Emeutes à Dakar : le jour d’après ! [Reportage]

Barricades encore fumantes, bâtiments, enseignes commerciales et stations incendiés, carcasses calcinées de voitures : Dakar, la capitale présente toujours les stigmates des violences qui ont éclaté depuis le jeudi 1er juin, à l'annonce de la condamnation de Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme pour corruption de la jeunesse. Un tour à l’université Cheikh Anta Diop, sur les chantiers du BRT, dans les magasins d’Auchan et les stations d’essence témoigne de l’ampleur des dégâts.

Illustration des manifestations de Juin à Dakar

Désertés, l’université Cheikh Anta Diop et son campus social (le COUD) sont quadrillés par les vigiles. Il faut montrer carte blanche pour franchir le seuil du portail du « couloir de la mort ». Le portail du Coud affiche une façade noircie et des vitres explosées. Au Cesti, l’imposant portail a été défoncé par les manifestants et la guérite des gardiens est partie en fumée.

Sur le parking, ne restent que des carcasses de véhicules incendiés par les manifestants. Le rond-point en face du COUD porte les marques des plus violents affrontements : voitures brûlées bordent les restes de barricades. La direction du Coud a également subi les foudres des manifestants : façade incendiée, vitres brisées, portail enfoncé, voitures incendiées. Au campus pédagogique, la sécurité continue de procéder à des contrôles de personnes. L’accès des lieux est interdit jusqu’à nouvel ordre aux étudiants et aux usagers.

Le COUD évalue ses pertes

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L’intersyndicale constate et déplore les dégâts matériels énormes au sein de l’université en général et du COUD en particulier. En effet, selon l’intersyndicale, neuf bus de transport du personnel, une camionnette, une dizaine de véhicules particuliers appartenant au personnel ont été calcinés. S’y ajoute l’incendie et le saccage des locaux du COUD entre autres les bureaux du Directeur, du chef des services administratifs, de l’agent comptable particulier de la cellule juridique, de l’unité de sécurité et d’autres bureaux d’agents.

Ce désastre a été à l’origine de la décision des autorités de fermer le campus social. Les partenaires sociaux (syndicats) qui ne ménagent aucun effort pour la bonne marche de l’institution universitaire prennent acte de cette mesure tout en interpellant l’Etat pour une meilleure prise en charge de la sécurité des travailleurs, de leurs biens mais aussi et surtout des outils de travail du COUD.

A cet effet l'intersyndicale souligne encore la nécessaire de mettre à jour la loi sur les franchises universitaires. Elle exige que toute la lumière soit faite et que les responsables de ces dégâts soient sanctionnés. Par ailleurs, l’intersyndicale appelle au calme et à la sérénité mais aussi interpelle toutes les parties prenantes sur les responsabilités qui pèsent sur elles.

  • Grosse prise de gueule entre étudiants et vigiles

Notre reportage au sein de l’Université a été mouvementé. En plein interview, la sécurité de l'Ucad est intervenue pour interrompre notre reportage au motif que nous n'avons pas l'autorisation (par écrit) de faire des entretiens dans l'espace pédagogique dans ce contexte de crise (voir la vidéo).

Mais les étudiants leur oppose un niet catégorique. "L'interview se fera de gré ou de force, nous n'avons pas besoin de l'autorisation du recteur; nous sommes des présidents d'Amicales et nous représentons près cent mille étudiants, nous sommes des élus", peste l'étudiant Ibrahima Ndoye, président de la coordination des écoles et instituts de l'Ucad (Ebad, Cesti... ) et par ailleurs membres du Collectif des Amicales de l'Ucad. Finalement, au bout d'une d'âpres conciliabules, les étudiants obtiennent gain de cause. Nous avons réussi à poursuivre notre reportage.

