Gambaga, dans le nord du Ghana : Gîte d’accusées de sorcellerie [Reportage]

Par Diomma Dramé | Elles sont des boucs émissaires dans leurs familles ou dans leurs communautés. Et elles ont trouvé refuge au camp de Gambaga, une ville située au centre du Ghana. Ici elles n’ont plus que les souvenirs de ce qu’elles ont vécu avec leurs proches avant d’être jetées dehors.

Gambaga, au nord du Ghana, gîte d’accusées de sorcellerie

Kambio Sogona a été jetée comme un sac poubelle dans la rivière. Wouni Gunnah a traversé une rivière à la nage pour échapper à la mort. Il faut aller jusqu’à Gambaga, au centre du Ghana pour entendre ces bribes de vie. Gambaga est une ville située à environ deux heures de route de Tamale, une région située au Nord du Ghana. C’est ici, qu’une équipe de journalistes, conduite par les responsables de Media plateform on environnement and climate change (Mpec) a effectué une visite de terrain.

À première vue, la vie semble belle car le visiteur est accueilli par des chants de femmes âgées, rythmés par des battements de mains. Elles sont réunies sous un bâtiment surmonté d’un toit en zinc, entourées de grappes de cases. Si le chant est harmonieux et peut inviter à la danse, l’histoire qu’il raconte fait froid dans le dos. Il s’agit d’individus, pour la plupart des femmes, accusés d’avoir mangé l’âme d’une personne ou au moins de l’avoir tenté sans réellement y parvenir. À travers Donc, Gambaga est tout simplement un camp de sorcières.

Dans le camps, survivent 93 femmes bannies de leurs communautés. Elles sont toutes accusées de sorcellerie. « Même voir en rêve une personne peut être le début d’une dénonciation », déclare Samson Laar. Il est le coordinateur du Go Home Project qui est une initiative de l’Église presbytérienne ghanéenne. Cette dernière a pour objectif de permettre aux femmes chassées de leurs villages de pouvoir les réintégrer ou à défaut, d’avoir la vie sauve. Le coordinateur qui, à force d’être le relais et le porte-voix de ces pensionnaires, est surnommé « le père des sorcières » dans la localité. Un surnom qui le laisse de marbre. Il s’en amuse d’ailleurs. Il connaît l’histoire de chacune des femmes, qu’il s’empresse de narrer avec moult détails aux visiteurs.

« Vous voyez cette dame, elle s’appelle Kambio Sogona, elle a marché deux semaines pour rallier le camp», raconte Samson Laar, en désignant de la main une vielle femme, presque recroquevillé sur son siège. « Elle a été jetée comme un sac poubelle, dans la rivière, dans le village de Sabani situé à cinq heures de route du camp, à l’Est du Ghana, par des membres de sa communauté qui l’accusent d’être à l’origine de la maladie d’un des enfants de son voisin. Elle a survécu et a marché dans la forêt pendant deux semaines, pour rallier le camp. Malheureusement, son corps frêle et âgé ne s’est pas totalement remis de ces épreuves, elle est devenue aveugle et maladive », narre Samson.

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Aussi horrible que puisse être son histoire, Kambio Sogona a eu plus de chance qu’une de ses compatriotes qui a été lynchée et brulée vive dans son village, selon Samson Laar.

Mère de six enfants, Wouni Gunnah, une autre dame dans la même tranche d’âge vivant au camp, a failli subir le même sort. Elle a traversé une rivière à la nage pour échapper aux villageois qui l’accusent de sorcellerie. « Je dormais dans ma chambre lorsque mon mari a frappé à la porte. Il m’a demandé de me lever. Puis, il m’a accusée d’être responsable de la maladie de ma coépouse. Mes enfants étaient jeunes en ce moment. Mon frère avait lui aussi ses propres problèmes. Malgré tout, je me suis rendue chez lui. Arrivée chez mon frère, je me rends compte qu’il commençait à subir des pressions. Alors, j’ai pris la décision de venir dans ce camp où je bénéficie de la protection du chef », témoigne Wouni Gunnah qui dit n’avoir plus de nouvelles de ses enfants.

Kolugu Tindana est, elle, originaire de Zarantenga, dans le nord-est du Ghana, à trente minutes de route de Gambaga. « Je suis commerçante. De retour du marché, on me dit que le frère de mon mari me cherche. Il me dit qu’une femme du nom de Linda m’a vue en rêve. Par conséquent, je devais quitter le village et rejoindre le camp des sorcières. J’ai saisi la Police, sans succès. Quand je suis venue à Gambaga, le chef m’a demandé de rentrer. De retour, le frère de la dame m’a frappée avec une barre de fer. Après, je suis revenue ici pour vivre sous la protection du chef », narre-t- elle.

Le camp compte plus de femmes que d’hommes. Cette situation n’est pas fortuite affirme Samson Laar. Les hommes se vantent de leurs pouvoirs à qui veut l’entendre et parfois se lancent un défi. Mais personne ou très peu ose les dénoncer. Par contre, du côté de la femme, il suffit d’une petite rumeur ou d’une dénonciation pour que la population se déchaine sur elle, selon les dires.

Cette facilité à bannir, fait que beaucoup de femmes, selon certains observateurs sont dénoncées par des coépouses ou des parents proches pour ne pas partager un héritage à la mort de leurs conjoints. Pour d’autres, c’est une manière de solder des comptes avec la personne qu’ils vont accuser de sorcellerie, raconte Samson Laar.

Ces femmes ont pu échapper à la mort en quittant leurs communautés, n’empêche leur vie dans le camp n’est pas des meilleures. Leur univers se limite à quelques minuscules cases d’à peine trois mètres carrés, surmontées de toits en pailles et regroupées en concession. Il n’y a ni eau courante, ni électricité. L’endroit donne des airs de prison à ciel ouvert. Le camp de Gambaga a été créé en 1900 par un marabout du nom du nom de Baba Mouhamed. Ce dernier a transféré sa gestion, quelques années plus tard, au chef coutumier. Depuis lors, ce dernier réputé être un exorciste accueille ces femmes en leur garantissant sécurité, toit et autres besoins vitaux.

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*Cet article a été rédigé par Diomma Dramé, journaliste reporter

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