Je suis meurtri par les multiples violences que subissent nos jeunes sœurs et frères étudiants.
- la première violence, ce sont les conditions d'études et d'existence inhumaines dans les amphithéâtres et les campus, tellement bondés qu'il faut faire des coudes pour assister aux cours, pour se loger (jusqu'à 10 étudiants par chambre) ou suivre une longue queue pour se restaurer ;
- la deuxième violence, c'est le retard apporté au paiement de leurs bourses d'études, pourtant vitale pour l'écrasante majorité d'entre eux, souvent issus de milieux assez modestes ;
- la troisième violence, c'est la brimade disproportionnée, à chaque fois qu'il veulent manifester contre ces traitements déshonorants infligés par leurs propres gouvernants, avec son lot de blessés, d'arrestations et, quelques fois, de morts d'étudiants jamais élucidés ;
Mais les quatrième et cinquième violences sont les plus insidieuses, puisque d'ordre psychologique :
- l'étudiant sénégalais est moralement torturé par l'absence d'horizon, toujours tenaillé par le doute, voire le scepticisme d'un présent difficile et d'un lendemain sans perspective aucune de trouver un travail ;
- l'étudiant sénégalais est toujours sous le choc causé par le regard et l'image que projette de lui le seul responsable de sa condition, c'est à dire les pouvoirs publics.
Les étudiants s'entendent toujours traiter de voyous, de délinquants, de jeunes ratés et maintenant, de terroristes par le gouvernement et ses démembrements. Pourtant eux, président de la République, ministres, DG et autres, tous produits de nos universités du temps de leur lustre, leurs enfants déroulent tranquillement leurs études dans les meilleures universités du monde au Canada, aux États-Unis, en France... où ils vivent dans des palaces et valsent entre les avions pour des vacances à Dubaï, Paris ou la Californie. Quand ils sont au Sénégal, leur vie se résume aux villas, boites de nuit et de jeux des quartiers chics de Mermoz, Point E et Almadies où ils se déplacent en voitures de luxe coûtant des centaines de millions.
Tout cela avec l'argent du contribuable détourné de ses destinations que sont l'éducation et la santé, entre autres. Je marque ma compassion à ces étudiants victimes d'un système incompétent, corrompu et injuste.
Oui à la régulation et à la règlementation des universités qui doivent absolument demeurer des espaces de savoir, de paix et de quiétude, mais je dis non à la fermeture du campus social qui compromettrait davantage la situation et les chances d'une jeunesse déjà trop abandonnée et sacrifiée, alors que le premier semestre n'est même pas bouclé.
Pendant ce temps, les gouvernements continuent à vendanger les intérêts nationaux aux étrangers, à entretenir un système d'escroquerie sur les deniers et biens publics, à dilapider l'argent public dans des rassemblements politiques farfelus et à mentir à cette jeunesse par des promesses chimériques d'emplois. Je reviendrai sur la situation des enseignants.
Fait à Dakar, le 16 avril 2021
Ousmane SONKO