des jeunes restent ainsi un défi majeur pour l’Etat.
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Ainsi, l’emploi occupe une place importante dans le programme du gouvernement actuel pour répondre aux attentes des Sénégalais. Toutefois, il subsiste des défis à relever dans ce domaine. Sur le terrain, le constat reste très amer. Des jeunes qui se cherchent et des offres d’emplois quasi-inexistantes. Si l’Etat du Sénégal s’est engagé à apporter des solutions sur cette question, les jeunes ne manquent de mentionner des points noirs de la « politique menée » à ce niveau. Birama Ka est étudiant en Master à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion (FASEG). Très critique face à cette situation que vive les jeunes, il estime que la création d’un cadre industriel peut être une solution.
« On ne peut pas dire que c’est possible de lutter totalement contre le chômage des jeunes, car le Sénégal n’est pas un payé développé. Par contre, l’Etat meut mettre en œuvre des activités permettant aux jeunes de trouver de l’emploi. L’Etat doit mener une politique d’industrialisation pour accroitre l’insertion des jeunes même ceux qui n’ont pas de qualifications spécifiques », a indiqué Birama Ka.
Inadéquation entre formation et demande d’emploi
Selon toujours le rapport d’Afrobarometer publié 2021, le chômage est plus prononcé en milieu urbain et chez les jeunes, les femmes et les plus instruits. Bien que le taux de chômage soit en baisse, les Sénégalais jugent plutôt négatives les performances du gouvernement en matière de création d’emplois et de prise en compte des besoins de jeunes. A en croire, l’étudiant à la FASEG, cette situation s’explique par l’inadéquation entre les offres de formation et des demandes d’emploi. Ce qui demeure ainsi une préoccupation majeure. Il apparait un véritable déséquilibre entre l’offre et la demande d’emploi qui ne permet pas de répondre aux besoins de main d’œuvre des entreprises.
« Ce n’est pas facile d’avoir un travail au Sénégal. Si trouver un stage est un problème, je ne pense pas qu’obtenir un emploi soit une chose facile sans la qualification requise. C’est ce que mes camarades étudiants ont l’habitude d’endurer et c’est très difficile. Dès fois, on a besoin d’un petit job mais, c’est difficile », déplore cette étudiante de la FASEG qui s’est prononcée sous le sceau de l’anonymat. Ce déséquilibre se manifeste par des offres d’emploi non-satisfaites en raison de qualifications et de profils inadaptés, ou indisponibles localement sur le marché du travail.
Son camarade Birama Ka partage le même point de vue. Seulement, il indique qu’il y a un chômage volontaire chez certains jeunes : « Il y a beaucoup de jeunes diplômés qui, après leur cursus, n’ont où travailler. Il y a des jeunes qui ont un certain niveau d’études et ne veulent pas travailler pour des postes considérés inferieurs à leurs rangs. Je pense qu’on peut commencer au plus bas de l’échelle et échelonner avec le temps petit à petit ».
Des chiffres alarmants !
Pour les Sénégalais, le chômage vient à la tête des problèmes les plus importants auxquels le gouvernement devrait s’attaquer, suivi par la santé et l’éducation. Les jeunes sont les plus préoccupés par le problème du chômage. La majorité (51%) des adultes sénégalais n’ont pas d’emplois et ne sont pas à la recherche d’emplois. Un peu plus du tiers (35%) occupent un emploi salarial. Seul 14% des citoyens indiquent qu’ils sont chômeurs. Le chômage touche plus les femmes (17%), les citadins (18%), les jeunes (19%) et les plus instruits (26%) d’après l’étude de l’ONG.
Cette situation a permis la création d’un cadre de lutte autour d’un collectif. Il s’agit du Regroupement des diplômés sans emploi. Son coordonnateur Yves Nzalé estime que la situation des jeunes est critique et alarmante. Selon lui, les chiffres présentés par l’Etat sont en contradiction avec l’Etat et qu’il n’y a pas de politique sérieuse de lutte contre le chômage : « Il faut avoir un travail digne pour pouvoir subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Au Sénégal, une personne qui travaille prend en charge plusieurs autres personnes. Chaque année, l’Etat avance des chiffres qui sont contestables et contestés. Sur le marché de l’emploi, il y a plus de 300 000 demandeurs d’emploi chaque année et moins de 80 000 arrivent à trouver un emploi dans le public et le privé ».
Le chômage ne diminue pas au Sénégal. Les mesures prises par l’Etat n’ont pas encore eu les effets escomptés. La dernière enquête, publiée par l’ANSD sur l’emploi au quatrième trimestre 2021, estime le taux de chômage à 24,1%, soit une hausse de 7,8 points de pourcentage par rapport à 2020. L’enquête révèle aussi qu’il « varie selon le milieu de résidence, avec un niveau de 57,2% en milieu urbain contre 54,3% en milieu rural ». Les auteurs de l’enquête renseignent que le taux d’activité « est plus élevé chez les hommes (64,5% contre 48,8% pour les femmes) ».
Le coordonnateur du Regroupement des diplômés sans emploi note que le problème est persistant. A l’en croire, cela a un impact sur la vie sociale des jeunes à travers de nouvelles tentations dangereuses : « Avec la Covid-19 et la guerre en Ukraine, les choses se sont aggravées. Il y a absence d’activités impliquant une absence de revenus. Ce qui a une répercussion sur la vie sociale. Les jeunes sont aujourd’hui désemparés c’est pour cela qu’ils prennent la mer (immigration clandestine) et il y a également la montée de la violence ».
La lutte contre le chômage constitue une préoccupation majeure pour les gouvernements, en particulier dans les pays en développement. Plusieurs études ont montré que le chômage a un effet négatif et significatif sur l’inflation, la croissance économique ainsi que les investissements directs étrangers.