Une circulaire, signée le 14 juillet par Serigne Guèye Fall, directeur du Grand Théâtre National Doudou Ndiaye Coumba Rose, a suffi à déclencher une levée de boucliers sans précédent. En interdisant à son personnel le port de greffages, de perruques et la pratique de la dépigmentation, la direction dit vouloir «préserver l’image de l’institution» et «promouvoir les valeurs panafricaines». Mais dans les couloirs comme sur les réseaux sociaux, beaucoup y voient une atteinte flagrante aux libertés individuelles, voire une violente injonction sexiste. Sur X (ex-Twitter), Instagram et Facebook, la riposte a été immédiate. Militantes féministes, personnalités culturelles, juristes et anonymes ont fustigé une directive jugée discriminatoire. Pour elles, le message est un affront, non une élévation.
Le directeur assume…
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Contacté par L’Observateur, le directeur du Grand Théâtre, Serigne Guèye Fall, assume l’esprit de la circulaire. « Nous devons ressembler à des Africains», a-t-il déclaré sans ambages, interrogé sur le sens de sa démarche. À ses yeux, ces pratiques esthétiques s’opposent à l’«âme» du Grand Théâtre, censé incarner une certaine idée de l’authenticité africaine. Il reconnaît cependant l’effet boomerang de la mesure: «C’est une note interne qui ne devait pas sortir du Grand Théâtre. Nous l’avons publiée dans nos groupes pour rappeler une de nos missions : promouvoir la pensée endogène, l’africanité. Cela passe aussi par l’apparence.»
Lorsqu’on lui demande s’il a anticipé les critiques de sexisme ou d’atteinte aux libertés, sa réponse est sans détour : «Non, nous n’avons pas pensé à cela.» Et d’ajouter, dans une formulation ambiguë : «La note n’est pas obligatoire. Mais nous préférons que notre personnel incarne nos valeurs.» Un positionnement flou, entre injonction non contraignante et rappel à l’ordre esthétique, qui n’a pas apaisé les critiques.
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La décision est-elle légale ?
Au-delà du débat moral et politique, la légalité de cette note pose question. Peut-on, dans une administration publique, interdire à des agents certaines coiffures ou pratiques esthétiques sans texte de loi ? Interrogé par L'OBS, Me Amadou Kane, avocat au barreau de Dakar, est formel : « C’est une atteinte à la liberté individuelle. Je ne vois aucun fondement légal.» Selon lui, cet acte peut être contesté devant la chambre administrative de la Cour suprême par les membres du personnel qui se sentiraient lésés. Et la Chambre pourra dire «si ce type d’interdiction qui ne repose pas sur texte législatif, ne poursuit pas un but légitime, n’est pas un abus d’autorité.»