Le PJF relève des failles dans le rapport d’expertise comptable
L’affaire Lat Diop, en détention depuis le 26 septembre 2024, a connu un nouveau rebondissement judiciaire. Une décision qui a failli passer inaperçue dans le tumulte de l’actualité. La Chambre financière du Pool judiciaire (Pjf), statuant en Conseil le 12 août dernier sur l’appel des avocats de l’ancien Directeur général de la Lonase contre l’ordonnance de refus de mise en liberté provisoire, a tranché sans détour. Réunie hors la présence des conseils de l’inculpé, de l’Agent judiciaire de l’État, du ministère public et du greffier, la juridiction n’a pas seulement ordonné la mainlevée du mandat de dépôt visant Lat Diop, mais aussi prononcé son assignation à résidence à Hann Maristes, rapportent des sources de L'OBS. Plus encore, elle a écarté, dans son arrêt n°62, un élément que l’accusation présentait comme décisif, comme un élément nouveau : le rapport d’expertise comptable daté du 9 mai 2025, établi par Me Babacar Ndiaye.
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Ce document, sur lequel repose en grande partie l’arrêt n°62, révèle pourtant plusieurs faits supposés graves : l’acquisition par la Lonase d’un immeuble de près de 200 millions de FCfa, inoccupé depuis juillet 2022 ; des retraits en espèces, sans justificatifs, effectués par Ibrahima Ndao, directeur de Cabinet du ministre des Sports, pour un montant cumulé de 355 millions de FCfa, des versements totalisant 425 millions de FCfa à Me Diallo, sans preuve de prestation ni contrat, un paiement de 100 millions de FCfa à la société Afitech pour un marché sans appel d’offres, 100 millions de FCfa remis à El Hadji Djiby Ndiaye, logés dans la rubrique «approvisionnement de caisse» sans documentation, 50 000 Euros versés à l’avocat «Jacob», sans justificatif du service fait, 3,6 millions de FCfa de salaires indûment perçus par Lat Diop après son départ du ministère des Finances ; enfin, un écart de plus de 541 millions de FCfa entre les flux financiers crédités sur ses comptes (840 millions de FCfa) et ses revenus déclarés (298 millions de FCfa).
L’expert reconnaît lui-même, dans son document, l’absence de pièces justificatives
Pour la Chambre d’accusation financière, ce rapport souffre pourtant «d’insuffisances» et même d’une «tare congénitale». Selon le président de la Chambre et ses assesseurs, l’expert reconnaît lui-même, dans son document, l’absence de pièces justificatives, invoquant la présence d’autres organes de contrôle et le départ en congé du principal gestionnaire des archives. Il admet également n’avoir pas reçu certaines preuves sollicitées avant la rédaction de son rapport provisoire et, plus grave encore, n’avoir jamais interrogé Lat Diop sur les constatations avancées. Autant d’omissions qui, selon les Juges, portent une atteinte manifeste aux droits de la défense et «fragilisent la crédibilité des conclusions». L’arrêt relève, en outre, que l’expertise s’est déroulée alors que l’Inspection générale d’État (Ige) et les commissaires aux comptes menaient simultanément leurs propres vérifications à la Lonase. Dans ces conditions, l’expert aurait dû, selon la Chambre, attendre l’issue de ces contrôles pour disposer d’éléments complets. En ne le faisant pas, ses conclusions sont jugées «hâtives et prématurées».
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En définitive, la Chambre considère que les constats de l’expertise, loin d’apporter des charges nouvelles dans le cadre de l’infraction principale de détournement de deniers publics, mettent plutôt en évidence des indices d’enrichissement illicite et de blanchiment de capitaux. Or, rappelle la juridiction, ces infractions sont désormais autonomes et n’exigent pas la preuve d’une infraction préalable. Dès lors, les contestations sérieuses déjà consacrées par un précédent arrêt du 26 mars 2025 demeurent valables. Sur ce fondement, les Juges estiment que Lat Diop remplit les conditions posées par l’article 140 du Code de procédure pénale pour obtenir la levée de son mandat de dépôt et bénéficier d’une liberté provisoire, désormais encadrée par une assignation à résidence. Ce à quoi s’oppose toutefois le Procureur général du Pool judiciaire financier (Pjf), qui a introduit un nouveau recours, maintenant Lat Diop en prison.