Mimi Touré met en garde Benno Bokk Yaakaar contre toute tentative de l’évincer de l’Assemblée nationale après sa démission du groupe parlementaire de BBY. Pour elle, malgré sa démission du Groupe parlementaire du camp présidentiel, rien ni personne ne peut l’exclure juridiquement de la 14e législature dans laquelle, elle compte jouer pleinement son rôle au service du peuple sénégalais.
La question de la déchéance des députés qui démissionnent de leurs partis s’est souvent posée dans l’histoire du Parlement sénégalais. Les jurisprudences se suivent, mais ne se ressemblent pas ; de Macky Sall à Aminata Touré en passant par Moustapha Cissé Lo, Mbaye Ndiaye et Déthié Fall. S’il n’y a pas d’équivoque dans le cas du député élu sur la liste d’un Parti et qui démissionne en cours de législature, les points de vue peuvent diverger en ce qui concerne les parlementaires élus sur la liste d’une coalition.
Lire Aussi
Mais pourquoi l’ancienne candidate à la présidence de cette institution craint donc des velléités de l’en exclure ? En fait, ce débat découle de l’article 60 de la Constitution qui prévoit de manière explicite : ‘’Tout député qui démissionne de son parti en cours de législature est automatiquement déchu de son mandat. Il est remplacé dans les conditions déterminées par une loi organique.’’
Dans la même veine, il y a le règlement intérieur de l’Assemblée nationale qui, en son article 7 alinéa 2, reprend textuellement la disposition constitutionnelle. Sur la base de ce texte, sous le régime du Président Abdoulaye Wade, en 2008, les députés Moustapha Cissé Lo et Mbaye Ndiaye ont été exclus et privés de tous leurs avantages. Ils étaient pourtant dans la même situation qu’Aminata Touré actuellement.
La loi parle du député élu sur la liste de son Parti et qui démissionne de ce Parti, pas du député
A en croire le désormais ancien député Alioune Souaré, une telle interprétation des dispositions de l’article 60 de la Constitution et 7 du Règlement intérieur est complétement erronée. ‘’La loi est formelle ; elle vise bien les députés élus sur la base d’un Parti et qui démissionnent en cours de législature. Il ne faut pas oublier qu’Aminata Touré est élue sur la base d’une coalition. Donc, même si elle démissionne de l’Alliance pour la République, elle ne perd pas pour autant son mandat’’, explique le parlementaire, qui invoque la ‘’jurisprudence’’ récente de Déthié Fall pour justifier son propos.
En mars 2021, ce dernier avait en effet créé son parti et démissionnait de fait de Rewmi. Pour autant, il avait continué à conserver son poste jusqu’à la fin de la législature, sans que cela n’ait soulevé une quelconque polémique. Mais à l’époque, la voix d’un député ne semblait pas aussi prépondérante dans une Assemblée nationale, où le camp présidentiel disposait d’une large et confortable majorité dite mécanique.
A côté de la jurisprudence Déthié Fall, d’autres pourraient invoquer celle relative à l’exclusion de Mbaye Ndiaye et Moustapha Cissé Lo en 2008. De quoi s’est-il agi à l’époque ? Macky Sall qui venait d’être exclu du PDS avait créé son propre Parti l’Alliance pour la République. Membres du Parti démocratique sénégalais dont ils se réclamaient encore, les députés Moustapha Cissé Lo et Mbaye Ndiaye, élus sous la bannière de la coalition Sopi, n’hésitaient pas à prendre position en faveur de celui qui deviendra plus tard le président de la République, à participer même à des réunions organisées par ce dernier.
Furieux, les Libéraux avaient invoqué les dispositions de la Constitution et du Règlement intérieur susvisées pour réclamer leur déchéance. Pour eux, les dissidents, qui avaient quitté leur groupe parlementaire, avaient démissionné de fait et devaient donc perdre leur mandat. Forts d’une majorité très confortable, ils n’ont eu aucune difficulté à mettre à exécution leur menace. Mais, ils ont eu à bénéficier d’une mesure de compensation pour les injustices subies
Selon Alioune Souaré, ce serait ‘’un forcing’’. ‘’Il faut le reconnaitre. Je répète, juridiquement, aucune loi ne prévoit la déchéance de celui qui démissionne de son Groupe parlementaire. Seul le cas du député élu sur la liste d’un Parti et qui démissionne de son parti est concerné. Et dans la présente législature, ils sont tous élus sur la base d’une coalition’’, souligne-t-il.