Chiens noirs pour des rituels mortels : révélation sur un nouveau business du maraboutage
"Une célèbre autorité politique m'a contactée pour un chien tout noir"
Le business des chiens "all black" est une réalité au Sénégal. Un commerce d’ombres, nourri par des rites obscurs, des sacrifices et des pactes silencieux aux conséquences humaines dévastatrices. Derrière chaque demande, enseigne-t-on, se dessine une chaîne de sacrifices parfaitement huilée, où le chien n’est qu’une offrande, l’argent un appât redoutable, et le vendeur, souvent sans en avoir conscience, une simple pièce exposée aux retombées d’un pacte invisible aux effets irréversibles.
CEO de ImdKannels, éleveur canin depuis dix-sept ans, figure respectée dans le milieu, habitué aux clients exigeants, raconte qu'il reçoit des demandes de vente de chiens noirs quatre à cinq fois par semaine. "Les appels viennent du Sénégal, du Mali, de la Gambie, parfois d’ailleurs dans la sous-région. Le procédé est immuable. On commence par demander les races disponibles. Puis, très vite, la discussion glisse vers la couleur. Noir. Un noir absolu. La particularité de la requête, c’est l’esthétique du chien", explique-t-il.
Un chien all black vendu à 3,6 millions de FCFA
"Un jour, une célèbre autorité politique qu’il connaît personnellement le contacte directement. Sans intermédiaire. Le ton est cordial. Presque banal. On parle de chiens, de disponibilité, de délais. Puis vient la précision décisive : un 100 % all black, sans préférence réelle pour la race. Seul le noir compte. Intrigué, l’éleveur insiste. Pourquoi cette exigence ? La réponse est sèche : «C’est ce qui m’intéresse.» Quelques jours plus tard, le marché est conclu. Le berger allemand à poil long et sombre devra être livré sous peu. Une somme de 3,6 millions de FCFA est virée sur son compte sans négociation. Tout va trop vite. Trop facilement.
Les chiens tout noirs utilisés pour attirer richesse, pouvoir ou notoriété
Les chiens tout noirs seraient utilisés pour des immolations sacrificielles destinées à attirer richesse, pouvoir ou notoriété. Le sang servirait à écrire des invocations. La peau deviendrait support de prières et d’invocations. La tête pourrait être utilisée pour un sortilège d'amour ou rendre une personne folle, la condamnant à mourir dans les 49 jours. Depuis cette prise de conscience, le CEO d’ImdKannels est catégorique. Désormais, seuls des éleveurs de confiance, dans un cadre strictement professionnel, pour des croisements, peuvent en acquérir auprès de son entreprise.
Des offres jusqu’à 20 millions pour une fortune pouvant atteindre 400 millions de FCFA avec un seul chien sacrifié
Le business, lui, ne ralentit pas. Bien au contraire, il prospère en coulisses. Un chien all black peut se négocier entre 6 et 7 millions de FCFA, ou davantage. Certains éleveurs les collectionnent, attirés par les offres colossales qu’ils ne gagneraient pas en plusieurs années. Et pourtant, le plus effrayant dans ce business reste encore la chaîne de valeurs. Papa, dresseur depuis 2006, raconte l'histoire d'un Malien prêt à monter jusqu’à 20 millions de FCFA pour un chien, après avoir envoyé des intermédiaires sénégalais se disputer leur commission devant lui. «J’avais réclamé 1,5 million aux deux intermédiaires. C’est au cours de leur engueulade que j’ai compris qu’il leur avait remis 12 millions FCFA.» Lorsque l'éleveur a interrompu le processus, le prospect a passé un coup de fil direct pour surenchérir. «J’ai refusé. Quand l’argent arrive trop facilement, la méfiance naît.»
Avec un chien noir, certains féticheurs promettent jusqu’à 400 millions de FCFA. Le succès intervient à l’issu d’un processus délicat. Entre le moment où le chien change de main et celui où il disparaît, il existe un territoire opaque, rarement décrit, jamais documenté. Du vendeur au lieu d’exécution de la bête, en passant par les vœux murmurés et ce revers de la médaille toujours garanti, la trajectoire reste volontairement floue.
Les révélations terrifiantes des féticheurs
Diarra, féticheur malien établi entre le Sénégal et son pays d’origine,raconte : «Oui, le chien noir… on l’utilise pour le pouvoir, pour l’argent. Ça se fait en forêt», dit-il, sans préciser où ni comment. Interrogé sur les éléments employés, il énumère à voix basse, comme s’il cochait une liste qu’il préfèrerait oublier: «le sang… la tête… la peau… parfois la viande… même la crotte…» Puis il s’arrête net. «Tout dépend du vœu», glisse-t-il, avant de refermer aussitôt la porte. Sur un point, en revanche, Diarra insiste : «Ce genre de pouvoir ne dure jamais. Jamais. Il peut tomber d’un coup.»
Les conséquences mystiques pour le vendeur de chien et sa famille
Pour que le rituel fonctionne, le chien ne peut pas être acheté n’importe où. Il doit venir d’un vendeur connu, identifié, intégré au circuit. Et ce dernier, même innocent, n’en sortirait pas totalement indemne. «Il subirait au moins 10 % des effets négatifs. Lui, sa femme ou ses enfants.» Le boss de IMDKannels raconte alors le cas d’un éleveur qui serait devenu borgne, l’oeil gauche entièrement blanc après une transaction du même ordre. Simple coïncidence ou signe troublant ?
«La mère d’un homme très connu au Sénégal est morte six mois après son sacrifice», ajoute-t-il. Une autre confession glace le sang. Celle d’un père ayant tenté de s’arracher une opulence par un sacrifice impliquant son propre enfant. Le bébé avait six mois. Aujourd’hui, à 18 ans, il vit avec une malformation sévère, reclus, figé dans une enfance éternelle. «Il donne l’impression d’avoir moins d’un an», rapporte encore le propriétaire de ImdKannels.
Modou*, éleveur reconnu dans le milieu depuis 2017, replace le phénomène dans une temporalité bien plus ancienne. «Ce n’est pas nouveau du tout», insiste-t-il. «Déjà en 2000, j’avais reçu trois appels pour la même chose. On me proposait plus de cinq millions de francs CFA pour un berger allemand noir. La personne m’appelait sans cesse, même à deux heures du matin. À la fin, j’ai bloqué son numéro.» «Le chien all black est une vraie star au Sénégal, surtout les bergers malinois noirs. Certains ne prennent même plus la peine de se cacher. Ils disent clairement que c’est leur marabout qui leur a demandé le chien, parfois même uniquement ses déjections.»