Selon Ndoye, c'est qui s'est passé à l'Ucad est inédit. "Nous n'avons jamais, jamais assisté à telles casses à l'université. C'est une première et nous nous en désolons. Il y a une vingtaine de bus brûlés, le chapiteau qui faisait office de salle de cours pour les étudiants en sciences juridiques et en sciences Po ont été incendiés..." a déclaré Ibrahima Ndoye, la mort dans l'âme.

Oumar Diallo président de l'Amicale des étudiants à la Faseg annonce qu'ils se sont attachés les services d'un ingénieur pour faire le bilan des casses à l'UCAD. Les différents facultés de l'Ucad qui se sont constitués en Collectif, après avoir répertorié les casses, vont présenter un mémorandum aux autorités compétentes, renseigne Oumar Diallo.

  • Comment la CBAO Castors a été pillée ?

Ailleurs à Castors, divers commerces et institutions financières, notamment la banque CBAO, ont été pillés. Sur la Rue 13, des débris jonchent la chaussée aux endroits utilisés comme de véritables bastions par les casseurs. A la banque de la CBAO sis à Castors, les guichets ont été défoncés à la barre de fer ou à l'aide de pavés de granit, nous confie le vigile trouvé sur place.

Il y a 17 agences de banques saccagées selon l’APBEF (Association des professionnels de banque et établissement financier). À Pikine, la Banque Of Africa (BOA), Ecobank, Banque Atlantique, Bank De Dakar (BDK de Keur Massar), SGBS de Pikine (Société Générale), UBA et le site de cofina ont été détruits.

Aux Parcelles Assainies également, les destructions n’ont pas épargné les banques. La CBI International Bank, la Banque Islamique du Sénégal (BIS), ORABANK de Soprim, la Banque Nationale pour le Développement Économique (BNDE) et UBA Parcelles Assainies ont été mis à sac.

A Guédiawaye, les manifestants ont aussi attaqué le Société Générale. A Rufisque : CBI International Bank a été touchée. Aux HLM, là BOA et UBA ont été aussi ciblées ainsi que la CBI de Bourguiba. Et à l’agence de Coris Bank de Rufisque, les forces de l’ordre ont révélé que l’intervention de la police a permis de sauver le coffre-fort qui contenait plus de 77 millions de FCFA. La police est arrivée au moment où les manifestants ont voulu emporter le coffre-fort qu’ils ont tenté de défoncer en vain.

  • Les stations d’essence Total, cibles des manifestants

Un tour à Liberté 6 nous a permis de mesurer l’ampleur des dégâts. Les stations d’essence Total sises à Khar Yalla et au rond-point 6 ont été saccagées. Les ouvriers trouvés sur place n’ont pas voulu se prononcer sur l’attaque de leur chantier pour des raisons de sécurité.

  • Les installations du BRT vandalisées

Même décor à Grand-Yoff où les installations du Bus Rapid Transit (BRT) ont été saccagées. Au chantier du Bus Rapid Transit (BRT) de Liberté 6, on peut constater que l’attaque a été violente et les dégâts énormes. Toutes les vitres ont volé en éclats. Des morceaux de vitre tapissent le sol. Quelques pierres complètent le sinistre décor.

Prévue pour le mois de décembre prochain, la livraison du projet BRT (Bus Rapide Transit) a été reportée. Un report qui se justifie, selon Khadim Niang, chef de projet Ageroute BRT par le saccage de 19 stations de BRT sur les 23. Dans la foulée, il évoque que de nouvelles dépenses vont être effectuées pour le rachat du matériel détruit qui va venir de l’étranger.

  • Auchan Scat Urbam ferme boutique

A Scat urbam, le magasin Auchan, non loin de là, n’a pas été épargné par les émeutes. Les stigmates sont encore visibles. Les portes et les vitres du magasin ont été détruites, l’intérieur présente encore des marques du passage des flammes. Tout est sens dessus dessous. Une employée nous confie : ‘’Tout est détruit à l’intérieur. Le reste des marchandises est en train d’être acheminé vers l’entrepôt, jusqu’à ce que les lieux redeviennent exploitables.’’

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