Découverte : Thierno Souleymane Baal, le révolutionnaire !

Thierno Souleymane Baal est un lettré musulman, Peulh torodo et chef de guerre du XVIIIe siècle, grande figure du Fouta Toro, une région située au nord de l'actuel Sénégal.

Thierno Souleymane Baal

C'est le père de la révolution maraboutique qui a conduit le Fouta vers un nouveau cadre politique démocratique et religieux. La charte qu'il a laissée en héritage résume son intuition globale. Ce livre expose les concepts qui ont autorisé cette nouvelle identité et les mobiles de la négation de la charte de Souleymane Baal.

Au 18e siècle, Thierno Souleymane Baal a mené la plus grande révolution du Fouta, connue sous le nom de Révolution torodo. Surnommé le Briseur du mouddo horma (paiement d’une dîme aux maures), Thierno Souleymane Baal est décrit comme un homme pieux, intègre, humble et dont l’action a permis d’instaurer au Fouta une institution solide reposant sur l’imamat. Grand intellectuel et homme d’éthique, il a combattu dans le Fouta la corruption, l’impunité, l’enrichissement illicite et la dévolution monarchique du pouvoir pour asseoir l’audit, la transparence, la déclaration de patrimoine, la reddition des comptes, la compétence, l’efficacité.

Thierno Souleymane Baal, meneur de la révolution de 1776, est né à Bodé, dans la région du Toro (actuel département de Podor) vers les années 1720. Issu d’une famille maraboutique, celle de Thierno Aso, le père de Thierno Souleymane Baal était nommé Boubacar Ibrahim et sa mère Maïmouna Oumou Dieng. Il débuta sa formation au sein de sa famille avant de partir en Mauritanie.

« Il séjourna longtemps dans l’école de Cheikh Fadel en Mauritanie et se maria même avec une Maure, mère de son fil Boubacar Souleymane », renseigne le Professeur Mamadou Youri Sall dans son article Les recommandations de Ceerno Sileymane Baal, fondateur de l’Almaamiyat (1770-1880). A son retour, il ira approfondir ses connaissances à l’école supérieure de Pire à l’instar de plusieurs de ses amis qui ont suivi Amar Fall au Cayor. L’étape de Pire sera suivie par un séjour au Fouta Jallon, où Karamoko Alfa avait déjà fini de lancer sa révolution.

Le Briseur du « mouddo horma »

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Né dans un contexte où les habitants du Fouta payaient un lourd tribut devant l’hégémonie des Maures, Thierno Souleymane Baal sera le briseur de cette longue tradition. Les luttes intestines qui opposaient les princes deniyankés, prétendants au trône, rendaient instable et précaire le régime. Perpétuellement agressés par les Maures, ils vivaient au Fouta de façon infernale. « Chaque clan régnant s’alliait à une fraction de Maures pour se renforcer. Des étrangers s’arrogeaient ainsi le droit de s’immiscer dans les affaires intérieures du Fouta, réclamant le versement d’importants tributs, en plus du mouddo horma, un autre tribut en mil que chaque famille devait verser », rapporte-t-on.

A la tête de 12 érudits dont Abdel Kader Kane, Thierno Souleymane a libéré le Fouta en 1776 d’un triple joug, à savoir la tyrannie de la dynastie des Deniyankobés qui a duré pendant plus de deux siècles, la domination des Maures qui avaient imposé au Fouta l’acquittement d’un tribut annuel (mouddo horma) équivalant, selon Alla Kane, à 5kg d’or et l’esclavage. Dans un article portant sur Cheikh Ahmadou Bamba Khadimou Rassoul et Thierno Souley­mane Baal, Alla Kane identifie « deux très grandes personnalités qui ont fortement marqué l’histoire du Sénégal, et qui ont été d’un apport inestimable dans le cours de son évolution historique… »

Les recommandations de Thierno Souleymane Baal

D’autres sources rapportent comment il a libéré un esclave des mains de ses bourreaux. Après avoir chassé les Maures des territoires du Fouta, sécurisé la région, Thierno Souley­mane Baal convoqua à Thilogne (Horéfondé) une Assemblée générale des oulémas et notables du Fouta et formula des recommandations qui consistaient à organiser les affaires dans la cité :

1. Le Fouta est un et indivisible, le fleuve n’est pas une frontière, car c’est la même population peule qui habite sur les deux rives. Il va de Dagana à Njorol, de Hayré Ngal au Ferlo ;

2. L’égalité de tous devant la justice ;

3. Les chefs de village et de province, assisté des qaadis, connaîtront les affaires locales, conformément aux prescriptions islamiques,

4. Les conflits entre les collectivités voisines sont soumis à l’arbitrage de l’Almamy qui prononce le jugement ou indique la marche à suivre pour régler le différend ;

5. Tout individu a droit d’appel auprès de l’Almamy s’il se sent lésé par un chef ou par un jugement ;

6. L’impôt, le produit des amendes et tous les revenus doivent être utilisés à des actions d’intérêt général ;

7. L’Almamy responsable de la défense peut requérir les services de tous les hommes valides à cette fin ;

8. Orphelins, enfants et vieillards doivent être protégés ;

9. Le titre royal de Satigi est banni, le nouveau chef portera désormais le titre d’Almamy ;

10. L’Almamy doit être désigné par le collège des grands électeurs venant des 6 provinces du Fouta. Cette décision doit être entérinée par le congrès des Foutankobés.

Il n’eut malheureusement pas l’occasion de parachever son œuvre. Il mourut en 1776, en combattant contre les Maures, menés par Ulad Abdallah dans le Jowol, laissant Abdoul Kader Kane, le premier Almamy du Fouta poursuivre la mission. Miné par des guerres des successions, l’Etat théocratique s’effondra un siècle après, mais on continue de chanter au Baal de Thierno Souleymane.

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