Placé sous mandat de dépôt à l'issue de sa comparution devant la chambre d'accusation de la Haute Cour de justice, Mansour Faye, n'est toujours pas auditionné au fond. L’ancien ministre du Développement communautaire, de l’Équité sociale et territoriale est accusé «d'association de malfaiteurs, concussion, corruption, prise illégale d'intérêts, faux et usage de faux en écritures privées de commerce ou de banque, détournement de deniers publics, blanchiment de capitaux», ainsi que de «complicité» sur tous ces chefs d'accusation. Il lui est reproché de présumées infractions financières liées à sa gestion des fonds Force Covid-19 alloués à son ministère dans le cadre du Programme de résilience économique et sociale, estimés à 2,7 milliards FCFA.
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Tous les ministres mis en accusation auditionnés sauf Mansour Faye
Depuis son incarcération, il n’a pas été entendu, fait remarquer L'OBS, quo précise que le maire de Saint-Louis reste dans l’attente de son audition. Ce qui est bizarre, c’est la célérité avec laquelle, les dossiers des autres ministres mis en accusation ont été traités, contrairement à celui de Mansour Faye qui traîne. Moustapha Diop a été auditionné, même s’il demeure toujours en prison. Ndeye Saly Diop Dieng a été entendue et placée sous contrôle judiciaire. Ismaïla Madior Fall, après son audition, a été placé sous bracelet électronique. Placée sous mandat de dépôt, Aïssatou Sophie Gladima a finalement bénéficié d’une liberté provisoire sous bracelet électronique. Seul Mansour Faye est encore au fond de sa cellule sans audition.
"Un dossier vide"
Une inertie que ne comprennent pas ses avocats. Pourquoi aucun acte n’a été posé dans l’affaire Mansour Faye depuis son inculpation par la Commission d’instruction ? « Mansour Faye a été emprisonné le temps de chercher des preuves », explique sa défense. Dans des explications détaillées, Me El Hadj Amadou Sall dénonce un dossier «vide» et une procédure «irrégulière» qui expliquent pourquoi son client n’a toujours pas été entendu. «La commission d’instruction bute sur plusieurs difficultés», lance d’emblée l’avocat. «D’abord, il y a des co-inculpés qui ne sont pas poursuivis devant la même juridiction que Mansour Faye. Or, tous ses co-inculpés sont aujourd’hui en liberté, quelles que soient les conditions dans lesquelles ils l’ont obtenue. Ce que Mansour Faye, lui, n’a pas», dit-il.
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"Les 10 difficultés" de la Commission d'instruction de la Haute Cour de justice
La deuxième faille de la procédure, selon lui, est encore plus préoccupante : «Mansour n’a jamais été entendu. On l’a mis en accusation et renvoyé devant une commission sans qu’il ait pu donner la moindre explication. Sans audition préalable et sans dossier solide», confie la robe noire. Me Sall rappelle également que le nom de son client n’a jamais été mentionné par le rapport de la Cour des comptes : «La troisième difficulté est qu’à aucun moment, le rapport de la Cour des comptes n’a jamais demandé sa poursuite». Revenant sur les accusations de surfacturation, l’avocat insiste : «La quatrième difficulté est que le marché en question a été attribué par appel d’offres. Dans tout appel d’offres, il y a des moins-disant et des mieux-disant. La commission a choisi le mieux-disant.»
La cinquième difficulté est que ce mieux-disant a proposé un prix inférieur à celui du marché. «À l’époque, le marché se situait à 300 000 FCFA la tonne. La commission des marchés a retenu une offre à 275 000 FCfa. Cela signifie que sur chaque tonne, l’État a gagné 25 000 FCFA. Comment peut-on parler de surfacturation, si l’État a économisé de l’argent ?», s’interroge Me Sall.
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Pour l’avocat, il est clair que son client n’a joué aucun rôle direct dans l’attribution des marchés : «sixième difficulté ; Mansour Faye n’a pas présidé la commission des marchés. Septième difficulté, même s’il l’a approuvée, c’est le ministère des Finances qui a validé l’opération». Me Sall, enfonce le clou : «huitième difficulté ; ce n’est pas Mansour Faye qui paie. C’est encore une fois le ministère des Finances. Neuvième difficulté ; avant que le ministère des Finances ne paie, la gendarmerie vérifie si le bien acheté est bien arrivé à destination. Et dixième difficulté ; le paiement n’intervient qu’une fois la livraison confirmée». Sur la base de ces dix points, l’avocat conclut que la responsabilité de son client n’est pas engagée : "le dossier est mal ficelé depuis le départ par l’Assemblée nationale, qui a renvoyé Mansour Faye devant la Haute Cour de justice."