Adji Sarr à Le Monde : « il [Sonko] me répétait que personne ne me croirait »

Cette employée d’un salon de massage, qui a porté plainte contre le député pour « viol » et « menaces de mort » en février, s’exprime, dans Le Monde, depuis le début du scandale.

Adji Sarr - Le Monde

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Que devient Adji Sarr ? La question était sur toutes les lèvres ces dernières semaines au Sénégal. En accusant de viol et de menaces de mort, début février, l’opposant Ousmane Sonko, cette employée d’un salon de massage a donné le coup d’envoi d’une vague de contestation d’une virulence inédite dans un pays pourtant réputé pour sa stabilité. Sa plainte a été rejetée en bloc par les partisans du leader des Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), qui ont dénoncé une machination politique visant à écarter leur champion du jeu politique.

La jeune femme ne s’était pas exprimée en public depuis le début du scandale. Mercredi 17 mars dernier, elle a finalement brisé le silence.

La jeune femme, que Le Monde a pu rencontrer à la mi-février 2022, raconte: « Tout un pays m’accuse d’être responsable de ces morts. C’est très lourd. Mais je ne veux plus rester silencieuse, je dois donner ma version des faits.» A l’été 2020, après de longues années à travailler comme bonne à tout faire chez une commerçante, elle est recrutée par un salon de massage, le Sweet Beauty Spa, situé dans un quartier résidentiel de Dakar. Adji Sarr assure n’y avoir pratiqué que des massages classiques – sans prestations sexuelles – jusqu’à sa rencontre avec Ousmane Sonko, qui l’aurait violée, selon elle, à cinq reprises entre juin 2020 et février 2021.

« J’ai connu Ousmane Sonko au salon de massage où j’étais employée. Je l’ai reconnu sans rien dire. Lorsqu’il s’est déshabillé dans la cabine, j’ai vu qu’il portait deux armes dans leur gaine. J’ai pris peur mais il m’a dit que c’était pour sa protection », a raconté Adji Sarr. Au terme de cette première séance, affirme-t-elle, le député lui aurait indiqué qu’il connaissait son domicile et sa vraie identité, alors qu’elle travaillait sous pseudonyme. Quand elle l’a supplié de ne pas la toucher, il l’aurait étranglé. « Il m’a demandé de me mettre par terre pour faire ce dont il avait envie, avant de me laisser partir », a-t-elle poursuivi, la voix nouée : « Il n’a pas pointé ses armes sur moi mais m’a fait comprendre qu’il pouvait me faire tuer sans que personne ne le sache. »

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« Ma patronne m’a conseillé d’avorter »

Depuis la médiatisation de sa plainte, la jeune femme a reçu plusieurs menaces et vit cachée. Si l’affaire a profondément divisé le Sénégal, la parole de la plaignante a été jusqu’à présent peu prise en considération. Un peu plus d’un an après l’adoption d’une loi criminalisant le viol, les organisations féministes ont été rares à soutenir la jeune femme. Un silence interprété par certains analystes politiques comme le signe d’une défiance à l’égard de la justice sénégalaise.

Elle a également confié être tombée enceinte de M. Sonko. « Quand j’ai révélé à ma patronne qui était l’auteur de ma grossesse, elle m’a dit s’en douter mais m’a conseillé d’avorter avec du Coca associé à du café pour ne pas causer de problèmes », a déclaré la jeune femme, assurant détenir des enregistrements sur son téléphone.

Sa seule envie est de quitter le pays. Pour elle Sonko a gagné.

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