Sénégal : Le «je-m'enfoutisme» judiciaire

Par Mame Ngor Ngom

lma tribunal-judiciaire

A quelques mois d'une présidentielle inédite au Sénégal, tout tourne autour d'un président sur le départ pas candidat à sa succession et son principal opposant dans les liens de la détention.

Macky contre Sonko. Les autres opposants ainsi que le choix du président pour diriger la coalition Benno Bokk Yakaar peuvent jouer les seconds rôles s'ils ne sont pas tout simplement réduits en spectateurs.

La raison est cette option quasi-obsessionnelle à vouloir écarter celui qui était arrivé 3e à la dernière présidentielle de 2019. Et manifestement, tous les moyens sont bons, la fin justifie les actes déployés pour parvenir à l’objectif.

Le Maire de Ziguinchor n’était pas parvenu à être sur les listes pour les législatives du fait de l’élimination de la liste nationale qui avait chemin faisant mis à la marge bien des leaders de Yewwi Askan Wi.

Une coalition fragilisée et fortement affaiblie par des dissensions qui ont miné sa bonne et qui ont connu leur point culminant à l’Assemblée nationale avec le divorce consommé entre Pastef et Taxawu de Khalifa Ababacar Sall.

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Ainsi, pour justifier le refus de donner des fiches de parrainage à Ousmane Sonko, la Direction générale des Élections (Dge) a invoqué un « caractère suspensif » du pourvoi en cassation de l’Agent Judiciaire de l'Etat.

Ce qui manifestement viole la loi organique sur la Cour suprême. Il suffit de jeter un œil sur l’article 74-2 pour se rendre compte qu’ en matière administrative, seuls 4 pourvois sont suspensifs: en matière d’utilité publique, en matière d’extradition, en matière d’expulsion d’étrangers et en matière de litiges relatifs à l’élection aux conseillers des collectivités territoriales.

C’est d’ailleurs ce qu’affirme l’expert électoral Ndiaga Sylla pour qui le pourvoi en matière de contentieux sur l'inscription n'est pas suspensif. Et la Dge décida donc de se mettre à dos la loi. Et les avocats d’Ousmane Sonko d’exiger du Directeur Général des Élections « l’exécution sans délai la décision de justice rendue par le Président du Tribunal d’instance Ziguinchor ».

Pour eux, « le refus d’exécuter ladite ordonnance engage sa responsabilité personnelle et pénale en application des articles 106 et suivants du code pénal». Nous vivons un moment d’incertitudes, de doutes et de spleen lié à une seule obsession : un pouvoir qui veut vaille que vaille écarter son principal opposant de la course à la présidentielle.

Sonko et la posture rêvée

De la prison où il est, Ousmane Sonko n'a pas bougé d'un iota dans sa détermination « à faire face » au régime. La grève de la faim qu'il reprend illustre assez cette volonté de « résistance » qu'il qualifie de « droit constitutionnel ».

L’opposant qui n'a rien perdu de sa posture radicale est confortée par la grève de la faim de ses militantes à la prison pour femmes du Camp pénal. Une reprise de la grève de la faim « pour marquer ma solidarité avec nos vaillantes sœurs patriotes injustement arrêtées pour avoir exprimé leurs opinions politiques, ensuite écrouées et détenues depuis plusieurs mois au camp pénal de Liberté 6 et dans d’autres prisons, et aujourd’hui privées, pour certaines, de tout contact avec leurs proches, simplement pour avoir exercé leur droit légitime à recourir à la grève de la faim ».

En voulant protester contre une «détention arbitraire et électoraliste, et celle de centaines de patriotes », il reste conscient que son acte est une manière de sonner la mobilisation dans un contexte pré-électoral avec la recherche effrénée de parrainages en vue de la présidentielle de février 2024.

Apparemment, il a été revigoré par son procès gagné à Ziguinchor. D’où son appel à un esprit de « persévérance et de combativité, de détermination et d'endurance ». « Eux se battent pour les cinq prochains mois. Nous nous battons pour les 50 prochaines années ». Sonko est dans une posture radicale qu’il aime tant.

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