Cinq cents jours. C’est, en politique, à la fois très court pour transformer une nation et assez long pour imprimer une vision, dessiner des ruptures ou confirmer des continuités. Le Sénégal, qui a connu depuis 2012 deux alternances majeures, offre aujourd’hui une occasion unique d’évaluer les débuts de gouvernance de deux présidents aux trajectoires et styles radicalement différents : Macky Sall, élu en 2012, et Bassirou Diomaye Faye, arrivé au pouvoir en avril 2024. À ce même stade de leur mandat, lequel a le mieux amorcé la transformation du pays ?
Macky Sall : le bâtisseur technocrate d’un Sénégal à deux vitesses
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Élu le 2 avril 2012, Macky Sall débute son mandat par un vaste ménage institutionnel. Suppressions de conseils jugés budgétivores, audits publics, recentrage du pouvoir : il s’impose rapidement comme un président méthodique et tourné vers les grands projets. Son cheval de bataille : le Plan Sénégal Émergent (PSE), une ambitieuse feuille de route économique appuyée par les bailleurs internationaux. En 500 jours, des chantiers structurants émergent : aéroport Blaise Diagne, autoroutes, port de Ndayane, ville de Diamniadio, électrification rurale. La croissance atteint 5 %, positionnant le Sénégal parmi les élèves modèles de la zone UEMOA. Mais ce boom cache des disparités : l’investissement reste concentré dans la capitale et ses alentours, et le chômage des jeunes ne recule pas. Le coût de la vie grimpe, l’endettement explose, la pauvreté reste tenace dans les campagnes.
Macky Sall incarne alors la modernisation sans redistribution, avec un modèle de développement jugé trop vertical, voire élitiste. Derrière les gratte-ciels de Diamniadio, la souffrance silencieuse des oubliés du progrès.
Bassirou Diomaye Faye : le président de la rupture et de la vérité budgétaire
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Le 2 avril 2024, Bassirou Diomaye Faye prend ses fonctions dans un contexte inédit. Libéré de prison à quelques jours du scrutin, il arrive au pouvoir porté par une vague populaire inédite. Très vite, il frappe fort : un rapport de la Cour des comptes dévoile un endettement réel du Sénégal bien supérieur aux chiffres officiels, frôlant les 105 % du PIB. Cette transparence radicale bouleverse la relation avec les bailleurs. Le FMI suspend temporairement un prêt de 1,8 milliard de dollars. En réponse, Diomaye Faye lance une politique de réalignement budgétaire, refusant tout nouvel emprunt tant que les finances ne sont pas assainies. Une approche austère mais saluée par les économistes souverainistes.
Côté réformes, le président tient parole : nouvelle Constitution, rééquilibrage des pouvoirs, suppression d’institutions jugées clientélistes (CESE, HCCT), renforcement du pouvoir local, mise en place d’un projet de vice-présidence. Sur le plan politique, la majorité obtenue aux législatives de novembre 2024 lui donne les coudées franches. Le Plan Sénégal 2050 succède au PSE : moins de béton, plus de souveraineté. Les recettes attendues du pétrole (Sangomar) et du gaz deviennent les piliers d’une stratégie d’autofinancement des investissements publics à 90 %. Un virage assumé.
Mais le style Diomaye n’est pas sans heurts. Les tensions avec la presse éclatent dès août 2024: redressements fiscaux, comptes gelés, journées sans journaux, critiques internationales. Le pouvoir assume un discours de moralisation, là où ses détracteurs dénoncent des dérives autoritaires.
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Comparatif : deux visions, deux méthodes, une population qui observe
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Les premiers chiffres comparés des 500 jours montrent une croissance légèrement supérieure sous Diomaye Faye (6 % contre 5 % sous Macky Sall). Les grands projets d’infrastructure ont laissé place à des réformes institutionnelles, budgétaires et sociales.
Si Macky Sall a misé sur les partenariats extérieurs et les investissements massifs, Diomaye Faye cherche une indépendance financière et une relocalisation des priorités. L’un a privilégié l’image, l’autre l’audit. L’un a rassuré les marchés, l’autre cherche à rassurer les citoyens. Côté libertés, Macky Sall, malgré des critiques sur la gestion des manifestations et certaines arrestations, n’a pas connu de bras de fer aussi direct avec la presse. Diomaye, lui, semble moins enclin à composer avec les acteurs médiatiques.
Une courte avance pour Diomaye, mais le match est loin d’être fini
Après 500 jours, Bassirou Diomaye Faye incarne l’espoir d’un renouveau démocratique et économique. Sa posture de président réformateur, austère mais transparent, séduit une large frange de la population, lassée des promesses non tenues. Il a su redonner du sens à l’action publique, même si les résultats sociaux concrets (emplois, pouvoir d’achat, stabilité) se font encore attendre.
Macky Sall, quant à lui, reste le président des grands travaux, mais son modèle a peiné à inclure les oubliés du système. Il a construit, mais n’a pas toujours écouté. Diomaye promet d’écouter, mais doit maintenant construire.
À ce stade, l’histoire donne un léger avantage à Diomaye Faye. Mais seule la suite dira s’il aura transformé l’essai ou simplement capté, un temps, l’espérance d’un peuple.