Violences anti-migrants : La Banque mondiale sanctionne la Tunisie

La Banque mondiale (BM) va suspendre « jusqu'à nouvel ordre » son cadre de partenariat avec la Tunisie, après les attaques visant des migrants dans le pays, à la suite d'un discours du président tunisien Kaïs Saïed, prononcé à la fin de février, qui dénonçait des « hordes de migrants clandestins ».

Des migrants africains au large de la ville de Sfax, dans le sud de la Tunisie, le 28 octobre 2022. © Yassine Gaidi / Anadolu Agency via AFP

Selon un courrier adressé à ses équipes par le président de la BM, David Malpass, que l'AFP a pu consulter lundi, l'institution n'était pas en mesure de poursuivre ses missions sur place compte tenu de la situation, alors que la sécurité et l'inclusion des migrants et minorités font partie des valeurs centrales d'inclusion, de respect et d'antiracisme de la BM. La décision concerne le Cadre de partenariat pays (CPF en anglais), qui sert de base au suivi du conseil d'administration de la BM afin d'évaluer et accompagner le pays dans ses programmes d'aide.

Concrètement, l'institution ne peut plus lancer de nouveau programme de soutien avec le pays tant que le C. A. ne s'est pas réuni, et elle a décidé de remettre à plus tard cette réunion sur la Tunisie jusqu'à nouvel ordre, selon le courrier de M. Malpass. Les projets financés restent financés et les projets en cours restent en cours, a-t-on précisé de source proche de la BM.

Mise en place de mesures de sécurité

La BM prévient cependant d'un possible ralentissement de ses actions sur place à cause de la mise en place de mesures de sécurité, en particulier auprès de ses personnels originaires d'Afrique subsaharienne et de leurs familles. La Tunisie a une longue tradition d'ouverture et de tolérance qui est encouragée par tant de personnes dans le pays, a insisté David Malpass dans son courrier aux employés de la BM. Si les mesures prises par le gouvernement tunisien afin de protéger et soutenir les migrants et réfugiés dans cette situation très difficile vont dans le bon sens, la BM assure qu'elle évaluera et surveillera attentivement leur impact.

Hordes de migrants clandestins

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À l'occasion d'un point presse lundi, le porte-parole du département d'État américain, Ned Price, a fait part des préoccupations profondes des États-Unis concernant les commentaires du président Saïed. Le porte-parole a appelé le gouvernement tunisien à respecter ses obligations au regard du droit international en protégeant les droits de réfugiés, demandeurs d'asile et migrants. Le 21 février, le président tunisien Kaïs Saïed avait estimé dans un discours que des mesures urgentes étaient nécessaires contre l'immigration clandestine de ressortissants de l'Afrique subsaharienne. Il avait notamment parlé de hordes de migrants clandestins dont la venue relevait d'une entreprise criminelle ourdie à l'orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie. Ces propos ont été vivement critiqués par des ONG et des militants des droits de la personne.

Ils ont également semé un vent de panique parmi les migrants subsahariens qui font état depuis d'une recrudescence des agressions les visant et se sont précipités par dizaines à leurs ambassades pour être rapatriés. Selon des données officielles citées par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), la Tunisie, qui compte quelque 12 millions d'habitants, abrite plus de 21 000 ressortissants de pays d'Afrique subsaharienne, en majeure partie en situation irrégulière.

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