'Sukërou Koor' : le casse-tête des femmes mariées

« Sukërou Koor », cette pratique bien sénégalaise pour les musulmans pendant le mois béni de ramadan, à offrir aux jeûneurs les plus démunis des denrées de première nécessité. Au fil du temps, cette tradition, qui n'est pas une obligation selon le Coran, s'est totalement transformée en obligation, pour les femmes mariées, d'acheter des cadeaux onéreux à leur belle-famille.

'Sukërou Koor' : le casse-tête des femmes mariées

Au Sénégal, l'annonce du mois de ramadan empêche beaucoup de femmes mariées de dormir sur leurs deux oreilles. Ce mois béni, de purification et de partage apporte beaucoup de stress à énormément de femmes mariées, du fait de la tradition bien ancrée et toxique du « Sukërou Koor ». Les cadeaux à donner à la belle-famille, dans ce contexte économique difficile, rendent beaucoup de femmes malheureuses.

D’ailleurs, nombre sont celles qui s’y prennent bien avant le ramadan. Elles font des tontines, de petits commerces pour pouvoir rassembler de l'argent et faire plaisir à leur belle-famille pendant ce mois sacré. La plupart entre elles le font, pas parce qu'elles ont les moyens, mais c'est pour échapper aux moqueries, humiliations, calomnies, critiques, bref, pour sauver leur peau.

« Le "Sukërou Koor" est train de briser les foyers. Je n'ai pas les moyens pour acheter des choses pour ma belle-mère et mes belles-sœurs. Hier, j'ai contacté une de mes copines pour qu'elle me mette en rapport avec son vendeur de tissus. Je veux que ce dernier me donne cinq "thioub" légers et que je lui donne chaque jour 500 FCFA », lance Adja Diop, une jeune dame résidente à Keur Massar interrogé par Enquête.

Poursuivant son inventaire, elle soutient que son amie lui a demandé pourquoi elle veut faire un prêt, sachant que sa belle-famille sait que son mari n'a pas les moyens. "Je lui ai fait savoir que je n'ai pas les moyens, mais je n’ai pas aussi le choix. Car je vis avec mes belles-sœurs et, chaque jour, elles me calomnient, me traitent de tous les noms d'oiseaux. Et si je ne donne pas le « Sukërou Koor », ça pourrait même impacter mon ménage. Mes rivales (woudiou péthior) ont donné leur part, depuis le premier jour du mois de ramadan", débite-t-elle avec un air triste.

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Les effets pervers d’une tradition faussée

Embouchant la même trompette, Rama Kébé soutient que le fameux « Sukërou Koor » est en train de faire des ravages. Pour expliquer les pressions qu’elle subit, elle raconte : « Je suis deuxième femme, mais je ne cohabite pas avec ma belle-mère. Quinze jours avant le ramadan, je suis allée lui rendre visite à Rufisque. Une fois là-bas, j'ai demandé à une de mes belles-sœurs de me faire des tresses. Lorsqu'elle me tressait, elle disait à voix basse : "Si ma belle-sœur ne me donne pas de 'Sukërou Koor', quand elle aura un bébé, je ne ferai pas ses éloges." Mais je n'ai pas réagi », raconte-t-elle.

La belle-sœur de poursuivre : « Rama, si tu ne me donnes pas ce que tu m'avais promis, lorsque tu vas accoucher, je ne ferai pas tes éloges. » « Si tu ne le fais pas, mon mari le fera et c'est tout ce qui compte pour moi. » lui répondis-je. Elle m’a rétorqué : « Pour qu'un baptême réussisse, il faut que ta belle-mère, tes belles-sœurs et beaux-frères fassent tes éloges. S'ils ne le font pas, toute personne qui l'aura fait est un fumiste. »

En effet, pour beaucoup de femmes mariées, c’est devenu une réalité difficile à accepter, d’autant que la belle-famille ne comprend que les femmes veulent leur faire du plaisir, mais que les maris ne leur donnent pas toujours les moyens. « Je n'ai pas encore donné de "Sukërou Koor", parce que je n'ai aucun franc. Mon mari ne m'a rien donné. Donc, je ne vais pas emprunter ou demander à qui que ce soit de me donner de l'argent pour acheter des "téranga" à ma belle-famille pour qu'elle soit contente de moi », déclare Astou Ndao, une vendeuse de poissons.

La dame ajoute : « Quand on fait un prêt pour acheter du "Sukërou Koor", après le ramadan, on est dans le désarroi. »

Aujourd’hui, lorsqu’une femme mariée ne donne pas le « Sukërou Koor », elle est humiliée, maltraitée, caricaturée par sa belle-famille. « J'ai tout acheté, comme d'habitude, avant le ramadan. Parce que je ne veux pas qu'on me dise de mauvaises paroles. J'ai acheté un bijou en or, 5 m de Getsner pour ma belle-mère. J'ai dépensé plus de 200 000 FCFA pour uniquement faire plaisir à ma belle-mère », renseigne Awa Fall, trouvée dans sa maison à Diameguene Sicap Mbao.

Le « Sukërou Koor », est le fait d'offrir quelque chose dont on peut se servir pour la rupture du jeûne (iftar en arabe). Selon Imam Kanté, dans l'islam, il n'y a pas d'obligations faites à une femme mariée de donner des biens financiers ou matériels à sa belle-famille. Au contraire, la femme mariée est prise en charge par son mari.

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