C'est une pilule qui ne passe pas dans la mesure où l'intéressé est allé lui-même au tribunal, prenant ses dispositions, comme il le fait depuis un bon moment. Avec la foule qui l'accompagnait et le soutien dont il bénéficie, il est évident qu'il pouvait rentrer en toute tranquillité, à moins qu’il ne soit victime d’une provocation ou d’une volonté manifeste de ne pas le laisser goûter à nouveau aux délices des bains de foules et des exclamations qui le poursuivent partout.
Qu’est-ce qui a été à l’origine de l’arrestation musclée et brève d’Ousmane Sonko le 16 février dernier ? Difficile de répondre de manière catégorique à cette question même s'ils sont nombreux à spéculer. La version selon laquelle c’était pour assurer sa sécurité prend son chemin. Mais elle résiste difficilement à la critique.
Lire Aussi
C’est d’autant plus réel que l’opposant a été empêché de sortir de chez lui pour tenir une conférence de presse et il n’a pas pu aller le même jour à l’ambassade des États-Unis pour répondre à une invitation. Quand Ousmane Sonko qui venait du tribunal et bruyamment accompagné vers sa résidence de la cité Keur Gorgui par une procession joyeuse et enthousiaste, a été tout à coup, stoppé nette par des éléments d’élite des Forces de défense et de sécurité (Fds).
Quand celles-ci demandent à Sonko de sortir de sa voiture pour les suivre. Quand les éléments cassent l’une des vitres arrières. Quand l’opposant est arrêté, quand son avocat Me Ciré Clédor Ly avec qui il était dans le véhicule est malmené. La situation s’aggrave. Les dérives s’exposent car toute la scène peu ordinaire a été filmée en live. Des moments inédits et dramatiques. D’un côté des policiers qui font montre d’un zèle mal contenu. De l’autre un homme calme et stoïque qui n’a même pas été dérangé par les morceaux de verre déversés sur lui.
Des méthodes qui perdurent…
En mars 2021, c'est sur la route le menant au tribunal qu'il a été arrêté. On lui avait reproché des troubles à l'ordre public. Le juge Mamadou Seck qui l'attendait dans le cadre de l’affaire du présumé viol, ne le verra jamais. Il a été gardé à vue à la gendarmerie de Colobane . Les graves manifestations qui ont suivi cette arrestation ont poussé les autorités à le relâcher. Le 16 février 2023, il a été arrêté à son retour du tribunal et « déposé chez lui ». Deux images d’arrestation qui ne font que renforcer un opposant qui sait exploiter à bon escient les « occasions en or ».
La sérénité avec laquelle il a accueilli les forces de l’ordre venues le cueillir arrose un leadership et une popularité au sein d’une frange importante de la société notamment les jeunes. La brutalité déployée pour stopper son convoi, est indigne d’une démocratie. Elle met en lumière une passion vive qui ne peut qu’attiser une tension déjà incandescente. Les images moches sont virales. Elles font le tour du monde. L’image du Sénégal est défigurée par des forces de défense et de sécurité et les donneurs d’ordre juste pour « accompagner » un opposant chez lui.
La vitrine démocratique du Sénégal est encore cassée. Elle s’était craquelée depuis longtemps. Macky Sall et ses collaborateurs doivent savoir que les méthodes irréfléchies ne peuvent pas produire les résultats espérés. De la radiation aux accusations de viol et aux autres accusations les plus farfelues les unes que les autres il est là toujours là même s’il est loin d’être exempt de reproches. Les méthodes qui perdurent ne font que l’engraisser, disions-nous depuis 2016. Des actes qui ne font que mettre en exergue une crise qui secoue les fondements d’un État déréglé.
« Le président Macky Sall a le pouvoir de prendre toute mesure d’urgence utile pour apaiser la situation politique qui a atteint un niveau de violence et de tension inquiétant pour la stabilité. C’est la voie de la sagesse et du pragmatisme pour négocier ce tournant historique important du pays ». Alioune Tine ne sait pas si bien dire. L’apaisement est le remède contre la passion aveugle. Il faut vite agir ici et maintenant.