Drame de Sikilo : un mois après, les survivants racontent l’horreur

Un mois après le tragique accident de Sikilo ayant occasionné 42 morts, les survivants, interrogés par L’OBSERVATEUR retracent la nuit de l’horreur.

Un violent accident a occasionné la mort d'au moins 39 personnes, dans la nuit du samedi 7 au dimanche 8 janvier 2023, à Kaffrine (centre-ouest du Sénégal).

Mama Sow, 29 ans : « il m’a fallu un marabout pour retrouver le sommeil »

Domiciliée au quartier Gourél Diadji de Tambacounda, Mama Sow fait partie des victimes de Sikilo. Il traîne toujours avec ses deux jambes fracturées, une poitrine percée par une barre de fer d’un des véhicules. Pour l’aider à retrouver le sommeil, sa famille a loué les services d’un marabout. « Je suis une étudiante diplômée en agronomie. Le jour du drame, c’est à hauteur de la station d’essence de Diamniadio que j’ai pris le bus du chauffeur Baye Moussa Sèye qui se rendait à Diaobé. Pendant le trajet, il m’arrivait par moments de me retrouver dans un sommeil profond. Arrivée à Sikilo aux environs de 3 heures du matin, j’ai été brusquement réveillée par un grand bruit causé par le choc frontal des deux bus. Sur place, c’était la panique totale et une situation indescriptible dans le noir. Les gens priaient de partout. Subitement, je ne sentais plus mes jambes et j’ai aussitôt pensé que cela était dû à la peur qui m’a complètement tétanisée. Quand j’ai retrouvé un de mes téléphones portables dans une des poches de ma robe, j’ai appelé mon grand-frère. Je lui ai raconté l’accident avant de lui expliquer mon incapacité à bouger mes jambes. Ce dernier, un policier en service à Mbour, a tenté de me rassurer. C’est à l’hôpital Thierno Birahim Ndao de Kaffrine que les médecins m’ont révélé que mes deux jambes sont fracturées. J’avais également une grande plaie ouverte au niveau de la poitrine causée par une barre de fer d’un des bus. En plus d’une autre plaie au front. J’avoue avoir véritablement souffert sur les lieux de l’accident. Je n’ai jamais pensé me relever un jour de cet accident. D’ailleurs, depuis lors, les médecins m’ont planté des fers dans les deux jambes. A l’hôpital de Kaffrine, au moment de nous libérer, les autorités sanitaires ont catégoriquement refusé de nous rembourser les frais de nos ordonnances, comme l’a si bien indiqué le président de la République, quand il était venu nous rendre visite. Et malheureusement, aujourd’hui, je me retrouve sans aucune assistance. On n’a reçu que la somme d’un (1) million de Fcfa que m’a octroyé le chef de l’État. Depuis ce drame de Sikilo, je passe des nuits entières sans pouvoir fermer les yeux. Je suis complètement traumatisée par les horribles images de l’accident qui ne cessent de défiler dans ma tête. J’ai vu des victimes avec certaines parties du corps amputées. Avant d’être par la suite ramassées et mises en sachet par les éléments des sapeurs-pompiers. Finalement pour me permettre de retrouver le sommeil, ma mère et mon frère se sont attaché les services d’un marabout qui m’a donné des bains mystiques. Ce qui me permet désormais de dormir tranquillement. Mais, je n’oublierai jamais cette tragédie de Sikilo.»

Dieynaba Camara : « Ce qui m’a peut-être sauvé la vie… »

Âgée de 37 ans, elle traîne cependant avec une double fracture de son bras gauche. Mais aussi une déchirure grave à sa jambe gauche. Agent municipal travaillant pour la société Fera (Fonds d’entretien routier autonome), elle est domiciliée au quartier «Camp Navétanes» de Tamba.

« Je faisais partie des passagers qui voyageaient à bord du bus qui a quitté Dakar et conduit par Baye Moussa Sèye en partance pour le célèbre marché hebdomadaire de Diaobé. Je l’ai affrété à hauteur du croisement Kaolack de la ville de Mbour, pour me rendre à Tamba. J’étais plongée dans un sommeil profond quand j’ai entendu soudainement un grand bruit provenant du choc frontal des deux bus. Sur place, tout s’est passé très vite et d’une manière extraordinaire. Dans le noir, on sentait le sang couler de partout. Au moment de la tragédie, j’occupais le siège arrière du bus. Ce qui m’a peut-être sauvé la vie. Car la violence du choc était moins grave à ce niveau comparé aux premières places du bus. Néanmoins, je m’en suis sortie avec une double fracture de mon bras gauche, en plus d’une déchirure de ma jambe du même côté. Sur place, j’ai vu des gens coincés entre les deux bus se vidant abondamment de leur sang. Sans aucun secours. Beaucoup d’entre eux ont fini par rendre l’âme sous les décombres. Je n’oublierai jamais ces images atroces de cet accident mortel. Et jusqu’ici, malgré les médicaments que je prends, il m’est impossible d’oublier cet accident, surtout quand j’entends les gens parler d’un autre accident. A part les soins que les médecins de l’hôpital de Kaffrine m’ont prodigués et l’enveloppe du chef de l’Etat contenant la somme d’un (1) million de Fcfa, je ne bénéficie d’aucune autre assistance. Encore moins de suivi psychologique. Pourtant, il m’arrive des fois de faire des cauchemars ou des rêves bizarres qui me font toujours penser à cette tragédie de Sikilo. Seule ma famille m’assiste et m’accompagne dans cette difficile période. Ici, à Tamba, je n’ai reçu la visite d’aucune autorité locale. La seule et unique autorité que j’ai vue à mon chevet, est le maire, Pape Banda Dièye. Et cela, c’était une seule fois à Kaffrine, juste après l’accident. Néanmoins, je rends toujours grâce à Dieu qui m’a encore accordé la vie, tout en me permettant de me prendre en charge »

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