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Mariage à 13 ans, accouchement sous un bâtiment menaçant ruine, un tricycle ambulance : immersion au Poste de santé de Daharatou

Situé dans la région de Tambacounda, le village de Daharatou est sevré de structures de soins adaptés. Les populations sont les oubliées des autorités sanitaires.

Des conditions de vie quasi-moyenâgeuses

Niché en plein cœur du Boundou, dans le département de Kidiera, le village de Daharatou, distant de 210 km de Tambacounda, sa capitale régionale, manque de tout ou presque. Dans ce bled où vivent 7021 âmes, dont 1699 femmes en âge de procréer, on s’y croirait au bout du monde. Les conditions de vie des populations sont quasi-moyenâgeuses. Il n’y a aucune infrastructure sociale de base. Le Poste de Santé de de Daharatou souffre d'un manque crucial de ressources et d'équipements essentiels.

Mariage à 13 ans, accouchement sous un bâtiment menaçant ruine, un tricycle ambulance : immersion au Poste de santé de Daharatou

Les habitants de la zone rencontrent des difficultés d'accès aux soins de santé de base en raison de cette situation préoccupante. Les femmes, quand elles doivent accoucher, sont embarquées sur des ambulances à motos en direction du centre de santé de Kidiera.  Une situation qui freine la lutte contre la mortalité maternelle et infantile dans la zone et laquelle peut engendrer des complications chez ces parturientes.

A la maternité construite depuis plus de 9 ans par les populations sur fonds propres, la salle de soins manque d’équipements de base.  « Au commencement, c’était une case. Mais les femmes de la localité avec l’aide de l’ancien ICP ont décidé de construire cette maternité. Chacune d’elles a cotisé entre 200 et 300 FCFA, afin que le projet puisse voir le jour. Et, ce sont elles-mêmes qui l’ont réalisée avec du banco (terre argileuse et autres) », a révélé Dieynaba Sow, la seule sage-femme dudit poste de santé. Elle s'exprimait lors de la caravane de presse organisée par l’Association des journalistes en santé population et développement ( AJSPD) dans la région.

Mariage à 13 ans, accouchement sous un bâtiment menaçant ruine, un tricycle ambulance : immersion au Poste de santé de Daharatou

Le bâtiment a été même peint par l’Infirmier chef de poste (ICP) lui-même.  « Nous n’avons que deux salles. L’une sert de consultation, d’hospitalisation, de travail et de suite de couches et l’autre d’accouchement. Cependant, le toit en zinc affaibli par une charpente défectueuse, ne résiste plus aux eaux pluviales. Même lors des accouchements, la salle est inondée et les eaux de pluie s’invitent jusque sous les lits d'accouchement», rembobine-t-elle. Elle rajoute, dépitée : « les murs fissurés sont devenus très humides. Avec l’hivernage de cette année, nous craignons un effondrement du bâtiment. Nous sommes sur le qui-vive. Le bâtiment peut s’affaisser en plein accouchement. », On y retrouve même des serpents ». Outre les menaces de ruine, le poste de santé est « infesté » de serpents.

Un tricycle ‘’VIP’’ ambulance pour transporter les femmes enceintes

Mariage à 13 ans, accouchement sous un bâtiment menaçant ruine, un tricycle ambulance : immersion au Poste de santé de Daharatou

Toutefois, il y a une lueur d’espoir.  Une société dans le cadre de sa politique de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) avait démarré les travaux d’une nouvelle maternité pour le poste de santé de Daharatou. Mais les travaux sont à l’arrêt  depuis quatre (4) mois, en raison d’un déficit de financement. « On nous a promis de nous construire une maternité mais cela n’avance pas. Aujourd’hui, j’ai peur de rentrer dans les salles de soins puisqu’un drame peut survenir à tout instant. Pour cela également, les femmes enceintes préfèrent accoucher à domicile parce qu’elles ont peur de mourir ici si toutefois les murs du bâtiment venaient à s’affaisser. C’est pourquoi, on a constaté que le taux d’accouchement à domicile est élevé par rapport aux statistiques de 2024 », a révélé Mme Sow.

Des femmes qui se nourrissent du sable

Mariage à 13 ans, accouchement sous un bâtiment menaçant ruine, un tricycle ambulance : immersion au Poste de santé de Daharatou

Le poste de santé ne dispose pas d’ambulance. C’est un tricycle, ironiquement surnommé par la Sage-femme, « mon VIP » qui transporte les malades et femmes enceintes. « Ce véhicule est utilisé pour transporter les cas urgents — éclampsie, HTA, hémorragies — jusqu’au centre de santé de Kidira. Mais il est instable, tombe souvent en panne, et les routes sont difficiles d’accès. Certaines femmes accouchent en route, et des cas d’avortement sont fréquents. » L’ambulance tricycle est un don de l’Unicef.

L’infirmier chef de poste, M. Guissé plaide pour la réhabilitation de la structure sanitaire pour l’amélioration de la santé des populations rurales ainsi que les nomades. « Nous voulons la dotation d’une ambulance médicalisée, en matériel médical et bureautique. Auprès des partenaires techniques et financiers, nous demandons l'achèvement des travaux de la maternité et le démarrage des chantiers du logement de l'infirmier. Nous sollicitons aussi les supplémentations en fer des Femmes en âge de reproduction, le recrutement d’un doublon (sage-femme), le renforcement des connaissances de la sage-femme en échographie, la dotation d’un appareil en échographie ainsi que la construction d’une case de santé », a listé l’ICP.

Les filles mariées entre 12 et 13 ans

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Les mariages précoces persistent dans la zone comme un grave problème entravant l’éducation des filles. Les filles ont des relations sexuelles avant l’âge de 14 ans. Conséquence : « Les mariages précoces, fréquents dès 12 ou 13 ans, provoquent des accouchements dystociques. Les jeunes filles sont souvent mal nourries», explique la sage-femme Dieynaba Sow. Pis, en l’absence de leurs époux, qui partent en transhumance durant neuf mois, certaines mangent du sable pendant la grossesse, faute de nourriture. Parfois, elles ne font pas leurs consultations prénatales, au motif qu’elle n’ont même pas 500 FCFA pour une consultation. Le taux de planification familiale est aussi en chute. Malgré les efforts de sensibilisation et les réunions discrètes organisées avec le soutien des bajenu gox, la PF reste taboue. Les femmes craignent d’être répudiées si elles s’y engagent ouvertement.

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